𝟎 - 𝑙𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑙𝑜𝑔𝑢𝑒

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Si...

Si elle lui disait tout,

Les murs n'auraient plus d'oreilles.

Quand tout a été profané, quand tout a enflé comme une réaction venimeuse,

Elle picore le gravier en le confondant avec des graines de tournesols.























Seigneur !























Pour une tête engourdie par les commotions et le manque d'air, même le plus rugueux des parpaings aurait semblé duvet en satin.

Quand elle émergea du sommeil forcé où on l'avait enterrée, la chandelle vacillait, au bord de l'extinction. Ses pupilles firent de maladroits allers-retours sur le plafond devant elle, où se fissuraient quelques embouchures dans un bois rude, de confection manuelle. Des doigts malicieux étaient adroitement passés dans ses failles, abandonnant des traces de vernis noir et un parfum amer, aux vagues horizons d'air marin, sur la surface.

Les cheveux bruns de la captivé, éparpillés et légèrement ondulés, s'étaient si bien amassés dans les clous derrière son cou qu'il n'était désormais plus possible de s'en défaire sans couper sa crinière. Quand elle voulut se relever, car elle avait un mal fou à respirer, elle se rendit compte que son corps était en fait étriqué dans une sorte de boite exiguë qui l'entourait parfaitement, comme si elle avait été forgée sur mesure.

Et elle comprit directement.

Alors, on l'avait vraiment enterrée vivante ?

Elle s'était dit que ça ressemblait à une plaisanterie. Qu'il n'était pas capable de le faire pour de vrai. Mais rien ne lui avait perçu plus palpable, plus réel que les planches de bois étouffantes autour d'elle.

Et elle eut presque les larmes aux yeux. Terrifiée à l'idée que ce cauchemar se réalise et mortifiée par le fait que personne n'aurait le désir de venir la chercher. Elle pensa même : peut-être qu'ils ont tous signé pour que je finisse six pieds sous terre.

De toute façon, au dessus, il ne restait rien d'autre que des résidus de haine qu'elle n'avait su éteindre et de la tristesse à en faire jalouser les océans. Peut-être que la place qu'elle convoitait inutilement depuis sa naissance était ici et que c'était pour cette raison qu'elle n'avait jamais su la trouver de son vivant ? Trouver la source de sa pire peur, la mort, pour enfin trouver son but. C'était d'un ridicule qui la rendait honteuse même dans ce moment-là.

Sifflotant au dessus des têtes, la folie passait de corps en corps sous la forme d'un démon qui devenait idiot une fois par jour, à minuit. Il posait des questions à ceux aux portes de la mort, pour arbitrer l'entrée des âmes errantes aux enfers.

Ceux que tu aimes ?

Morts. Morts. Morts !

Ha ! Ha !

Et le démon riait encore en voyant les étoiles se former dans ses pupilles désoxygénées.

Ta pâle petite carcasse d'un instant à l'autre ?

Morte. Morte. Morte !

Mais le démon ne rit point davantage.

Car elle s'était mise à hurler, d'un glapissement qui lui rappelait celui des damnés aux enfers.

Dans un transe démoniaque, pire que la folie, ses membres se heurtaient sans cesse à sa maison funèbre tandis que ses vêtements se déchiraient parfois jusqu'au sang.

Inutile. Inutile. Inutile !

Voilà ce qu'est ta vie, au bord du péché. Voilà ce que sont tes tentatives désespérées, de te faire aimer. Et c'est la plus inutile des sensations qui te le dit : c'est la folie qui s'avance et te suinte dans les oreilles. Si tu ne voulais pas les entendre, il fallait te les faire coudre. Enfin, c'est inutile, encore une fois !

La jeune femme brune, qui transpirait à grosses gouttes dans sa suffocation, écrasa ce démon qui volait comme une fée depuis quelques éternités, contre le mur. Puis, elle laissa lentement sa main retomber le long de la planche en bois.

Putain, j'ai pas envie de mourir, balbutia-t-elle en essayant de repousser le toit du cercueil.

Et elle se disait que si elle pouvait revenir en arrière, elle aurait craché sur la tombe de bien plus d'enfoirés. Elle n'aurait pas confondu les plaisirs avec le bonheur. Peut-être que l'argent serait sorti de ses organes, peut-être que l'amour se serait exprimé autrement qu'en mangeant. L'impureté aurait fuit en la voyant mordre la chair des indiscrets et des indécis. Son cœur aurait cessé de choisir toutes les directions sauf la bonne.

Enfin non. Elle n'avait plus la naïveté de penser que le passé pouvait être changé. Ou plutôt que le présent qui la tenait par la nuque pouvait être différent.

À tous les pactes qu'elle avait tissé sans en comprendre les closes, à tous les petits doigts coupés pour des promesses de merde, à toutes les plaines glacées affrontées pour essayer encore et encore avant de finalement échouer.

Aux mensonges limpides qu'elle avait cru, aux amours perfides qui l'égaraient au bout du chemin, aux blessures jamais cicatrisées du coeur aux genoux qui l'avait faite supplier un faux dieu dans la boue.

Daya était un fils de pute. Non ! Daya est un fils de pute ! Et elle continuait de vociférer en épuisant ses dernières forces.

Elle aurait donné sa vie pour qu'ils l'écoutent, elle. En fait, pire que de ne pas l'écouter, ils avaient choisi d'écouter l'autre. Celui qui lui avait tout pris et qui ne lui avait rien donné.

Si Daya était un Diable, celui qui dirigeait les enfers, alors Mikey était le plus cruel des hommes.

Puis, ne sachant pas si c'était dû au déficit d'oxygène dans ses cellules ou bien au rewind habituel des âmes aux portes de la mort, elle vit sa vie revenir comme projetée contre l'intérieur de son crâne.

— Mes amis...

Il sont tous disparu.

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science infuse | tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant