Chapitre 6 - Cruelle mascarade

8 2 1
                                    

Une malle.

Posée à même le sol près de la porte de sa cellule. Deux des quatre languettes métalliques la fermant avaient été ouvertes, laissant un léger entrebâillement dans la jointure, entre la partie supérieure et celle inférieure du contenant. Et de cette fine brèche un bout de tissu blanc et doré s'échappait. Un pouce, pas plus. De la soie d'excellente qualité, indéniablement. L'homme n'avait pas besoin de la toucher pour s'en rendre compte. Ses yeux, plus qu'expérimenté dans ce domaine, lui suffisaient amplement. En revanche, quelque chose le turlupinait.

Le moine qui lui avait fait parvenir cet étrange et sophistiqué colis, il ne le connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Un parfait inconnu. Et un inconnu qui, s'il revêtait les habits des moines, avait clairement oublié de se comporter en tant que tel. Il était entré dans la cellule du détenu sans un mot, profitant des heures les plus sombres de la nuit pour s'y glisser discrètement. Comme un voleur. Puis, ayant déposé la malle il était simplement reparti, pensant sûrement son destinataire endormi. Sauf que l'homme ne dormais jamais que d'un œil. Le sommeil ne lui apportait rien de bon.

Quoi qu'il en soit, cela faisait déjà plusieurs minutes déjà que le prisonnier avait les yeux rivés sur l'objet que lui avait laissé l'étrange individu. Ses iris aux couleurs changeantes avaient pris une teinte plus sombre que jamais. L'homme ne savait que penser de cette situation mystérieuse dans laquelle il se trouvait à présent. Un frisson parcourut sa nuque et il la caressa d'un doigt interrogateur. Était-ce de l'excitation qu'il ressentait en ce moment-même ou bien était-ce de la peur ? Difficile à dire mais ce qui était certain, c'était qu'il devrait inévitablement ouvrir cette malle pour en avoir le cœur net.

Se levant, l'homme fit un pas vers elle, hésitant d'abord. Il en fit ensuite un second et elle se retrouva alors à ses pieds. L'homme inclina la tête pour mieux apercevoir le bout de tissu qui en dépassait et, incapable de résister plus longtemps, s'accroupit lentement. Là, il saisit la soie avec délicatesse entre son pouce et son index. Puis il la frotta doucement et poussa un long soupir. Presque extatique. Quel raffinement. Cela faisait si longtemps qu'il en avait oublié la texture sur sa peau. L'homme resta ainsi un moment, sans bouger ni le corps ni la tête, avant que son regard ne se pose sur le mécanisme d'ouverture de la malle. Relâchant le tissu, il entreprit de relever les deux languettes verrouillant le contenant. L'une après l'autre. Puis, ses mains tremblant plus qu'il ne l'aurait souhaité il poussa sur le couvercle et le fit basculer en arrière, le couinement du cuir jouant une douce mélodie à ses oreilles.

Jusqu'à ce que ses yeux ne s'écarquillent et que l'homme ne tombe en arrière, hébété. Sans le vouloir, il avait laissé échapper un cri. Aussi court qu'effrayé. Un cri de surprise ou de détresse, peut-être un peu des deux. Car déjà dans sa tête un combat se jouait. Un combat pour la clarté de son esprit et qui se reflétait bien dans son expression actuelle. Sa bouche s'était à moitié tordue en une horrible grimace et ses yeux, fixés sur le contenu de la malle, avaient pris une teinte crépusculaire. Presque écarlate.

- « Le séjour était à votre goût très cher ? », se moqua soudain une voix sortie de nulle part, sur un ton qui ne cachait pas le caractère accusateur de la question posée par elle.

L'homme resta coi. Toute trace de la confiance qu'il avait témoigné un peu plus tôt, en compagnie du haut-moine Tuula Elann, s'était volatilisée comme neige au soleil. Dans la malle, posée sur un costume de soie blanche dans lequel étaient brodés de jolis motifs dorés, il y avait un masque. Un masque de théâtre blanc que l'homme ne reconnaissait que trop bien. Trois marques de griffures bordaient le dessous de son œil droit et de minces gravures en décoraient certaines parties, délicates et finement ouvragées. Mais la chose la plus marquante dans ce masque était le large sourire le barrant de part et d'autre. Un sourire sans autre signification que celle que l'on pouvait intuitivement et subjectivement lui donner. Pour ce qu'il était possible d'en savoir, il pouvait aussi bien être malfaisant que bienfaisant. Chaleureux ou moqueur. Au fond, cela n'avait que peu d'importance. Il était ce que l'on faisait de lui.

Le VirtuoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant