Douceur

#4 « Lâchez-la ! Non vraiment je vous en supplie, arrêtez... »

« Lâchez-la ! » je tente de ramper vers elle, « non vraiment je vous en supplie, arrêtez... ». Elle me regarde terrifiée alors qu'il la serre contre lui et écrase sa bouche avec sa main souillée. Ma gorge se serre et m'empêche de parler, mes jambes ne réagissent pas. Je suis incapable de l'aider. Elle tente de retrouver sa respiration en vain, elle ne peut pas crier, même plus parler. Elle ne va quand même pas mourir devant moi ?!
Je me réveille.

3H33. Mon lit est trempé. Logique, j'enchaîne cauchemars sur cauchemars. Le fait qu'elle ne puisse plus parler me hante. Pourtant je devrais m'estimer heureuse : elle est vivante. Ce n'est pas donné à tout le monde de retrouver l'amour de sa vie ; une seconde chance est une pépite d'or brut, à saisir une unique fois.
J'enfile ma veste, fais trois tours avec mon écharpe et claque la porte derrière moi.

Les réverbères éclairent le parc plongé dans la pénombre et qui est d'ailleurs très sûrement rempli de dérangés à cette heure-ci. En même temps, quelle idée de s'installer à cet endroit alors qu'un appartement m'attend de l'autre côté de la rue ? Mais je ne parviens à chasser mes pensées parasites qu'ici. La pénombre et la fraîcheur de la nuit étouffent mes angoisses et je me sens puissante, prête à affronter l'acte que j'ai commis.
J'ouvre mon précieux livre, tel un grimoire et vais directement aux pages de la fin que j'ai soigneusement agrafées entre elles. « Il faut que je les relise. Quitte à en raconter un mensonge, que j'aie conscience de la vérité.
Je les dégrafe délicatement et commence à lire :
« L'accident, 4 avril 2019 ». Mes larmes coulent déjà sur mes joues. Je prends une profonde respiration et me replonge trois ans en arrière.

« Driiiiiiiiing ! » 5e fois que je sonne, et je resterai appuyée aussi longtemps qu'elle ne répondra pas. La porte s'ouvre d'un coup. Elle me fait face, avec sa casquette qui cache pratiquement son regard. Malgré ma colère, le fait de la voir me fait toujours perdre mes moyens. Allez reprends-toi. Je serre les poings et lève la tête vers elle avec détermination.