Douceur

#7 « Alors jeune fille, on est vulgaire ? »

Le bruit sourd du choc résonne encore dans ma tête. Les fissures du pare-brise se dessinent encore devant mes yeux. Une larme tombe de ma joue directement sur la dernière ligne, rendant mon écriture illisible : « merde ! »
« Alors jeune fille, on est vulgaire ? »
Je lève les yeux de mon livre. L'aurore commence à pointer, les réverbères du parc ne vont pas tarder à s'éteindre. La vieille femme se tient devant moi. Je la vois souvent ici, toujours à la même heure, quand le soleil commence à se lever. Je l'appelle affectivement « la sorcière », ce mot est bien loin d'être péjoratif sortant de ma bouche. C'est même plutôt un compliment.. Peut-être que je lui dirai un jour.
J'essuie ma joue avec ma manche.
« Ça m'a l'air d'être un gros chagrin. Si ça peut te rassurer, la vie t'en réservera d'autres. »
Je souris. J'aime bien les petits vieux qui disent la vérité. Elle s'avance vers moi et tapote mon bras avec le bout de sa canne rouge vif : « Je te connais bien toi, je sais que tu ne te laisseras pas abattre. » dit-elle en s'installant à mes côtés.
« J'ai fait une bêtise ».
« Oh je le sais. Tu es turlupinée par un gros bouleversement, mais un événement plus ancien t'obsède. » dit-elle en se tournant vers moi. Je fronce les sourcils, intriguée par la justesse de ce qu'elle me dit.
« On perd tous le contrôle au moins une fois. Le temps d'une seconde, une heure... ou toute sa vie. C'est un acte, éphémère. Ça ne définit pas qui tu es. »
Je la regarde. Elle a raison. Je ne suis pas un monstre. Elle vient de me dire les mots que je devais entendre. Mais comment peut-elle me dire des mots aussi justes ?
« N'oublies pas le surnom que tu me donnes.. »
Bouche bée je reste muette. Elle vient vraiment de répondre à la question que je me suis posée... dans ma tête ? Et comment peut-elle avoir connaissance de ce surnom ?