Chapitre 5 : rendre la pareille

183 17 2
                                    

Avec Sharon, ils passent des soirées ensemble sans être vraiment ensemble. Ils s'embrassent de temps à autre sans être en couple et comme Steve refuse catégoriquement d'aller plus loin que de simples papouilles innocentes, la belle blonde va donc chercher son plaisir ailleurs tout naturellement.

Ce vendredi soir encore, ils ont prévu de se rendre rien que tous les deux au Henrietta Hudson quand Sharon lui propose de boire un petit verre au garage avant de partir à pied jusqu'au bar LGBT en question.

Steve accepte volontiers et pendant que Sharon se sert une boisson fraîche, c'est uniquement la lumière du frigo qui éclaire la pièce car Bucky n'a toujours pas pris le temps de remplacer l'ampoule défectueuse de la cuisine.

Steve se tient derrière Sharon et son regard bleu est attiré vers cet espace étroit entre deux armoires au bout de la pièce totalement plongée dans l'obscurité et il entraperçoit une silhouette avec les genoux pliés sur la poitrine, assise à même le sol du coin cuisine.

Il reconnaîtrait cette silhouette entre mille, c'est bien Stark, il n'y a pas de doute possible. Il croise son regard et son visage se décompose. Il a un œil au beurre noir et des larmes perlent sur ses joues comme s'il venait de pleurer toutes celles de son corps.

Cette image brise le cœur de Steve en un instant. Jamais il n'a vu Stark dans un état aussi vulnérable et un instinct protecteur s'empare tout de suite de lui. Il faut qu'il fasse partir Sharon d'ici au plus vite.

- allez, dépêche, on va être en retard sinon !

Ni une, ni deux, il s'empare de la bouteille d'eau gazeuse que Sharon a dans les mains et la tire par la manche de son chemisier pour mieux la faire sortir du garage pour de bon.

- hé ho du calme beau gosse, y a pas le feu au lac !

Steve lève les yeux au ciel d'un air agacé, bon sang, si elle savait...

Alors qu'ils marchent tous les deux sur la pelouse du jardin de Bucky, le frêle blond essaie de trouver une excuse pour aller retrouver Stark dans les plus brefs délais.

- ah mince, il faut que j'aille aux toilettes, je peux plus tenir.

- t'es sérieux ? Pisse contre un arbre, tu t'en fous, promis, je materai pas, du moins j'essaierai.

Le ton de Sharon se veut joueur, elle lui adresse un clin d'œil facétieux mais Steve n'a pas le cœur à rire à cet instant.

- non, je... je peux pas faire ça dehors, j'en ai pas pour longtemps, je reviens tout de suite, promis !

- mais...

Sharon n'a même pas le temps de protester que déjà Steve fait le chemin inverse en courant, sa seule et unique priorité est Stark désormais, il efface tout le reste à présent.

Essoufflé par sa course effrénée jusqu'à la cuisine, il pose ses deux mains sur ses genoux tout en fixant Stark avec empathie.

- Tony...

Entre deux reniflements, l'intéressé est toujours assis sur le sol de la cuisine en position recroquevillée et il s'essuie les yeux avec la manche de sa veste de survêtement tout en fuyant son regard bleu comme s'il avait honte d'être vu ainsi par Steve.

- pourquoi t'es là ? T'aurais pas dû revenir.

Pourquoi il est là ? Parce qu'à l'idée que quelqu'un ait pu faire du mal à son Tony, Steve a envie de s'arracher les cheveux.

- Tony... qu'est-ce qui s'est passé ?

- rien, tout va bien, t'en fais pas pour moi, vas-y, ton rencard t'attend.

- hors de question que je m'en aille, tu m'as aidé l'autre jour, tu m'as défendu contre ces deux connards quand j'en avais besoin alors c'est à mon tour de te rendre la pareille maintenant.

- hors de question, tu ne me dois rien.

- qui t'a fait ça ?

- ça c'est la question à mille dollars, Rogers.

Comment une remarque si ironique peut-être prononcée d'une voix aussi nouée par l'émotion ? Steve n'a qu'une envie c'est de s'agenouiller auprès de Tony et de l'envelopper de ses bras protecteurs, au lieu de ça, il se tient debout à un mètre de lui car il doute que son geste soit bien accueilli par l'intéressé, malheureusement.

- si je peux faire quelque chose...

- arrêter de me regarder avec pitié, ce serait déjà pas mal.

- désolé.

- ah oui et arrêter de t'excuser aussi. Tu n'y es pour rien.

- promis. Plus d'excuses. Je peux peut-être... jeter un coup d' œil... à ton œil... enfin, sans mauvais jeu de mots...

- non, ça ira, j'te dis.

- je peux peut-être... te raccompagner chez toi...

- merci mais je rentre pas chez moi.

- qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu vas passer la nuit ici ?

- oh c'est pas la première fois Rogers, j'ai l'habitude.

Cette confidence ne rassure pas Steve des masses, au contraire.

- allez, vas-y maintenant, c'est bon, tu peux y aller, je connais bien Carter tu sais, la patience et elle, ça fait deux. Elle va pas t'attendre des plombes non plus.

Mince, Sharon ! Pour le coup, Steve l'avait totalement oubliée !

- j'en ai pour deux secondes, je reviens, ok ?

- non pas ok non, justement tu reviens pas ! Je suis sérieux, Rogers ! ROGERS !

Trop tard. Steve est déjà loin. Il retrouve Sharon sur le trottoir juste devant la maison de Bucky.

- et ben, t'en as mis du temps ! T'es tombé dans le trou ou quoi ?

- désolé, je... j'ai vomi. Je crois que j'ai pas dû supporter un truc que j'ai mangé ce midi. Je me sens trop mal je te jure.

Joignant le geste à la parole, il se tient le ventre tout en grimaçant et espère secrètement que son interlocutrice gobe son énorme mensonge.

- aww mon pauvre petit chou, bon ben écoute, c'est pas grave, on remet ça à une autre fois, viens je te raccompagne chez toi.

Ni une, ni deux, Sharon passe un bras autour de son coude mais Steve s'écarte aussitôt d'elle, il est à la recherche d'une excuse en béton armé.

- c'est gentil, mais... j'ai croisé les parents de Bucky, et il m'ont invité à rester ici pour la nuit, je crois que je vais aller me coucher, c'est plus sage, ça me fera du bien et puis ça m'évitera surtout de faire tout le chemin du retour à pied. Par contre, il me reste un petit peu d'argent donc si tu veux je peux t'appeler un taxi pour qu'il te ramène jusqu'à chez toi.

Un rire spontané s'échappe de la gorge de Sharon et Steve lui lance un regard des plus confus au passage.

- t'es un petit marrant toi, il est même pas 22 heures 30, tu crois vraiment que je vais rentrer chez moi aussi tôt ? La nuit ne fait que commencer pour moi chéri !

Ni une, ni deux, elle s'éloigne et colle son téléphone à son oreille quasiment au même moment, Steve n'entend que quelques bribes de la conversation mais suffisamment pour comprendre qu'elle s'est déjà trouvé un nouveau rencard qui lui, a une voiture apparemment et va venir la chercher dans cinq minutes à peine, la voie royale quoi.

C'est la vie, pas le paradisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant