Chapitre 1

339 7 4
                                    

J'attrape ma veste et sors de chez moi, fermant la porte à double tour. Il est neuf heures et je prends la direction du salon de thé où je travaille. J'habite dans le quartier gothique de Barcelone, dans une petite cours cachée où se trouve un restaurant et un magasin de savon artisanal. Le salon de thé où je travaille se trouve à quelques rues de chez moi, sur le Plaça del Pi. La première fois que je suis venue à Barcelone, je suis tombée amoureuse de ce quartier. Il est plein de vie, les bâtiments sont remplis de trésors et chaque rue possède son petit secret. Même si en pleine saison les rues sont remplies de touriste, lorsque ces derniers s'en vont, la vie de quartier et des plus agréables. Au bout de mon troisième voyage à Barcelone, j'ai décidé de ne plus repartir de là. Au même moment, une femme voulait mettre son salon de thé en gérance le temps de partir faire un tour du monde. J'ai eu un entretien et le lendemain j'avais le travail. Depuis je n'ai plus jamais quitté Barcelone. Je bosse dure, je fais les gâteaux avec l'aide d'un chef pâtissier, je prépare les repas du midi et je m'occupe de toute la vente. Nous sommes fermés uniquement le lundi et nous fermons le soir à vingt deux heures et ouvrons à neuf heures et demi. Nous fermons deux semaines en octobre, et le reste de l'année nous restons ouverts. 

La patronne est partie depuis un peu plus d'un an, elle devrait ne pas trop tarder à revenir, mais je suis bien là, et elle semble bien là où elle est. J'arrive au salon en prenant soin de fermer derrière moi. Chantonnant, je me dirige directement en cuisine pour dire bonjour à Fernando, le chef pâtissier.

- Salut ! Qu'as-tu préparé aujourd'hui ? je lui demande.

-Un cheesecake, un moelleux et là je finis au layer cake aux fraises, il me répond une spatule à la main. Je t'ai aussi préparer la pâte pour la tourte à la dinde, t'as plus qu'à faire la farce, il rajoute.

Je le remercie avant de retourner dans le côté salon. Je sors les cookies, les muffins aux poivron et au chorizo, la corbeille de fruits et mets à chauffer le chocolat pour les churros. J'allume les lumières nécessaires dans la boutique et commence à sortir les tables et les chaises à installer sur la terrasse. Toutes mes journées sont rythmées à l'identiques. Une fois que tout est prêt et installer j'ouvre le salon. La matinée se déroule comme à son habitude, sans encombre. L'après-midi est plutôt tranquille, il fait beau, les gens se promènent ou restent enfermés en attendant que les températures baissent un peu, ils reviendront un peu plus tard dans la journée. Lorsqu'il n'y a pas trop de monde, j'ai pour habitude de préparer les menus pour le lendemain, ou de prendre un livre pour bouquiner un peu. Aujourd'hui je décide de continuer le roman que j'ai commencé quelques jours avant.

Alors que je suis pleinement concentrée dans ma lecture, un groupe de six personnes entre dans le salon. Cinq hommes et une femme. Ils s'installent dans un coin au fond du salon. Je les laisse s'installer et lire la carte des boissons. Je les observe sans rien dire. Deux des hommes se sont installées sur une table un peu moins en retrait, et les quatre autres sont au niveau du seul canapé que le salon possède. Plus je les regarde, plus leur visage me semble familier. Lorsqu'ils posent la carte sur le table, je m'avance avec mon carnet dans les mains pour prendre leurs commandes.

- Bonjour, avez-vous choisi ce que vous désirez prendre ? je leur demande.

- Oui, répond l'un d'eux dans un espagnol parfait, avec un léger accent. Nous deux parts de cheesecake, une de moelleux et une du gâteau aux fraises avec trois grand café s'il te plaît.

J'acquiesce et me dirige vers l'autre table. Je prends la commande et repars derrière mon comptoir pour préparer tout ça. Derrière mon comptoir j'observe le groupe, en particulier l'homme qui a passé commande. Il est grand, brun et à les cheveux cours.  Un mèche lui tombe sur les yeux. Il est habillé d'un pantalon noir, d'un tee-shirt unit blanc et d'une veste noire. Quelque chose chez lui m'attire, je ne saurais dire quoi, mais je suis captivée par lui. Lorsque les deux commandes sont prêtes, je vais d'abord servir la table de quatre avant d'aller servir les deux cafés. Lorsque je retourne à ma lecture derrière le comptoir, je ne peux m'empêcher de jeter des petits coup d'oeil dans la direction de l'homme qui a pris la commande. Je suis attirée par lui comme par un aimant. Son regard m'a transpercé lorsqu'il a passé commande, comme s'il lisait en moi de ses yeux bruns. Je lis tant bien que mal le livre que j'ai entre les mains, même si mes pensées sont clairement ailleurs.

Lorsqu'ils viennent pour payer ce qu'ils ont consommé, c'est l'homme qui a passé commande pour la table de quatre qui paye pour les six personnes.

-C'était super bon, je pense que je reviendrais, il me dit, un grand sourire sur les lèvres.

Ces joues sont creusées, rendant son visage particulièrement beau. Je le regarde sortir du salon, espérant vraiment qu'il reviendra. 


Lorsque je ferme le salon, son visage me hante encore. D'abord parce que son visage me dit vaguement quelque chose, mais je n'arrive pas à me souvenir pourquoi. Ensuite parce que quelque chose chez lui m'attire. Je ne serais pas dire pourquoi, ni de quelle façon. 

Pour m'effacer tout ça de la tête, je décide d'appeler l'une de mes meilleures amies afin de lui proposer de sortir boire un verre sur la Rambla. Lana accepte et nous nous retrouvons donc à vingt et une heure à la terrasse d'un bar sur l'avenue la plus fréquentée de Barcelone. Elle me raconte sa journée de travail, rien d'exceptionnel me dit-elle. Elle est graphiste pour la ville de Barcelone et travaille donc avec l'équipe de communication de la ville.

-Et toi ? Ta journée ? elle me demande.

Elle aime bien que je lui raconte les petites choses improbables que je peux voir dans le salon de thé.

- Pas grand chose, il n'y avait pas grand monde au salon aujourd'hui.

Elle me regarde, me jugeant du regard avant de répondre.

-Je sais que tu mens.

-Comment ça tu sais que je mens ? je lui demande, un grand sourire aux lèvres.

Je n'ai jamais pu rien cacher à Lana, elle a toujours su lire en moi comme dans un livre ouvert. Elle me regarde sans rien dire, attendant que je lui raconte réellement ma journée. Ce que je finis par faire. Je lui décris l'homme vers qui mes pensées sont attirées, lui expliquant que c'est la première fois de ma vie qu'une personne m'obsède ainsi. Je lui explique qu'il me dit quelque chose mais je n'arrive pas à savoir où j'aurais pu le voir.

-Un italien tu dis ? elle me demande.

Je hoche la tête pour lui confirmer.

-Y a plein d'italiens qui viennent en vacances dans le coin, donc il est sûrement déjà venu au salon, tu penses pas ? 

-Non, je pense pas.

On se met à essayer de savoir où j'aurais pu le voir, mais impossible de trouver. Alors qu'on parle, un groupe de personne arrive, suivant six autres personnes qui part d'un pas décidé vers un restaurant. Lana et moi sommes attirées du regard vers ce qui se passe. C'est là que je les reconnais, ce sont les personnes que j'ai servis au salon, et l'homme dont je parlais quelques instants avant est là. 

-Lana ! c'est lui ! L'homme dont je te parle ! Ce sont eux qui étaient au salon cet après-midi !

Elle me regarde, surprise par ce que je viens de lui dire.

- Lui qui ça ? elle me demande.

-Le gars qui se dirige vers le restaurant, les cheveux qui lui tombe sur le visage. Le brun.

Elle regarde de nouveau avant de se retourner les yeux écarquillés. 

- Comment t'as fais pour pas le reconnaître ? C'est le chanteur du groupe Maneskin, elle me dit, surprise.

Maneskin est un groupe de rock italien que Lana et moi écoutons souvent. Et même si j'écoute leur musique, je ne sais pas vraiment à quoi ils ressemblent.

- Je regarde pas forcément à quoi ressemble les groupes de musiques que j'écoute.

On continue la soirée à parler de cette rencontre surprenante. 

Je rentre chez moi aux alentours de minuit. Je me couche directement, fatiguée, en repensant à cette journée un peu folle. J'ai encore du mal à croire que j'ai servi un groupe mondialement connu, et je m'endors en revoyant les yeux du chanteur me transpercer.


Quand tout nous oppose [Maneskin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant