Chapitre 2, partie 2 (Laura)

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J'essaie de me dégager, mais l'emprise d'Evan est plus forte que mes vaines tentatives. Il refuse de me lâcher ! Cette simple constatation, mélangée à mes pensées précédentes, me fait vriller. Je perds tout discernement et rien ne devient plus important que d'atteindre le téléphone.

— Laura, c'est une mauvaise idée, prévient-il en suivant mon regard paniqué vers le combiné.

La légère pression qu'il exerce sur mon poignet m'apprend qu'il se relève. Ça et le bruit du plaid qui tombe sur le sol plutôt que de couvrir une partie de son anatomie. Ses doigts libres se posent sur mon menton et je m'en éloigne d'un recul de la tête, un geste qui suffit pourtant à Evan pour capter mon attention.

— Je t'ai dit que tu ne risquais rien avec moi.

Il prend soin de décomposer tous ses mots, de les appuyer avec une intensité nouvelle dans le regard, tout en installant une proximité dans ses paroles. Sûrement une méthode pour endormir toute forme de vigilance. Une méthode foutrement efficace à laquelle j'aurais cédé en un battement de cils si sa main ne continuait pas d'entraver mes mouvements.

— Ce qui serait plus crédible si vous n'étiez pas en train de me retenir.
— Très bien...

Il me libère et lève les bras sans geste brusque dans une tentative d'apaisement. Une attitude qui contraste avec ses lèvres pincées, ses sourcils froncés et le léger grondement qu'il émet au moment où j'effectue un pas sur le côté. Tout son visage me déconseille d'approcher de ce fichu téléphone. Finalement, Evan n'a fait que me relâcher sur un plan physique, mais son regard m'interdit de bouger. Une situation qui alimente mon angoisse et me pousse à trouver une solution pour m'extraire de cette emprise.

— Et puis, si vous pouviez vous couvrir aussi, ça serait peut-être un peu moins bizarre.

De l'index, je pointe une direction au sol en espérant désigner le plaid sans avoir à baisser les yeux. Un sourire se dessine sur les lèvres d'Evan et j'en déduis qu'il voit ma demande comme un signe de reddition. C'est bien mal me connaître ! Mon cœur continue de tambouriner, mais je m'efforce de rester stoïque afin de donner le change. Lorsqu'il me quitte du regard et commence à se pencher pour attraper la couverture, je cours en direction du téléphone.

Je mise tout sur une absence de réflexe et de rapidité de la part d'Evan. Après tout, il sort tout juste d'un état d'inconscience, en plus d'être blessé. J'estime avoir le temps de saisir le combiné et de m'enfermer dans une pièce.

Mais tout va vite. Trop vite.

Le bout de mes doigts caresse mon but et une vague d'espoir me submerge... Puis s'envole. Un bras encercle mon ventre et je m'enroule autour en repliant mes jambes, le buste incliné en avant et les bras tendus vers le téléphone qui s'éloigne.

Je ne comprends pas ce qu'il se passe jusqu'à ce que je sente mon corps être balancé avant d'atterrir sur le fauteuil. Dans un geste de protection inutile, mes genoux remontent contre ma poitrine et je me recroqueville sur mon assise quand Evan, les deux mains posées sur les accoudoirs, penche le torse dans ma direction pour mettre son visage à la hauteur du mien. Sa présence est écrasante, elle paraît même éloigner l'air qui nous entoure pour me donner l'impression de suffoquer. À moins que ce ne soit l'inquiétude ?

Je crois qu'il me parle, mais je n'entends rien d'autre que le sang qui frappe contre mes tempes. Du regard, je cherche frénétiquement un objet, n'importe quoi, à ma portée qui pourrait me servir d'armes pour me défendre.

— Laura !

Le ton plus autoritaire, agrémenté d'un claquement de doigts devant mes yeux, me fige et m'oblige à reporter mon attention sur lui.

— Je sais très bien de quoi ça à l'air, mais je te promets que ce n'est pas le cas.
— Évidemment ! ironisé-je. Personne ne s'est écrasé comme une crêpe sur la vitre de ma voiture, en plus de m'empêcher de prévenir les secours.

Je lui dédie mon plus beau sourire fictif et crispé que j'ai en stock. Sans parler de sa nudité à laquelle il semble tant tenir. Un fait qui n'aide pas à se sentir sereine. Non, mais sérieux ! Il y a un type, penché au-dessus de moi, dont l'attribut masculin doit se balancer à quelques centimètres de mon corps. Cette pensée s'impose dans mon esprit en une image ridicule de pendule qui s'agite de droite à gauche et m'offre un moment de répit où j'ai surtout envie de rire plutôt que de trembler comme une feuille. Ça doit être nerveux...

— Je préfère éviter l'hôpital, mais j'ai une raison à ça.

Dans une interrogation muette, je hausse un sourcil sceptique auquel il me répond par un sourire.

— D'ailleurs, je propose qu'on recommence sur de bonnes bases !

Son timbre enthousiasme marque une volonté de renouveau et, pour appuyer ses paroles, Evan se redresse d'un coup. Pendant une fraction de seconde, je crois enfin pouvoir respirer alors qu'il me libère de sa présence oppressante. Un court répit avant que, mon regard s'aligne plus ou moins au niveau de son entrejambe.

— Bordel !

Dans un sursaut, je me retrouve le cul posé sur le dossier du fauteuil. L'idée est de prendre de la hauteur et ne pas avoir l'impression de m'adresser à une forme phallique. Autant éviter à mon esprit de l'imaginer en train de me parler. L'inconnu, lui, ne s'en indigne pas. Je jurerai même que cela l'amuse, alors qu'il tend une main dans ma direction.

— Enchanté, Laura. Je m'appelle Evan Kaynes.

La situation me parait tellement surréaliste que, sur le coup, j'ai presque envie de lui répondre. Ne serait-ce que par réflexe, à défaut de savoir comment réagir. Pourtant, au moment où j'ouvre la bouche, mon cerveau percute.

— Kaynes ?! hoqueté-je, les yeux ronds comme des billes. Comme... Kaynes ?
— C'est ça, confirme-t-il dans un sourire fier.

Laura Rowley, Tome 1 : Odeurs (dans l'univers d'Alicia Smith)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant