Chapitre 5, partie 1 (Laura)

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Une sonnerie m'éjecte avec violence de mes rêves. J'extirpe une main de la chaleur rassurante de ma couverture et, dans un grognement significatif, j'assène un coup au réveil. Net et efficace. Fière de ma première victoire matinale, j'envisage une récompense sous forme de sommeil supplémentaire.

Dring !

Un semblant de lucidité émerge : ce n'est pas mon réveil. Mon manque de sommeil, cumulé à un taux de caféine absent, me force à agir par automatisme. Je m'extrais du lit, glisse mes pieds dans des pantoufles d'un autre âge qui, selon ma meilleure amie, sont considérées comme un crime contre l'humanité. Si je m'en réfère à son rire moqueur dès qu'elle me croise avec, il semblerait que porter des Charentaises à motifs écossais à vingt-six ans est une erreur de style. N'en déplaise à Elise ! Je ne vais pas renier le confort de mes orteils pour une mode qui évolue tous les deux mois et qui, de toute façon, finira bien par revenir aux vieux modèles à force de remonter en arrière.

Je dévale les escaliers en tentant de mettre un peu d'ordre dans mes cheveux. Peine perdue, mes doigts s'accrochent aux nœuds présents dans ma tignasse blonde qui refuse de coopérer. Tant pis ! J'ouvre la porte drapée d'une dignité toute relative... vraiment toute relative ! Parce qu'en jugé l'air étonné de l'inconnu qui se tient devant moi, il est évident que je n'appartiens pas au club de ces personnes qui se réveillent pimpantes et avec l'haleine mentholée.

— Jour de congé, expliqué-je vaguement.

Et dire que ma vraie fierté physique se trouve au niveau des légères paillettes vertes dispersées dans le bleu de mes yeux. Une particularité que l'on se refile de génération en génération du côté de mon père. Un atout dont je ne peux même pas user pour gagner en prestance puisque mes paupières refusent de s'ouvrir correctement.

— Laura Rowley ?

Je confirme d'un mouvement de tête, alors que je le soupçonne de retenir un sourire moqueur quand son regard tombe sur mes Charentaises. 'Tention, Bonhomme, sujet sensible ! Toutefois, le quarantenaire reste professionnel et me tend une sorte de téléphone. Mes yeux louchent dessus, alors que j'essaie de capter pourquoi il veut me refiler son truc. D'accord, le mien a été cassé hier matin à cause d'Evan, mais ce type ne devrait pas le savoir. Et puis, de toute façon, j'ai repris mon ancien pour avoir un moyen de communication.

— J'ai une livraison pour vous, il faut signer.
— Oh ! Oui... Une quoi ?

Dans un soupir qu'il retient à peine, le type pointe son pouce par-dessus son épaule et j'aperçois deux hommes sortir un canapé d'un camion qui bouche la rue et laisse des usagers s'impatienter. Il me faut quelques secondes pour tout remettre en route dans mon cerveau et saisir tout ce bordel. Il n'a pas osé quand même ? J'avais pourtant dit à Evan que je ne voulais pas de ce truc, même en guise d'excuses.

Je prends sur moi grâce à une profonde inspiration et reporte mon attention sur le livreur. Je me paie même le luxe de lui offrir mon sourire le plus jovial afin de paraître la plus agréable possible malgré mon manque de café. Après tout, lui, il n'y est pour rien.

— Hors de question que je signe ça.

Devant son air d'incompréhension, je croise les bras comme une gamine pour assurer que je ne changerais pas d'avis. Le pauvre explique que je dois absolument apposer mon nom pour prouver que j'ai bien reçu le sofa, mais je secoue encore la tête.

— Je n'en veux pas. Alors, remettez-le dans votre camion et renvoyez-le à l'expéditeur.

Pas certain de tout saisir, il finit par obtempérer en me prenant sûrement pour une folle. Je reste sur le perron de la maison jusqu'à ce que la route soit dégagée et que des automobilistes enragés arrêtent de klaxonner. Assurée de leur départ, je claque la porte, agacée par le comportement d'Evan. Est-ce si compliqué de comprendre un simple « non » ?

Une demi-heure plus tard, j'en arrive presque à trouver la situation amusante. Je suppose que mon taux d'exaspération baisse proportionnellement avec celui de la caféine qui augmente dans mon corps. Cette boisson est miraculeuse ! Evan a de la suite dans les idées, je ne peux pas lui enlever ça. Une pensée que je regrette déjà quand, une fois de plus, quelqu'un sonne à la porte.

Ma deuxième tasse en main, je traîne des pieds jusqu'à l'entrée avec la ferme intention de renvoyer le livreur chez lui. Là, ça devient insistant et dérangeant. J'ouvre vivement, mais toutes mes revendications s'étouffent dans ma gorge en voyant Elise qui me dévisage de la tête aux pieds.

— Chérie, je ne te sors pas habillée comme ça !
— On sort, m'étonné-je ?
— Le fait que tu aies oublié notre journée ensemble prouve que tu as besoin de te changer les idées.

Elise écarte les bras après s'être désignée, comme pour prouver qu'elle est la solution à tous les problèmes. Par principe, je tente de protester, mais à l'aide de ses mains qu'elle pose sur mes épaules, elle m'a déjà fait pivoter pour me diriger vers ma chambre après avoir refermé la porte d'un mouvement de pied.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 30, 2022 ⏰

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Laura Rowley, Tome 1 : Odeurs (dans l'univers d'Alicia Smith)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant