Kaynes...
Avec l'impression de passer le crâne dans un congélateur, mon cerveau gèle et je dévisage Evan, le corps figé et les yeux ronds comme des billes. Ce nom, tout le monde l'a déjà croisé à Londres, en plus d'être connu dans le reste du pays et d'autres. Il s'affiche fièrement sur un immense bâtiment au nord de la capitale : la Kaynes Industry est à la tête de nombreuses avancées technologiques en termes de construction automobile. Je ne me suis jamais penchée sur l'histoire de cette entreprise – il suffit de voir le tas de ferraille que je conduis pour en comprendre les raisons – mais je sais qu'elle pèse lourd dans leur domaine.
— D'accord... Et comment un Kaynes se retrouve dans mon salon ?
Je tente de remonter à la surface, d'éloigner les zones de flou qui m'embrouillent l'esprit et de faire le point sur la situation. Lui ne se démonte pas, garde son demi-sourire amusé et se permet même de m'offrir une expression qui prouve qu'il a la réponse parfaite à ma question.
— À cause d'une jeune femme. J'ai demandé de l'aide et elle a profité de mon état de faiblesse pour m'entraîner de force chez elle.
Dans une attitude exagérée, il regarde tout autour de lui en mimant l'inquiétude avant de s'incliner dans ma direction pour prendre le ton de la confidence.
— Je crois qu'on appelle ça un enlèvement, Laura.
Sans réfléchir, je tends la main vers l'assise du fauteuil pour saisir le coin d'un coussin et l'écraser contre la joue de cet énergumène. Du moins, j'imagine que c'était le plan ! Les doigts d'Evan interviennent pour intercepter mon poignet quelques centimètres avant d'atteindre son visage.
— Bien essayé, félicite-t-il avec arrogance.
J'oublie sa nudité et ses réflexes qui défient son état supposé être catastrophique. Je laisse tomber mon arme de fortune et me dégage d'un geste sec avant de glisser du fauteuil pour me retrouver face à lui. L'espace étant bien trop réduit à mon goût, son sourire trop irritant en réponse à mon air furibond, je le repousse avec mes paumes et pointe un index accusateur dans sa direction.
— Ce n'est pas un enlèvement, mais un sauvetage, Monsieur Aidez-Moi-J'vais-Mourir !
Je le mime grossièrement et imite de manière exagérée la façon dont il a appuyé sa main contre ma vitre pour s'écrouler par la suite. Bon OK, je ne vais pas jusqu'à m'écraser au sol, mais mes genoux font semblant de céder avant de me redresser à nouveau et coller mes poings sur les hanches.
— M'accuser de Kidnapping, vraiment ? Ça relève soit de la folie furieuse, soit de l'humour pourri, voire déplacé. Non, parce que, pour information, je ne suis pas celle qui vous empêche d'appeler les secours ou qui détruit votre téléphone. Alors, il ne faudrait pas inverser les rôles !
Je continue de débiter des mots, sans prendre le temps de respirer. Je ne sais même plus ce que je dis réellement, bien qu'il me semble lui demander si c'est un truc de riche de tout arranger à sa sauce. Néanmoins, le manque d'air m'oblige à m'arrêter, les joues probablement rouges et le souffle court. Mon regard se porte sur Evan dans l'attente d'une réponse face à mes accusations, mais il se contente de sourire de façon plus douce cette fois.
— Et ça va mieux, maintenant ?
— Oui !Je hurle cette affirmation en balançant les mains, vexée de comprendre que toute ma tirade n'était qu'une manière d'évacuer les tensions accumulées. Mes épaules s'affaissent, soulagées du poids de la crainte, même si j'ignore encore quoi penser de la situation. Evan, de son côté, affiche une certaine satisfaction, alors je croise les bras sous ma poitrine, désireuse de ne pas lui donner raison.
— Mais, ça ne répond toujours pas à ma question.
— Il est possible que j'apprécie porter des objets de valeurs...Pourquoi est-ce que cela ne m'étonne pas ? Ce type est un concentré de suffisance, il doit pouvoir se payer la moitié de la ville en un claquement de doigts. Je l'imagine très bien avec des Ray-Ban sur le pif, en pleine nuit, juste pour le côté ostentatoire.
— C'est une simple agression, poursuit-il. J'ai voulu jouer aux plus malins, alors ils ne se sont pas contentés de partir avec une montre hors de prix.
Je regrette un peu mes pensées précédentes. Arrogant ou non. Riche ou pas. Il n'y a rien qui justifie que l'on s'en prenne à une personne, encore moins de la laisser avec une blessure importante en pleine rue et...
— Vos points ! m'exclamé-je soudain.
— Pardon ?Si lui ne semble pas comprendre où je cherche à en venir, une pointe d'inquiétude m'envahit à retardement. Quelle nouille ! J'aurais dû y songer plus tôt, plus vite. Evan s'est relevé brusquement du canapé, il m'a porté jusqu'au fauteuil. Tous ses gestes, trop vifs, ont dû mettre à mal les soins apportés.
— Vos points de sutures, précisé-je. Je dois vérifier qu'ils ont tenu le choc.
Par instinct, ou habitude qui ne m'a pas abandonné, je tends la main en direction de son pansement. Une fois de plus, mon action est bloquée par Evan qui agrippe mon poignet et éloigne mes doigts.
— Ils vont très bien, pas la peine de perdre du temps avec ça.
La compresse ne paraît pas plus tâchée de sang qu'elle ne l'était, mais mon analyse en reste là puisque l'homme baisse la tête pour venir accrocher mon regard.
— Je vais bien, assure-t-il.
— J'ai été capable de vous soigner, pourquoi ne voulez-vous pas que je contrôle par moi-même ?Il m'en croit donc inapte ? Voilà qui est légèrement froissant.
— Je pense surtout que tu vas en profiter pour te rincer l'œil...
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Laura Rowley, Tome 1 : Odeurs (dans l'univers d'Alicia Smith)
ParanormalLaura, une jeune femme de 26 ans, a arrêté ses études de médecine à la mort de ses parents pour reprendre leur boutique de fleurs et s'occuper de son grand-père. Une vie normale jusqu'au jour où un homme blessé s'écroule sur sa voiture. Entre découv...