La désillusion

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Le manteau de la nuit se déploie sur la ville de Seattle. Martin Robert, après un énième verre de cocktail sans nouvelles de son amoureux, a les idées en désordre. Sa tête lui dit que le jeune homme a peut-être changé d’avis, qu’il ne souhaite plus le rencontrer. Il a cette fraction de rationalité qui envisage qu’un malheur avait pu empêcher Ray de venir à lui. Bien sûr, il lui est plus agréable de croire à un désistement qu’à un malheur. Son cœur, pourtant confiant, sait que jamais Ray ne lui ferait un pareil coup. Le jeune homme a tant attendu ce moment pour le rater. Il était en route et si heureux de pouvoir le voir en chair et en os. Martin se refuse de croire qu’un malheur est arrivé. Il se rassure en pensant que bientôt son homme sera là, qu'il traversera le portail tout en joie. Et lui, il ira à sa rencontre, le prendra dans ses bras, sentira son parfum pour de vrai, l’embrassera, le câlinera et lui fera l’amour jusqu’au petit matin, comme ils ont prévu de le faire.

Le beau brun au regard bleu mystérieux passe à une bouteille plus forte ; son cœur meurtri face à la désillusion qu’il vit présentement. L’alcool l’aide à mieux supporter l’attente. Quasiment nu, il enchaîne les photos osées qu’il empile dans sa discussion avec son petit ami. Après des appels et des messages sans réponses, il finit par s’endormir sur le balcon de sa chambre, sans rien sur le dos.

Ni la nuit froide, ni les rayons chauds du magnifique soleil levant n’ont pu sortir Martin de son profond sommeil d'alcoolique. Il fallut la délicate main de sa gouvernante pour le couvrir d’une couverture et le sortir de son sommeil, un verre de jus fraîchement pressé à la main pour lui permettre de se remettre de sa gueule de bois.

_Merci, Esp…

_Thérésa, monsieur Roberts. Réponds la gouvernante en faisant un peu de rangement.

_Oui… désolé. Et dites-moi Thérésa, mon petit ami n’est toujours pas arrivé ?

_Non monsieur, par contre il y a un certain inspecteur Bradford qui vous attend sur la véranda…

_Et vous le dites que maintenant ? Il se tient debout avec une mine de reproche avant de demander. Il est là depuis longtemps… vous a-t-il dit pourquoi il est là ?

_Une dizaine de minutes à peu près… et non, il ne veut parler qu’à vous. Répond-elle en baissant le regard.

Sans rien ajouter, il se dirige vers la sortie, le ventre noué. Son esprit imagine toutes les scènes possibles. Il pense à Ray et ses larmes coulent sans qu’il ne puisse rien contrôler. Il est évident maintenant qu’il a eu un empêchement involontaire, ce que son esprit a refusé toute la nuit. Il traverse les pièces de la maison jusqu'à la porte principale, respire un bon coup avant d’enclencher le poignet et de se retrouver sur la véranda.

Un homme noir en uniforme de police, assis de dos, regarde un peu partout, l’air perdu. En réalité, l’inspecteur angoisse à l’idée de lui annoncer la raison de sa visite.

_Inspecteur Bradford ? Sans attendre de réponse, il ajoute, je suis Martin Roberts. Ne me dites pas que j’ai droit à des bienvenus de la part même de la police américaine ? Il tend sa main que l’inspecteur se lève et serre courtoisement sans savoir par où commencer. Je vous en prie, asseyez-vous.
_Merci monsieur, juste pour éviter tout malentendu… je cherche Martin Lorenzo…

Le Londonien en entendant ce nom n’a plus aucun doute sur la présence de l’inspecteur ; son faux air de sérénité disparaît et l’inspecteur comprend qu’il est à la bonne adresse. Sans doute que le choc de l’accident a amené le jeune homme à donner le mauvais nom de famille, en déduit l'inspecteur. Martin regarde l’homme qui attend une confirmation de sa part, mais à ce moment précis, il se demande s’il veut réellement savoir pourquoi l’homme se tient en face de lui de si bon matin.

_Oui... Lorenzo c’est… c’est pour les intimes. Finit-il par dire la gorge sèche.

_Connaissez-vous un certain Ray Williams ?
_C’est mon petit ami, il était censé me rejoindre ici depuis hier avec son ami Jay… mais ils ne sont jamais arrivés, son ton baisse, qu’est-ce qui est arrivé ? Où est Jay ? Ray va bien ? S’emporte-t-il.

_Oui, Jay va bien… il est en soins intensifs, mais son état est stable. Ils ont eu un accident en route, un camion les a renversés intentionnellement. Nos équipes font tout pour mettre la main sur les coupables…

_Et Ray ? Comment va-t-il ? Et mon bébé…

_Je… je suis désolé, il était déjà mort quand je suis arrivé…

Le monde s’effondre autour de Martin qui n’entend plus rien de ce qui sort de la bouche de l’inspecteur. Il est vide, incapable de ressentir la moindre émotion. Bouleversé par le choc de cette terrible nouvelle. Il n’est pas prêt à accepter cette nouvelle sans avoir vu le corps de Ray par lui-même. Il refuse de se résigner à une telle fin pour eux deux, si près du but. Il appelle à partir du téléphone fixe posé près de lui et demande que le chauffeur avance la voiture.

_Dans quel hôpital est-il ? Je dois le voir…

_Je peux vous emmener, avec la sirène, on arrivera plus vite. Propose Bradford, peiné pour le jeune homme.

À suivre

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Jusqu'à ce que la mort nous unisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant