Le retour de Charline.

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      Charline sort de son bain et trouve un mot de son beau-fils. Intriguée, par la surprise qu'il pourrait lui faire, elle interroge la gouvernante qui ignore la nature du cadeau.

_Vous nous avez manqué, bon retour chez vous madame, dit la gouvernante.

_Merci Esperanza, j’ai ramené des cadeaux pour tout le monde… ce n’est pas grand-chose, mais...

_Merci madame, ne vous inquiétez pas, vous êtes bien mieux que les anciens propriétaires. Ils ne nous ont jamais fait de cadeau, encore moins dit de mots gentils. Je pense parler pour tout le monde, et ils adoreront votre cadeau, le geste est le plus important, dit-elle avant de prendre congé de la maîtresse de maison très ravie.

Charline termine de se vêtir et regagne la cuisine où Bradford, en civil, s’extasie devant le livre de recettes qu’elle a ramené de son voyage. Il est amoureux des plats qu’il découvre et certains lui rappellent son enfance avec sa grand-mère.

_Que faites-vous en cuisine, inspecteur ? Êtes-vous celui qui fera le dîner ce soir ? Interroge Charline amusée.

_Faut déjà qu’il sache contrôler les quantités, pas plus tard qu’hier, il m’a fait des omelettes plus salées que la mer, répond Jay, assis sur l’un des longs tabourets de la seconde salle à manger ouverte sur la cuisine, une pomme à la main.

_Tu sais ce qu’on dit, plus on est amoureux, plus on sale le repas. Il faut croire que mon amour est aussi profond que l’océan, plaisante Jay. Charline et la gouvernante s’attendrissent. Sinon, je regardais votre cahier de recettes et j’y retrouve beaucoup de similitudes avec celles de ma grand-mère. C’est étrange, elle disait les détenir de sa mère et que seuls les membres de la famille les ont. Il regarde le livre, à bien regarder, je pense que ce sont les mêmes recettes, comment c’est possible ? Se demande-t-il. C’est dingue, depuis sa mort, ni ma mère ni ma tante ne nous préparent ces bonnes vieilles recettes.

_C’est étrange, je l’avoue aussi. Ma mère se vantait à chaque fois d’être la seule à détenir ces recettes. C’est d’ailleurs la seule chose que les pompiers ont pu sauver de l’incendie qui a tué mes parents et mes frères…

_Désolé, je ne savais pas…

_Ça va Bradford, je m’en suis remise. Après ça, je suis parti habiter avec la seule famille de ma mère, tante Kelly, une droguée qui a fini par faire une overdose. Les services sociaux m’ont traînée d’une famille d’accueil à l’autre parce qu’ils n’avaient plus trouvé de membre de la famille de mon père, ma mère… oui, je savais qu’elle n’avait plus que tante Kelly, mais mon père…

_Je pourrais regarder si vous voulez…

_Oh non, ça fait longtemps que j’ai arrêté de chercher. Si la police n’a rien trouvé à l’époque, je pense qu’on a moins de chance maintenant. Surtout que je n’ai plus de document ni de photos.

_Au contraire, actuellement la police a plus de moyens avec les nouvelles technologies. Dites-moi juste le nom de votre père et… peut-être la date de l’incendie. Je trouverai bien un truc.

_Si vous insistez, alors j’avais dix ans à peu près alors on va dire qu’il y a trente ans…

_Vous avez dû avoir une enfance difficile, madame. Je suis vraiment navré. Excusez mon indiscrétion, c’est juste que vous êtes un modèle.

_Merci Esperanza, ça me touche. Vous avez raison, j’en ai connu de toutes les familles lors de mon passage aux services sociaux. La seule que je retiens, c’est la famille Andersen, leur grand fils m’a violé alors que je ne connaissais encore rien…j’avais quinze ans et lui je ne sais même pas, il était marié si je ne me trompe pas mais, ses parents m’avaient confié à lui alors qu’ils allaient à un week-end entre ami, après son acte, il m’avait mis dans une voiture pour Chicago avec vingt dollars…

_Alors vous n’êtes pas de Chicago ?

_Non, c’est pourquoi Ray adorait Seattle parce que je suis née ici, et lui aussi a été conçu ici…à l’époque, j’ai trouvé ça bien de m’éloigner pour refaire ma vie. Chicago m’a souri, j’ai connu un homme formidable qui m’a abandonné quand j’ai su que j’étais ensemble, il ne voulait pas être avec une fille qui était souillée et encore moins élever le fruit de ce viol.

_C’était très courageux de votre part de garder cette grossesse dans de telles circonstances, encore plus de l’avoir aimée, il en fallait du cran. Je vois d’où votre fils tenait son optimisme légendaire dont me parle souvent Jay. Sinon, les Andersen, vous n’avez jamais tenté de les retrouver ? Ni le père ? Il aurait pu vous soutenir financièrement ou regretter son acte…

_Oh que non, en partant à Chicago, j'ignorais être enceinte, et puis j’ai fait une croix sur le passé. Et cette famille était aussi pauvre que moi actuellement, ils accueillaient les enfants comme moi pour bénéficier de la petite pension que l’état nous octroyait. Et je ne voulais pas que mon fils rencontre ce monstre, ni qu’il le prenne pour modèle ou figure paternelle. Ray a toujours cru que son père était mort avant sa naissance, il n’a su la vérité qu’avant son départ pour l’université.

_Et quand je pense qu’il est mort après avoir travaillé comme un malade pendant deux ans pour économiser juste pour pouvoir se payer l’université… je suis dégoûtée. Et moi qui me disais insociable, après ma scolarité bouleversée par des années blanches, l'homophobie et surtout le rejet de mes parents… quand j’ai eu mon diplôme à vingt ans quand même, je suis restée pratiquement trois ans à la maison craignant de faire l’objet d’insultes encore à l’université… pendant ce temps lui, il travaillait… et au final, il n’a réalisé aucun de ses rêves.

_Parlant de rêve, je me suis renseigné sur le mariage, bien que ce soit étrange, c’est tout à fait normal dans la culture japonaise et hindouiste. La cérémonie indienne me plairait bien… comme ça, il réaliserait son rêve de se marier aussi tout comme Martin qui j’espère pourra tourner la page avec ça parce que c’est aussi l’une des raisons de cette union à part favoriser la réincarnation de l’être aimé.

_Espérons alors, parce que s’il ne parvient pas à tourner la page, il tombera dans la nécrophilie la plus dure et dangereuse. Mon cousin psychologue l’a vu hier et son diagnostic n’est pas fameux…

_Comment ça ? S’inquiète Charline.

_Pour le moment je n’en sais pas plus, cependant, je le verrai pour savoir si on doit s’inquiéter ou pas.

_Je suis sûr qu’il va bien, si tu le laissais un peu vivre son deuil en paix. Sinon, moi, je voterais pour la cérémonie japonaise, il était fan de mangas et de boy love alors ce serait plus logique.

_Je sais mon chéri, s’il était là par contre, je lui imposerais le thème de l’Inde alors c’est du pareil au même. Et Bradford a raison, s’il y a un risque quelconque, nous devons l’envisager et aider Martin tous ensemble.

_Merci Charline, vous au moins faites preuve de bon sens, sous-entend l’inspecteur en lançant un regard accusateur en direction de Jay.

_En attendant, si je vous cuisinais l’une de ses fameuses recettes en attendant le cadeau de bienvenue de mon cher gendre.

_D’accord, je vais vous aider, peut-être que j’apprendrais à faire les quantités pour faire plaisir à mon bébé, dit Bradford pour taquiner Jay un peu boudeur.

_Humm… tu peux toujours courir. Je monte en chambre.

Le jeune homme quitte la cuisine, fâché, son ordinateur sous le coude, laissant le policier et Charline à leur occupation.


                                                  À suivre !

Jusqu'à ce que la mort nous unisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant