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Salif avait l'air très sérieux quand il eut fini d'examiner la vielle femme. Sans lui adresser aucun mot, il se mit à ranger son stéréoscope et son tensiomètre dans son sac. La vielle femme perçut dans son attitude une espèce de gène et chercha ses yeux.

- docteur, parle moi franchement, lui lança t'elle, est-ce que ma maladie s'est aggravée?

Salif ne répondit pas tout de suite, il voulut finir de ranger ses affaires avant de faire face à la vieille patiente. Il prit un grand souffle et se tourna vers elle.

- est-ce que tu prend des médicaments en temps et en heure, tel que prescrit ?

- oui ! Répondit la vieille femme.

- ton état semble stationnaire, et si la tendance ne s'inverse pas, il faut faire un autre test.

- c'est sérieux?

- je ne peux pas me prononcer maintenant. Il faut un temps d'observation. Ça peut déboucher sur quelque chose de sérieux.

Le vieil homme qui suivait la conversation chercha le regard de sa femme. Celle-ci se tourna vers lui, les yeux pleins d'inquiétudes. Salif se leva, un sourire large sur les lèvres.

- il n'y a pas d'inquiétude à se faire, ma septuagénaire sucrée, lui fit-il, tu es toujours forte et ravissante.

- forte, dis-tu, reprit la vieille femme, tu plaisante, mes pauvres os sont faibles et se plaignent.

- c'est justement pour ça que je suis là.

- merci, Salif. Longue vie à toi.

- Amine!

Salif ferma son sac et en empoigna l'anse. Il avait terminé l'examen. C'était le moment de partir. Il se tourna vers le vieil homme, lui tapota affectueusement l'épaule comme pour le rassurer, et lui dit:

- je serai encore ici après demain. Papa, continue de l'accompagner et de la surveiller. Au revoir donc, ma septuagénaire sucrée.

- au revoir, mon petit, lui lança la vielle femme.

Malgré les multiples signes que leur adressait salif pour les rassurer, le maître des lieux ne semblait pas serein. Bien au contraire, il paraissait encore soucieux, surtout quand le jeune homme avait dit que l'état de maman restait stationnaire. Le vieil homme voulut en savoir davantage. En le raccompagnant jusqu'au pied de la voiture, il le relança:

- es-tu sûr que ça ira mieux pour elle?

- tu n'as rien à craindre, réagit salif. Elle ira mieux.

- mais ce n'est pas ce que tu as semblé nous dire tout à l'heure.

- je n'ai rien dit qui soit affolant, papa. J'ai proposé les mesures à prendre au cas où...

- je comprends...

Salif ouvrir la portière arrière de sa voiture, y déposa son sac et se retourna vers le vieil homme toujours debout.

- alors, embraya t'il, quand est-ce que tu vas me parler de ta nouvelle conquête?

A ces mots, le visage de salif changea, une espèce de gaité l'illumina, avec un sourire aussi brillant qu'enfantin.

- nous allons parler d'elle quand je serai là prochainement.

- mon fils, j'ai l'impression que ce n'est pas une simple aventure.

- tu as bien vu, c'est sérieux.

- tu l'aimes?

Salif, comme par pudeur, ne répondit pas par un OUI articulé, il se contenta d'acquiescer de la tête. D'ailleurs, en le faisant, ses yeux se peuplèrent d'étincelles. Le vieil homme appuya:

- je suppose que c'est aussi réciproque.

- oui, papa. Mais ce qui ne gâte rien, c'est que cette fille est très riche...

Le vieil homme ne lui laissa pas le soin de finir, comme s'il savait là où il voulait en venir, il le coupa net.

- mon fils, avec une femme, il ne faut jamais compter sur autre chose que l'amour. Et s'il y'a l'amour, ne l'échange jamais contre rien au monde. Est-ce que tu comprends ?

Salif et le vieil homme se regardèrent en silence pendant un instant, comme si cette réflexion était taboue. Le jeune médecin finit par dire :

- je comprends !

- tu es sur?

- papa !

- bon, maintenant, va assister tes autres patients à l'hôpital. N'oublie pas de dire bien de choses à Aicha quand tu sera à la maison.

Salif répondit par un sourire et s'installa à bord de la voiture. Le vieil homme, lui, ne se retira pas, il attendit que son hôte démarre. La voiture fit un quart de tour, reprit le chemin par lequel elle était arrivée, puis se risqua par le grand portail. En le voyant s'éloigner, le vieil homme parut soucieux de cette aventure amoureuse dans laquelle s'était engagée son protégé. Aicha, sa femme, la belle et tendre Aicha, était déjà une habituée de la maison. Il l'a considérait comme sa fille, de même d'ailleurs que maman. Certes, à trente ans, salif avait encore la vie devant lui, mais à force de vouloir profiter de leur couple à deux , le temps se consumerait et il se retrouverait sans famille, sans attache et rien que ses yeux pour pleurer.
La jeunesse ! Regratta t'il presque, pourquoi ne veulent ils pas vivre simplement ?

- je vous ai entendus, lui fit sa femme.

Papa leva les yeux. Sur le perron de la maison, se tenait la vieille femme ; elle était sortie, mais était restée à l'écart pour les observer de loin. Sans le vouloir, elle avait suivi les derniers échanges entre son mari et le jeune homme. Oubliant presque son état, elle paraissait triste pour Aicha.

La puissance de l'amour.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant