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Les jours s'étaient succédé aux jours, les lunes aux lunes. Plus de six mois après, alors que la douleur de la perte commençait à s'estomper et que la présence de salif dans la maison était devenue constante, un événement extraordinaire venait de se produire.
Aicha avait accouché d'une petite fille. Certes, le jeune femme donnait, depuis quelques jours des signes de la parturiente à terme ; certes, le couple avait refusé de faire l'échographie pour connaître le sexe de l'enfant. Mais lorsque le bébé apparut, salif fut tellement content que ce soit une fille qu'il se précipita, sans attendre, dans la maison du vieil homme pour lui annoncer la nouvelle. Pour lui, c'était le retour de Azima, c'était le souffle de la vieille femme qui s'était réintroduit dans le corps du nouveau-né. Léger comme un papillon, il entra dans la maison, chantant et appelant à tue-tête le vieil homme.

- Papa ! Papa ! Ma fille est née, Maman Azima est revenue !

Il traversa le salon, alla à la cuisine, en ressortit, puis entra dans la chambre à coucher. Mais nulle part il n'y avait les traces du vieil homme. Soudain, un sentiment d'inquiétude le traversa. D'habitude quand il n'était pas là, Papa fermait tout et le prévenait de son absence. Mais s'il était présent, on sentait son odeur, un petit bruit quelque part, le sonde la radio ou même sa propre voix, puisqu'il passait beaucoup de temps à monologuer. Les vielles personnes ont toujours besoin de se parler à haute voix, d'articuler leurs réflexions de manière forte comme si elles se dédoublaient pour mieux se comprendre.

- Papa, où es-tu ?

Salif continuait d'appeler. Lentement, il se glissa dans le couloir, tourna la poignée de la porte métallique et déboucha dans l'arrière cour. Ce fut en ce moment qu'un immense trouble le gagna.
Papa Aziz était assis par terre, une photo de sa femme à la main. Adossé à un arbre dont le feuillage arrosait le périmètre alentour, il donnait l'impression de somnoler : il avait les yeux fermés, les jambes étendues au sol, les deux mains posées sur le ventre. Un sourire rasséréné lui détendait le visage qu'il avait frais et affable. Tout tremblant, salif s'approcha de lui :

- Papa, Papa, tu es là ? s'il te plaît réveille toi ! Fit il.

D'un geste ferme, il le toucha. Le vieil homme ne répondit pas. Il s'accroupit alors, lui prit le pouls. La vie, exactement comme il y'a six mois avec son épouse, venait de l'abandonner. Salif, lentement s'agenouilla près de lui et le prit dans ses bras. Des larmes s'étaient mises à perler sur ses joues.

- Pourquoi, Papa, pourquoi tu as choisir de partir au moment où tu dois partager le plus beau jour de ma vie ? Pourquoi ?

Il ne faisait plus chaud. Malgré la présence écrasante du soleil dans le ciel, il semblait que la chaleur s'était retirée de la nature, laissant un vent frais occuper l'espace tout entier. Salif regardait le ciel comme s'il l'accusait de ce malheur. Il avait cru trouver en ce vieux couples des parents d'adoption. Malheureusement, l'un après l'autre, ils avaient décidé de le quitter. Au plutôt, ils avaient choisi, au delà de la mort, de continuer à s'aimer, s'aimer d'un amour qui ne craint ni les obstacles, ni les barrières de la vie et de la mort.

La puissance de l'amour.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant