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Le matin était encore brumeux quand Azima arriva à la maison. Elle descendit du taxi qui l'avait prise depuis le campus, traversa la petite distance qui séparait la rue de la devanture et entra par le portail. Dans la cour sur la terrasse, il n'y avait personne. Elle entre dans le salon gagna le couloir qui divisait la maison en deux et parvint à la cuisine, attirée par une odeur de sauce épicée. Justement dans cette pièce, se trouvait sa mère. La brave femme tablier autour des reins était en train d'apprêter le petit déjeuner, elle faisait cuire des omelettes aux œufs brouillés.

- Ah Azima ! S'écria t'elle en se tournant vers sa fille, je ne t'ai pas entendue venir.

- Bonjour maman !

- Comment vas au campus? J'espère qu'il n'y a pas de problème ?

- Pas du tout maman, et papa ?

- Il est dans sa chambre entrain d'écouter la radio. Mais qu'est-ce qui t'a amenée à la maison de si tôt ?

- j'ai besoin d'argent , maman.

- Encore ?

-  Les examens vont débutés lundi et j'ai besoin de sous pour les travaux dirigés.

Sa mère plongea la cuillère dans la poêle qui était sur le feu et recueillit un morceau des omelettes. Elle voulait goûter, s'assurer de sa teneur de sel. Satisfaite, elle se tourna vers sa fille en lui présenta un autre morceau du même plat. De sa langue, Azima en cueillit et acquiesça de la tête.

- Si tu a besoin d'argent, tu sais à qui t'adresser ma chère. Vas voir ton père. Reprit la mère.

- Merci maman.

- Une seconde, il y'a quelque chose de très important dont ton père et moi voulons discuter avec toi.

- De quoi s'agit-il maman ?

- Et si tu allais d'abord voir ton père ? Tu prends le petit déjeuner avec nous, n'es ce pas ?

- Oui !

- Eh bien nous allons en discuter.

Azima n'eut pas besoin d'aller dans la chambre de son père pour le retrouver. Celui-ci sans s'annoncer avait quitté sa pièce et était venu, certainement attiré pas la voix de sa fille. Azima se jeta à son cou dès qu'il apparut.

- Alors, comme ça tu es venue spécialement pour moi, lui fit son père.

- Oui, papa.

- Allez, suis-moi on va s'installer sur la terrasse. D'ailleurs ensemble nous allons apprêter la table pour le petit déjeuner.

Aidée de la domestique, Azima avait fait l'aller et retour entre la cuisine et la terrasse. En quelques minutes tout le nécessaire atterrirent sur la table. Et avant que la mère rejoigne, Azima expliqua à son père ce qu'elle attendait de lui. Celui-ci ne lui posa pas de questions embarrassantes. Connaissant son honnêteté, il repartît dans sa chambre et en sortit avec une enveloppe qu'il vint déposer sur la table. Quelques instants après, tous se retrouvèrent autour des plats.

- Comment vas Az ? Commença le père à l'endroit de Azima.

- Il va très bien, papa, répondit t'elle, maman m'avait dit que vous voulez discuter d'un sujet important avec moi. De quoi s'agit-il ?

Le père échangea un regard rapide avec la mère, avala une gorgée de café au lait et se tourna vers sa fille :

- On était chez Alpha Modibo le dimanche passé, fit elle, et la révélation qu'il nous a fait concernant Aziz et toi n'est pas du tout bonne.
Azima fut surprise par cette déclaration. La mère poursuivit :

- Alpha à ajouter que la relation entre vous deux ne se conclura pas par un mariage. Et si vous vous entêtez à vous marier, la prospérité, le bonheur et même la fécondité vous fuiront.

- Cependant, appuya le père, il a dit que vos liens ne s'useront pas du fait de l'amour unique qui vous unit.
Azima ne parut pas émue par un tel exposé. Lentement, elle tartina un morceau de pain et continua de manger.

- Alors, vous l'avez cru ? Fit elle sur un ton presque ironique.

- Ma fille, expliqua le père, pourquoi n'allons nous pas le croire ce prédicateur ? Nous le connaissons il y'a longtemps et il dit toujours vrai.

- Il ment cette fois-ci. Az et moi nous allons nous marier et personne ne nous empêchera d'être heureux.
La mère sembla relativement agacée par ces propos. Elle repartit :

- Azima, pourquoi ne prends-tu pas le temps de réfléchir ? Peut-être en rencontrant un autre homme, ce mauvais sort s'éloignera de toi !

Azima émit un sourire, prit sa tasse remplie de café et en but une gorgée. Elle trouve la boisson peu sucrée, versa une cuillerée de miel là-dedans et mélangea le tout.

- Votre marabout a réellement dit que si je me marie avec un autre homme tous ces problèmes me seront épargnés ?

- Non seulement cette vérité est valable pour toi mais elle est pareille pour Aziz. S'il se marie a une autre, sa vie sera plus heureuse.

Jusqu'à là Azima avait banalisé la conversation, mais cette dernière précision lui parut comme une pique, une tentative destinée à l'ébranler. Alors qu'il lui semblait que ses parents depuis une dizaines d'années avaient donné leur bénédiction pour leurs relations, les voilà qui tentent aujourd'hui de les séparer. Azima ne pouvait plus supporter ces commentaires. D'un seul geste, elle déposa sa tasse et secoua tristement la tête.

- Ce que vous me dites là est intolérable ! S'exclama t'elle.

- Ma fille, reprit le père, prends le temps d'y réfléchir. Nous te parlons en parents soucieux de ton avenir. Il y'a d'autres garçons que tu peux épouser et connaître le bonheur.

- S'il te plaît, Azima, renchérit la mère, il faut y réfléchir.
Azima sans rien dire, but d'un seul trait le reste de son café,prit l'enveloppe contenant les sous et se leva. Son père le dévisagea d'un air ahuri.

- Où vas-tu ?

- je vais partir papa !

- Quoi ?

- Je suis désolée, mais toute cette histoire ne me donne plus envie de rester. Au revoir.

Azima se rendit immédiatement au campus. Les samedis comme les jours fériés, l'université est déserte. Les étudiants ceux qui occupent les studios, en profitent pour se déverser sur les différents sites, parfois même dans la brousse environnante, ce qu'ils appellent Maquis. Aziz avait choisit de réviser ses leçons à la périphérie du campus, non loin de la route inter-Etat, sous les grands arbres qui s'élevaient du côté ouest. C'est là que Azima vint le trouver.
Sans attendre, elle lui raconta la discussion qu'elle avait eue avec ses parents. Plongé dans le mutisme pendant un long moment, Aziz n'en parut pas décomposé. Azima fit claquer ses doigts trois fois au-dessus de sa tête et s'exclama.

- Je rejette tous ces mauvais sorts qu'on nous prédit : pauvreté, stérilité et autres malheurs ! Ils ne feront jamais partie de notre vie.

Azima les bras tendus au ciel, répondit :

- Amine !

- Comme ne feront jamais partir de notre vie le dénuement, les maladies, les médisances et la séparation...

- Il faut que nous allions ensemble voir un autre marabout pour nous rassurer.

Aziz avait la tête baissée. Assis à même la natte étalée sur l'herbe, il réfléchissait à la proposition de sa fiancée, puis, brusquement leva la tête.

- Je connais une femme, quand j'étais jeune mon frère et moi allions la voir pendant ses démonstrations.

- Elle est loin d'ici ?

- A peine 5km, elle habite dans un quartier populaire.

- Nous n'avons rien à perdre en essayant ça...

La puissance de l'amour.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant