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L'odeur de la bruine et de la brume au loin, l'odeur de ton vieux parfum mélangé au mien, la couleur grise des nuages et de ta barbe. Tes mains fripées dans les miennes, aussi vielles que les tiennes d'ailleurs. Mes cheveux argents se posent sur ton épaule et je soupire.

La fraicheur de l'air ambiant d'automne chatouille nos narines et nos vieux corps engourdis dans des gilets couleur crème, bien trop basiques à ton goût évidemment.

Tu as toujours été quelqu'un de difficile mais j'étais toujours là pour t'aider dans tes choix cornéliens.

- Tu te souviens de notre rencontre ? Tu me demandes de ta voix grave et tremblante.

- Pas qu'un peu.

C'était un jour de printemps. Tu étais le bad boy du lycée, qui roulais avec les premières Harley Davidson et flirtait avec toutes les filles. De mon côté, j'étais l'intello, qui tenais le club de littérature, qui testais ses écrits sur ma première machine à écrire électrique. Je travaillais dans un bar pour pouvoir me payer des études décentes. Tu venais tout les jeudis avec ton groupe d'amis et vous aimiez dire du mal de tout le monde. Mais quand tu venais seul certains lundis, tu n'étais plus le même. Tu avais l'air si triste, comme s'il manquait quelque chose à ta vie. Ce jour là je t'ai servi un verre et une larme à coulé le long de ta joue. Tu l'as essuyé d'un bref revers de la manche. Puis tu m'as regardé, et tu as commencé à me raconter tes problèmes. Avec ton père, ton frère, avec tes soi-disant amis et tes difficultés à lire et à écrire. Tu me raconta que tu étais allé voir un médecin mais qu'il t'avait dit que la dyslexie, mot que tu n'as pas réussi à prononcer correctement, était une maladie tout juste connue dans certains états mais qu'il ne connaissait pas les manières de guérir.

Je t'ai écouté jusqu'au bout, à tel point que le magasin était sur le point de fermer.

J'ai fait la fermeture et tu m'as attendu dehors. Tu as ris tout seul en te demandant pourquoi est-ce-que tu m'avais raconté tout ça. J'ai ris à mon tour en t'expliquant que peu-importe qui j'étais, le plus important c'était que tu te sentes bien. Tu m'as accompagner chez moi, et comme un idiot je t'ai proposé un thé, uniquement pour que tu montes avec moi dans mon petit appartement. Evidemment tu as accepté. On se connaissait à peine et pourtant nous avons fini dans le même lit ce soir là. Tu as été mes premières et mes dernières fois. Notre rencontre avait quelque chose de déjà vu. Comme si je t'avais déjà rencontré. Comme si ton sourire m'était familié.

- Chéri ? Tu me demandes dans un souffle tremblant.

- Oui mon amour ?

- Tu crois aux âmes-soeurs ?

- Tu crois en nous ?

- Oui.

- Alors tu as ta réponse.

- Chéri ?

- Oui mon amour ?

- Je t'aime pour l'éternité.

Dans ce dernier souffle, ton coeur c'est arrêté, à emporter le mien dans son aura. Alors nous y voici. Nos vieilles carcasses sur ce banc devant notre petite maison bleue au fin fond de la campagne. La fine brume, froide et en deuil nous a recouvert.

Eternally - SookaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant