Chapitre 7

26 1 0
                                        


Chapitre 7


Après avoir discuté plusieurs heures avec Malicia, je suis allée me coucher. Mais impossible de dormir. Entre le lycée, le Prof qui me prenait la tête et cette phrase the sun will shine on us again, je n'arrive pas à dormir. Je me tourne sur le côté, de manière à cacher ce que je fais à Kitty. J'ouvre ma main droite, un petit éclair bleu y apparaît. 

"Mais qu'est-ce qui va pas chez moi ? Pourquoi je peux pas être comme tout le monde ?" je murmure en admirant le petit éclair aller et venir entre mes doigts. Les volets sont mal fermés et un rai de lumière m'arrive en plein dans la gueule. 

De toute façon, je ne peux pas dormir. 

J'attrape un carnet et un stylo posés sur ma table de chevet. Et je commence à écrire. Télépathie. Téléportation. Passer à travers les murs (trouver autre nom). Télékinésie. Manipulation du métal. Manipulation de l'électricité. J'écris une à une chacune de mes capacités. J'me dis peut-être qu'en les voyant écrites sur du papier, je trouverai une explication. Un sens à tout ça. Mais les mots ne sont que des mots et je me retrouve juste autant perdue que je l'étais y'a cinq minutes. Les autres pages de mon carnet sont remplies de suppositions. D'hypothèses. Mais à chaque fois ça se termine pareil ; un grand point d'interrogation. Je suis complètement perdue. Mais qu'est-ce que je suis ? Qu'est-ce qui m'arrive ? 

Je lâche un soupire un peu tremblant et reprends ma liste. 

Télépathie. Télékinésie...


Le lendemain, tout est pire. Déjà, j'ai toujours le dos en compote. Ensuite, la Terre entière semble savoir que mon père va avoir une remise de peine. Et pour finir, je suis collée jusqu'à la fin de l'année. 

"Quoi ?!" j'avais répondu quand la dame de l'accueil m'avait remis le papier qui me priait de me présenter TOUS les soirs en salle de retenue. 

"Vous êtes chanceuse de ne pas avoir été expulsée, jeune fille." Je savais bien qu'elle n'était pas nette. Je lui jette un dernier regard noir avant d'arracher le papier de ses mains et de me diriger vers ma salle de cours. Je bouillone de rage. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste !

"Merde !" je jure en tapant violement contre la porte d'un casier qui passait par-là. 

"Hé ! Tout va bien ?" Je me retourne et fais face à une Riley soucieuse. Un pli d'inquiétude se trouve entre ses sourcils. Je ne lui réponds pas et lui tends le papier. Elle le lit rapidement et son soucis se transforme en colère. 

"C'est pas juste." 

"A qui le dis-tu." je marmonne. Elle plit proprement ma convocation et la range dans une de mes poches arrières. Un frisson parcourt mon corps. Je me redresse et me calle contre les casiers. "Jusqu'à la fin de l'année." 

Elle allait rajouter quelque chose mais Kyle la coupe, à bout de souffle. Je n'ai presque pas besoin de l'entendre parler pour savoir ce qu'il va dire. Ses pensées, d'habitude très silencieusese, semblent en ébullition. 

"Vous devriez venir voir ça." Après avoir échangé un bref regard, c'est ce que nous faisons. La mare d'élèves nous bloque le chemin mais Kyle et son mètre quatre-vingt nous permet de nous frayer un passage. J'essaie d'ignorer le flux de pensées qui traversent mon esprit. Toutes sont plus horribles les unes que les autres. Le lycée entier semble s'être mis d'accord sur le fait que je sois un monstre. Comme mon père. Mon père qui avait assassiné un président, monté une organisation pour détruire les humains. Un chouette type quoi. Après avoir poussé trois ou quatre autres élèves, nous nous sommes retrouvés devant la scène. Et, le moins que je puisse dire, c'est qu'ils ont le sens du spectacle. 

Et qu'ils ont pris mon meilleur portrait. 

Une photo de moi, datant d'il y a un ou deux ans, est accroché sur une poupée recouverte d'un vieil uniforme de l'Institut. Du sang recouvre tout son visage, surtout sa bouche en fait. Ses poignets sont tournés vers les spectateurs et des lames de rasoir sont accrochées au bout de ses doigts. 

Le mot 'Monstre' est écrit au moins une centaine de fois. Sur son corps, ses fringues, son visage. Mon visage. Il est écrit avec une peinture rouge vive qui, évidemment, me fait penser à du sang. J'ai une soudaine envie de vomir. Ou de partir en courant. Ou de tout faire exploser. Je sens que mon pouvoir ne demande que ça. De sortir, de tuer tous ceux qui se moquent de moi, qui me ridiculisent et me traitent de monstre. Je sens autre chose, une main chaude qui se pose sur mon avant-bras. Riley. Elle tient Kyle par l'autre bras et je comprends qu'elle nous retient tous les deux. 

Les rires des autres me percent les tympans. Je n'arrive plus à respirer. Je dois l'avoir dit à haute voix car Riley commence à me tirer en arrière, loin de cette scène macabre. Je la laisse faire. Là tout de suite, j'ai terriblement besoin que quelqu'un prenne la situation en mains. Je sens que si je fais quoi que se soit, je risque d'exploser. Peut-être suis-je vraiment une bombe qui pourrait tout détruire à chaque instant. Peut-être que le Prof et les autres ont raison de se méfier de moi, de mon pouvoir. 

En deux minutes, je me retrouve dehors. J'inspire profondément et m'éloigne un peu de Riley. Je sens que la crise d'angoisse n'est pas loin. Inspire. Expire. C'est vraiment pas le moment de faire péter le bahut. Aller Alin, inspire, expire. Tu vas pas leur donner raison en zigouillant tous ces abrutis hein? C'est ce qu'ils veulent que tu fasses ; que tu répondes à leurs attaques. Insipire. Expire. Aller, tu peux y arriver. Sans m'en rendre compte, je glisse lentement contre le mur qui me soutenait jusque-là. Je me retrouve donc en position foetus, la tête contre les briques froides du lycée et le souffle court. On avait fait mieux en guise de mutant super-méga-dangereux. Les autres semblent avoir compris ça aussi ; que je ne suis pas le monstre que tout le monde s'amuse à dépeindre. 

Riley s'assit à côté de moi. Juste assez proche pour que je puisse sentir sa présence sans la toucher et assez loin pour qu'elle ne m'étouffe pas. Kyle s'adose au mur à ma droite. Ensemble, ils forment un sorte de protection contre la violence de cet endroit. Je continue à faire les exercices de respiration de Tornade jusqu'à ce que je sois capable de parler sans trembler.

"Bordel." 

Je sens Kyle et Riley se détendre un peu. Comme s'ils avaient eu peur que je reste là, prostrée contre ce mur un peu moisi, pour toujours. J'étends mes grandes jambes et m'assois plus confortablement. Aussi confortablement qu'on peut l'être lorsque la Terre entière pense que vous devriez être derrière les barreaux, voir pire. Je prends une dernière grande et profonde inspiration avant de me relever. Les deux autres ne me quittent pas des yeux. J'évite de croiser leurs regards. Je ne veux pas de la pitié que je suis sûre d'y lire. Alors, je fais plutôt les cent pas. 

Riley a les yeux perdus dans le vague et semble réfléchir intensément. Je parierai qu'elle cherche un truc pour me réconforter. Quelque chose pour me convaincre que je ne suis pas, et ne serai jamais, la personne que les autres croient que je suis.  

Etonnement, c'est Kyle qui parle en premier. 

"Tu devrais porter plainte." 

Je lâche un rire sans joie. "Pour dire quoi? Que je me fais harcelée au lycée par des gros cons qui sont pas fichus de faire la différence entre mon père et moi ?"

"Ce serait un bon début." réplique Riley en croisant mon regard. Je secoue la tête.

"Vous comprenez pas." 

"Alors explique nous." rajoute-t-elle. 

"On peut comprendre." 

Je lâche un dernier soupire. Vais-je vraiment balancer toute ma vie à des gens que je ne connaissais pas y'a quelques jours ? J'hésite vraiment. J'hésite car je sais qu'ils sont tous les deux de mes côtés, qu'ils me croiraient si leur racontais que je ne sais même pas qui je suis. Mais puis-je vraiment faire ça ? Leur faire confiance ? Je les regarde tous les deux une dernière fois avant de tourner les talons. Si j'en ai très envie, je n'en ai pas le courage. 

Je cours jusqu'aux toilettes et claque des doigts avant même de fermer correctement la porte. 


*La chanson est Why am I like this ? de Orla Gartland 

Avengers'SchoolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant