SHADE, TOME 1 - Cœurs Ecorchés

Oser...

J'arrivais au loft après vingt-cinq minutes de route, chassant de mon esprit toutes pensées négatives et érotiques. Je retrouvai mon colocataire, avachi dans le canapé, devant un vieux film en noir et blanc, emmitouflé dans sa robe de chambre bleu turquoise, un bol plein de pop-corn sur les genoux. Je reconnus le film, « Les Feux de la rampe ». Nathaniel adorait Charlie Chaplin. Et il m'avait transmis sa passion pour cet acteur hors norme. Je posai mes affaires dans ma chambre. J'enlevai mon holster et rangeai mon arme dans le tiroir de ma commode avant d'aller le rejoindre au salon.

— Tu ne m'as pas attendue ? lui demandai-je en m'installant près de lui.

— Je pensais que tu allais finir tard.

— Oh, j'aurais dû t'appeler, excuse-moi, j'ai eu... beaucoup de boulot, mentis-je. Et toi, comment s'est passée ta journée ? D'ailleurs, où est Paul ?

— À son hôtel, il devait se concentrer pour son concours demain. Je lui ai fait visiter New York, nous nous revoyons demain soir. Et toi, ta première journée en tant que lieutenant a été bénéfique ?

— Oh, eh bien, je suis sur une enquête pour meurtre, la routine.

— Une qui n'est pour une fois pas liée à un gang ?

— Si seulement c'était possible, mais en passant en revue les différents témoignages, un témoin nous a mis sur la piste d'un tatouage de loup. On va devoir creuser  et en explorer une autre un peu particulière.

— Comment ça? S'intrigua mon ami.

— As-tu déjà entendu le nom de Tommy Hartner ?

— Bien sûr que oui voyons ! C'est l'homme le plus riche et le plus convoité de New York !

— Je ne suis même pas étonnée ! Eh bien, il est le principal suspect de mon enquête, lui annonçai-je alors.

— Quoi ?! sursauta-t-il, manquant de renverser son bol de pop-corn. Tu as rencontré le richissime Tommy Hartner ?

— Professionnellement parlant, oui je suis allée l'interroger avec les gars dans la journée, lui expliquai-je.

Je le voyais s'émerveiller face à mes révélations, il trépignait d'impatience.

— Mais je l'avais déjà rencontré avant, déclarai-je évasive.

— Pardon? Tu veux bien répéter ? s'exclama Nat. Ne me fais pas languir, parle !

— Je suis tombée sur lui ce matin à Central Park lorsque je faisais mon footing, ou plutôt, il m'est littéralement tombé dessus si on peut le dire.

Il en restait bouche bée.

— Tu vas avaler des mouches à force de rester la bouche ouverte ! le narguai-je.

— Quand tu dis qu'il t'est tombé dessus... reprit mon ami qui avait retrouvé la parole.

— Il m'a renversé en vélo ! déclarai-je cynique.

— Oh mon dieu ! s'écria-t-il tout excité.

— Tout va bien, je n'ai rien eu de cassé, juste un peu engourdie. Il m'a aidé à me relever, mais je n'ai pas manqué de lui rappeler les règles de circulation dans le parc. Il aurait pu blesser n'importe qui !

— T'es sérieuse ?

— Je ne savais pas qui il était à ce moment là ! me défendis-je. Je te rappelle que je ne m'intéresse pas aux torchons people, ça c'est ton domaine !