SHADE, TOME 1 - Cœurs Ecorchés

Fébrile

De retour au poste, je ne cessais de penser à mon interrogatoire. Des tonnes de questions traversaient mon esprit depuis ma rencontre avec Hartner. Certes, je l'avais déjà vu à Central Park, mais la situation n'était pas la même. Je n'aurais jamais pu deviner que sous ses airs de cycliste arrogant, se trouvait un PDG d'une multinationale. De plus, il était le suspect numéro un dans mon enquête pour meurtre. Pourtant, quelque chose m'attirait chez cet homme. Il hantait mes pensées, il avait réussi à me troubler et à me déstabiliser d'un seul regard, mon cœur s'était emballé rien qu'au son de sa voix. Je n'avais jamais ressenti ce genre de sensation. Son sourire, ses yeux, sa façon de prononcer mon prénom, tout en lui avait éveillé mes fantasmes jusqu'ici prisonniers de mes angoisses. Pourquoi n'étais-je pas sur la défensive comme lorsque Richard m'avait avoué ses sentiments ? Comment pouvais-je éprouver autant d'attirance pour un inconnu ? Un inconnu, oui, mais très séduisant et très riche. Il me faisait clairement du rentre-dedans, et malgré cela, je n'avais pas fui. Je me sentais même d'humeur joueuse. Mon Dieu, je ne me reconnaissais pas le moins du monde ! Il était impliqué dans mon enquête, je ne pouvais pas ressentir ce genre de choses pour un suspect. Il fallait que je revienne à la raison, et vite. Mon capitaine demandait des résultats, et mon affaire était pour l'instant au point mort.

— Tu peux m'expliquer pourquoi tu nous as évincés de l'interrogatoire ? intervint Butch visiblement encore remonté de s'être fait mis à la porte.

Sa question me sortit de mes pensées.

— Je n'avais pas envie que votre petit jeu tourne mal, lui répondis-je sur la défensive.

— Ça aurait pu mal se terminer, reprit-il. Rester seule avec un homme suspecté de meurtre !

— C'est bien pour cela que l'on emploie le terme « suspect ». Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je suis une grande fille, et également ta supérieure. Je sais que veux me protéger et je te remercie de ta loyauté envers moi, mais, tu dois apprendre à rester calme même si la personne que tu as en face de toi cherche à te balader.

— As-tu remarqué son petit jeu ? Répliqua-t-il vexé. Cet homme te draguait ouvertement !

— Butch..., l'appelai-je calmement.

— Je n'ai pas du tout apprécié sa façon de nous prendre de haut !

— Écoute, c'est un milliardaire de renom, tu penses réellement qu'il en a quelque chose à faire de moi ? Ce genre de personne est très difficile à cerner, le moindre faux pas de notre part et il pourrait nous mettre sur la touche d'un claquement de doigt ! Si j'ai décidé de vous évincer, c'était avant tout par stratégie. Il avait l'air obnubilé par ma présence, j'ai juste pensé qu'il serait plus apte à me parler sans vous à mes côtés, expliquai-je essayant de trouver un mensonge assez plausible.

— Tu as pu obtenir des informations ? se radoucit-il.

— Pas vraiment, mais lorsque je lui ai demandé s'il était capable de me tuer comme il l'a fait pour la victime, son regard a immédiatement changé, comme si la mort de sa stagiaire devenait réelle. Sa posture a complètement changé. Je ne pense pas qu'il soit impliqué dans cette homicide.

— Il faut attendre les résultats du labo et vérifier son alibi, intervint Estanco. Tu ne peux pas te baser sur un simple regard.

— Je me base surtout sur mon intuition, et elle ne m'a jamais prise au dépourvu jusqu'à présent. Rendez-vous encore une fois au parc, peut-être que quelqu'un aura vu quelque chose le soir du meurtre, on ne sait jamais.