Chapitre 13 : Reflection

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C'était vraiment stupide mais, à la seconde où Thaliūu posa sa question, Astalos se demanda réellement pourquoi il était là. C'est vrai, il aurait pu être en train de se battre dans les monts brumeux, ou de dépérir dans les Terres Sauvages...pourtant, le voilà, devant un elfe dont seul le nom lui était connu. Il ne savait même pas exactement où il se situait, ça ressemblait fortement à la maison de Lotallia. Se pourrait-il qu'il soit chez Nhinny ?

 Finalement, il n'eut même pas à répondre car Thaliūu le fit à sa place :

- " Oh c'est vrai, tu dois être tellement déboussolé ! Legolas et moi nous t'avons rapporté à Cul-de-Sac ce midi ! Un Hobbit nous a accueilli en échange de quelques pommes." 

Astalos tourna instinctivement la tête vers une petite fenêtre derrière-lui ; le jour commençait à s'éteindre, le soleil se laissait tomber à la fin de sa course majestueusement.  L'elfe s'approcha de la vitre, sans un mot, admirant un couché de soleil dessiné entre les collines. Il continua la conversation sans quitter l'astre des yeux :

- " Et toi, que fais-tu ici ? "

Le roux s'approcha lui aussi de la fenêtre, les yeux braqués sur le ciel s'obscurcissant.

- " Je suis là en renfort sous les ordres de Thranduil. Je dois faire en sorte de ramener ton mentor vivant. Tu as déjà oublié ? Rappelle-toi qu'il est prince, il a dû te le dire ! "

- " Ah oui c'est vrai. " Il déglutit à l'idée que son ami était issu de sang royal. Si j'ai des problèmes avec lui j'vais me faire exécuter ? Se disait-il.

Les deux elfes avaient toujours le regard braqués sur l'horizon, le ciel se teintait petit à petit, comme recouvert par de nouvelles couches de couleur au fil du temps. Ils se sentaient paisible, là, au crépuscule naissant, bourgeon des nuits et cendre des journées. C'est une belle poésie, la nuit. Dommage que j'eus mit tant de temps à l'apprécier...

Tout d'un coup, Astalos sentit que Thaliūu l'observait. Il le regardait avec des yeux profonds et mélancoliques. Le garçon se tourna vivement vers lui. Encore une fois, le silence régna mais leurs yeux parlaient. Thaliûu céda et, attrapant le dossier d'une chaise, demanda, gêné :

- " Tu...tu veux que je te fasses des tresses ? "

Ses mains aggripaient le rebord, un peu nerveusement, comme s'il était accablé de honte, comme s'il se montrait soudainement à nu face à ce petit dont il ne connaît presque rien.

Astalos sourit, c'est joli les tresses.

- " Si tu veux. Je suis sur que ça me va bien ! "

Il s'installa en vitesse sur la chaise que tenait Thaliûu, ravi de pouvoir enfin changer de coupe. Il dû attendre quelques secondes avant que l'autre pu enfin réagir, ne s'attendant pas à cette réponse, il en était resté bouche-bée.

- " Oh euh...oui... " murmurra-t-il avant de sortir un peigne de sa poche. Ledit peigne était en cristal, et son éclat se reflétait dans les yeux du roux tout autant que sur la chevelure d'Astalos. Un rayon frêle et argenté, légèrement grisé par l'obscurité.

Apres lui avoir démêlé ses cheveux en bataille, Thaliûu entreprit la longue affaire qu'est le tressage. Une natte par une natte, le plus proprement possible. Il allait lui faire trois tresses de différentes longueurs tout autour de la tête. Deux petites sur les côtés et une grande avec tout ses cheveux.

Il passait ses mains, précises et délicates, entre les mèches blanches du jeune elfe. Parfois, il était épris par un parfum enfantin, vagabondant autour de lui. Et ce son candide du crissement des cheveux, et ces lueurs de la nuit près de la fenêtre, cela lui rappelait ses belles années à la forêt noire...
Les lèvres de Thaliūu se resserrérent, avant que les mots ne s'éclatent un à un contre sa langue. Des petits pics le forçaient à ouvrir sa bouche et son esprit, à braver une certaine timidité qui ne se montrait qu'à ces moments  spécifiques...

Soudain, Thaliuu parla, comme une délivrance. Éprit d'un mal si rude et doux. Le souvenir d'un être cher ravivé par les Fossoyeurs. Ceux qui cachent pour mieux montrer. La nostalgie et le souvenir...

- " Mon père me faisait souvent des tresses quand j'étais petit... "

Astalos tréssauta et failli se retourner. Heureusement Thaliûu était là pour lui rappeler de ne pas bouger. Le garçon répondit, presque froidement :

- " Le mien, il se fichait de mon apparence mais surveillait tout mes faits et gestes. Il me radotait tout le temps des "je t'aime", mais il n'était jamais là pour vraiment m'aimer. "

Le roux, qui avait arrêté de tresser les cheveux du jeunot, repris aussitôt en soufflant :

- " Mais toi, tu as la chance d'avoir eu un père qui te disait tout ça. - Astalos haussa les épaules, silence. -  Je n'ai qu'un seul souvenir de lui : quand il me tressait les cheveux à la tombée de la nuit, signe que la fête des étoiles allait commencer. Mais ici s'arrête notre relation, rien d'autre ne me rattache à cet Homme. "

Le ton de l'elfe était mélancolique, c'était comme si sa voix pleurait.

- " C'est un peu stupide de dire ça. - Le coupa presque Astalos - Toi, il était toujours présent jusqu'à son absence. Moi...j'ai toujours su qu'il existait, qu'il me parlait tous les jours en occidentalien, qu'il me demandait parfois ce que je voulais manger...mais je crois que c'était comme si on avait tous les deux oubliés qu'il était mon père. "

- " Il était toujours absent malgré sa présence... " Souffla Thaliûu.

Astalos hocha simplement la tête. Il ajouta calmement :

- " J'ai appris deux langues durant l'enfance mais la sienne...la...la langue de mon père...je ne l'ai jamais vraiment comprise. "

Sur-ce, Thaliûu se leva, signe qu'il avait terminé. Il fut gratifié d'un sourire et eut envie de pleurer.

Les deux elfes se séparèrent un instant, rongés tous les deux par leur propre pensées, obligés à s'isoler dans leur bulle pour un moment.

Peut-être bien que minuit sonna, aucun des deux n'en avaient la conscience.

Le temps n'était plus qu'un lointain souvenir dans leur vive léthargie. Ils devaient pourtant se recentrer sur quelque chose avant de chavirer à nouveau dans les vagues de leur pensée.

Astalos prit sa tresse entre les doigts, comblé par son élégance par l'aura qu'elle lui donnait. Elle glissait sur la main comme un serpent sauvage. Un serpent susurrant à ses oreilles, rampant à ses tempes, se transformant en couronne pour se démultiplier...et soudain, ses milles et une parcelles s'entortillants se détachèrent de sa vue. Elles devinrent routes blanches infini...un cauchemar vide éternel.

Un souffle glacé empli sa gorge. Ses hallucinations reprenaient.

La porte claqua, Legolas rentra et vit Thaliûu en panique essayant de capter un signe de vie dans le regard blanc d'Astalos et ses contours lépreux. L'échange fût radical :

- " Le cas s'aggrave. "

- "   Et moi je n'ai trouvé personne... "

Ils échangèrent un simple regard.

- " Lothlórien. "

Et je ne suis jamais rentré... T.1 - Astalos le vaillant -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant