Chapitre 8 : Soupçons

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  Le front de Gina la brûlait. Dans une position inconfortable, elle se retourna à nouveau dans l'espoir d'apaiser sa tête qui l'élançait. Mais c'était peine perdue. Depuis qu'ils avaient terminé de souper dans l'étrange maison de Vikter, et que celui-ci leur avait montré une chambre dans laquelle ils pourraient passer la nuit, elle sentait la migraine qui la titillait depuis plusieurs jours déjà, se manifester avec une puissance inouïe. Elle s'était aussitôt couchée dans l'espoir de la faire diminuer, mais c'était peine perdue.

  Cet étrange Vikter avait en effet des biens modestes, une maison coquette, et assez de nourriture pour les chevaux et eux-mêmes. Néanmoins, Gina avait la nette impression qu'il ne disait pas tout. Un garde d'une petite ville comme celle-ci, bien qu'elle soit réputée pour son commerce, ne possédait pas autant de possessions. Ce n'était pas possible, à moins d'un héritage, mais quand bien même un fils venait à recevoir d'un héritage aussi conséquent, le métier de garde – métier salissant et dangereux – n'était pas un premier choix, et on pouvait facilement s'en débarrasser.

  La migraine de Gina s'intensifiait, alors que cela faisait près d'une heure qu'elle tentait de dormir. Cela n'était pas normal. Elle avait fait attention à la nourriture que leur hôte leur donnait, et avait assisté à la préparation du repas. Elle ne l'avait pas vu glisser quelques herbes mortelles, ou de la poudre pour les empoisonner. La chasseuse ne voulait pas en faire part à Tobias, car cela l'inquièterait, et elle n'avait pas besoin de ses conseils qui ne feraient qu'augmenter sa migraine.

  Au bout de quelques minutes, Gina se décida.

— Tobias.

— Tiens tu me parles à présent, grogna une voix dans un lit voisin. Apparemment il ne dormait pas non plus.

  Gina ne sut que répondre. Il est vrai qu'elle n'avait pas été très bavarde ces dernières heures, mais elle était sur le qui-vive pour tenter de percer leur hôte, ce qu'elle n'avait pas encore réussi à faire. Et elle avait toujours ce pressentiment oppressant qui lui vrillait la tête.

— Tu dors ? demanda-elle sans se préoccuper de la réponse glaciale de Tobias.

— A ton avis. Je te pensais plus futée que cela.

  Pour la première fois de sa vie, la chasseuse rougit. Il est vrai qu'on voyait assez bien dans la pénombre de la chambre d'ami de Vikter, mais elle distinguait à peine le garçon.
Encore un détail qui préoccupait Gina. Les lits étaient déjà faits, la chambre parfaitement rangée, comme si le garde attendait des visiteurs. Cela faisait trop de coïncidences. 

— Tobias, je crois que quelque chose cloche.

— Non tu crois ? Notre village est parti en fumée, nous ne savons pas où sont nos parents, peut-être morts à l'heure qu'il est, des ténéboris ont pillé ce même village, nous nous sommes fait attaquer par une Hulve, et nous nous nous trouvons à présent à des kilomètres de notre ville, dans un endroit inconnu chez une personne vraiment louche. Et puis nous sommes recherchés par le Roi des Démons en personne. Je crois en effet que quelque chose cloche, lâcha Tobias avec hargne.

  Au grand étonnement de l'apprenti forgeron, Gina éclata de rire.

— Pourquoi tant de sarcasme à cette heure-ci ? Je ne savais pas que tu maîtrisais à ce point l'ironie ! 

  Tobias partit lui aussi dans un rire franc. Ils étaient un peu sur les nerfs ces temps-ci, il fallait l'admettre. Il était si facile de se laisser aller au rire, même s'il n'y avait rien de drôle dans cela. Pourquoi ne pas rire de leur périple ? Après tout les événements étaient vraiment ironiques dans l'ensemble. Pourquoi le Roi des Démons pourrait-il partir à leur recherche ? C'était complètement dépourvu de sens !

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 26, 2022 ⏰

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