VII : Un ange gardien maudit

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Un ange gardien maudit

Ses responsabilités de préfet se rappelant à lui, Tom décida de se lever et de profiter de sa ronde pour se calmer

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Ses responsabilités de préfet se rappelant à lui, Tom décida de se lever et de profiter de sa ronde pour se calmer. Il avait les nerfs à vif, et il savait d'ores-et-déjà que n'importe qui se trouverait sur son chemin recevrait une punition à sa hauteur.

Enfilant sa robe de sorcier par-dessus son ensemble sobre habituel, le préfet des verts et argents attrapa sa baguette et fila hors des dortoirs. Les autres élèves de Serpentard étaient pour la plupart partis se coucher – et ceux qui luttaient encore contre le sommeil filèrent droit au lit lorsqu'ils aperçurent la silhouette élancée de Jedusor.

« Monsieur Jedusor ? Êtes-vous sûr que vous allez bien ? » Surpris, le sorcier vit volte-face si vite que sa vue se brouilla un instant. Devant lui se trouvait le Baron Sanglant – le fantôme des Serpentard – les taches de sang qui ornaient son habit luisant au clair de lune. Tom haussa un sourcil. Lui et le Baron avaient quelques fois fait une ronde en compagnie de l'autre mais jamais n'avaient-ils prononcés le moindre mot. « Je me porte parfaitement bien, monsieur le Baron. Pourquoi est-ce que j'irai mal ? » Le visage fantomatique du vieil homme ne changea pas. « Vos yeux sont rouges, monsieur. Auriez-vous pleuré ? » Dévasté, Tom glissa ses doigts sur ses joues rosies et essuya ce qu'il restait de sa dispute avec sa compagne. Ses yeux étaient encore humides et ses joues collaient légèrement là où les larmes avaient tracé leur sillon.

Après un temps, le noiraud se décida à répondre. « Ma compagne et moi nous sommes légèrement disputés. Et j'aimerai pouvoir discuter avec elle avant les vacances de Noël. Sauriez-vous où je pourrai la trouver ? » Abandonnant ses responsabilités de préfet pour de bon, il attendit patiemment que le fantôme réfléchisse. Ce dernier jeta un regard sur les fenêtres à ses côtés avant de répondre. « Il me semble l'avoir vue se diriger vers la Forêt Interdite, monsieur. Elle avait l'air très en colère contre elle-même. » Contre elle-même ? Pensa Tom, les sourcils froncés. Pourquoi s'en voudrait-elle ? Il ne questionna pas plus son vis-à-vis et prit la direction du hall d'entrée du château, espérant trouver la jeune femme et s'expliquer avec elle. Le Baron Sanglant adressa un bref signe de tête au préfet et reprit sa ronde, flottant silencieusement au-dessus du sol.

À l'extérieur du château, la jeune femme se hâtait de pénétrer la forêt. Elle n'avait nullement peur de ce qui s'y trouvait, sachant que certaines de ces créatures seraient prêtes à l'aider au moindre problème.

Les joues ravagées de larmes, elle reniflait à en perdre haleine, son corps secoué de nombreux hoquets. Ses pas précipités effrayèrent quelques licornes mais elle n'en eut cure. Tout ce qui importait, c'était évacuer cette immense colère qui enflammait son être. « Je suis une idiote ! » Stoppant sa marche rapide, elle passa une main agacée dans ses cheveux emmêlés, ses pupilles dilatées de rage. « Ça, on ne peut pas vraiment le contredire. » Un hoquet de surprise lui échappa contre son gré, elle fit volte-face. « Qui... ? » Mais elle s'interrompit en reconnaissant l'homme qui se tenait devant elle. « Archange Gabriel... bonsoir. » L'Archange Gabriel avait une apparence humaine, à l'exception de ses deux paires d'ailes blanches comme la neige qui trônaient fièrement dans son dos. Son visage, presque parfait, avait l'allure d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, mais il ne fallait pas s'y tromper, il avait dépassé les deux cents ans quelques mois plus tôt. Marchant avec grâce parmi les pins, il adressa un doux sourire à son vis-à-vis et vint s'asseoir sur la souche d'un arbre. « Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas entretenu. Et je constate que ma venue se montre nécessaire. » La jeune sorcière essuya ses joues avec les manches de sa robe, essayant de se montrer présentable. « Navrée de vous avoir inquiété, Archange Gabriel. J'ai simplement quelques difficultés à résoudre cette histoire. » Le jeune homme ne perdit pas son sourire, même si le tic d'une de ses ailes trahissait une certaine nervosité. « J'ai pu le constater en effet. Il vous faut cependant ne pas perdre votre objectif des yeux. » La jeune femme hocha la tête, le nez et les yeux rouges. « Je le sais bien... mais j'ai peur de mes sentiments. La prophétie ne mentionnait pas un amour naissant. » L'Archange Gabriel eut un petit rire. « Ma douce enfant... les prophéties ne disent pas toujours l'entière vérité, comme elles ne se révèlent pas incontestables. » L'aura apaisante qui régnait autour de lui s'élargit encore un peu. « Avoir peur de ses sentiments revient à avoir peur de sa propre personne. Auriez-vous peur de vous, ma chère ? » La petite sorcière hocha négativement la tête. « Nos sentiments sont nos forces, jeune enfant, ils font de nous ce que nous sommes. » L'Archange Gabriel tendit une main sertie de bagues en or vers son vis-à-vis. « Prenez votre forme primitive, ma tendre enfant, vous en avez besoin. » La jeune femme hésita une coutre seconde puis vint attraper la main qui s'offrait à elle. Une douce chaleur s'immisça instantanément dans son corps, courant le long de ses doigts et traversant ses muscles de toutes parts. Peu à peu, deux formes blanches s'étendirent dans son dos, silencieuses et doucereuses. La jeune femme sentit finalement sa colère disparaître à mesure que son être s'abreuvait de la lumière de la lune, son corps se détendant avec délice.

Bientôt, deux ailes d'une blancheur semblable à une première neige de Décembre se déployèrent de part et d'autre de sa colonne vertébrale. « Comment vous sentez-vous ma chère ? » La voix réconfortante chatouilla l'oreille de la plus petite qui craqua un sourire. « Mieux, merci. » L'Archange Gabriel sourit et vint placer un baiser sur son front. « Ne vous en faîtes pas, ma tendre enfant, vous trouverez le moyen de parvenir à vos fins. Ensuite, vous reviendrez vivre avec nous parmi les nuages. » La jeune sorcière se figea. Voulait-elle vraiment repartir ? Malgré le peu d'amitié qu'elle recevait ici, elle commençait à s'attacher à la vie terrestre. Et qu'allait devenir Tom une fois qu'elle aurait fini son travail ? Elle l'aimait, elle ne pouvait décemment pas l'abandonner du jour au lendemain.

La créature des Cieux ne sembla pas remarquer son trouble, se préparant à repartir. « Je reviendrai, ma douce enfant, mais si jamais il vous arrive quelque chose, n'hésitez pas à faire appel à mon aide. Je viendrai vous soutenir aussi vite que je le pourrai. » La jeune femme acquiesça, et laissa son supérieur disparaître parmi les astres, donnant l'illusion qu'il était une étoile filante. « Au revoir, Archange Gabriel... »

« Alors tu es un ange. C'est pour cela que tu refusais de m'embrasser ? Tu avais peur que je n'encaisse pas le coup ? » La pauvre sursauta si violemment qu'elle trébucha sur une racine et s'étala de tout son long dans la terre fraîche de la Forêt Interdite. Tom retint un rire de traverser ses lèvres et s'approcha l'aider à se relever, l'asseyant sur la souche d'arbre désormais vide. « Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. » La jeune femme hocha négativement la tête, signe qu'elle ne lui en voulait pas, et commença à brosser ses vêtements. « Qu'est-ce que tu fais ici, Tom ? » Sa voix muette eut du mal à atteindre les tympans du plus grand qui mit un temps avant de répondre. « Je voulais te parler... Le Baron Sanglant m'a dit que je trouverai ici. » La jeune femme hocha la tête, désormais occupée à retirer les feuilles mortes coincées entre ses plumes. « Je comprends... De quoi s'agit-il alors ? » Comprenant qu'elle faisait référence à la raison de sa soudaine apparition, Tom s'humecta les lèvres. « C'était au sujet de notre dispute... je voulais des explications mais je crois que j'ai entendu ce que je voulais savoir... » La pauvre garda les yeux baissés lorsqu'elle reprit. « Tu sais, j'aimerai vraiment pouvoir vivre comme une humaine normale. Profiter de la vie sans me soucier de mes pouvoirs... mais je ne peux pas. » Le plus grand hocha la tête – même si elle ne le vit pas – et posa une main légère sur son épaule. « Excuse-moi pour tout à l'heure, angel. Je pensais que tu étais en colère à cause des maléfices que j'étudie... et j'ai voulu me protéger de ton influence. » La petite sorcière eut un hoquet de surprise. « Quoi ? Non.. non, ça n'a rien à voir ! » Elle leva les yeux sur son vis-à-vis. « Bien sûr que j'aimerai que tu arrêtes ces pratiques douteuses ! Mais jamais je ne te l'aurai imposé ! Je veux dire- ... Argh c'est si confus dans ma tête ! » Passant une main agacée dans ses cheveux emmêlés, elle souffla pour se calmer. « Je sais que les légendes disent que les anges sont bons uniquement car c'est dans leur nature de l'être mais... je n'ai jamais souhaité t'approcher parce que je connaissais tes intentions... je voulais juste... être ton amie... » Pour la première fois, Tom sentit une étrange chaleur lui serrer l'estomac. Un sourire idiot se fraya un chemin sur ses lèvres alors qu'il attrapait la jeune femme dans ses bras pour l'enlacer. « Tu es bien plus que mon amie, angel. Tu es la seule personne à être restée sincère avec moi. Et je t'en suis extrêmement reconnaissant. » Il déposa un baiser sur son front, ne lâchant pas son sourire. « Maintenant dis-moi : c'est comment d'être un ange ? Tu sais voler ? » La jeune femme échappa un rire. « Alors là, prends un morceau de parchemin parce que je peux parler pendant des heures ! »

Angel of Death | Tom E. JedusorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant