"Une fois vielle et épuisée, Sochianna se redressa une dernière fois afin d'embrasser les mondes. Elle mourut heureuse et pleine de joie, ses larmes de bonheur ruisselèrent dans un flot continue salant les mers. Tout en mourant, de ses derniers rêves de compagnie des êtres à son image furent créés. Ainsi elle mit fin à la mort, et débuta la vie. (Le livre des dieux, Chapitre 1-La création des mondes)"
La forêt du Corbeau-Gelé se réveillait en douceur, la reste de brume au sol se dissipait peu à peu, emportant avec elle les vestiges de bien des rêves déjà presque oubliés. Dense et très peu apprivoisée par l'homme, le bois offrait chaque jour le même spectacle, fascinant et terrible à la fois. Ébouriffés par la rosée du matin, les prédateurs assistaient l'eau à la bouche aux rituels de sortie de leurs proies. Quelques renards attendaient près des terriers situés à la lisière de la forêt que les lapis daignent enfin montrer leur museau frétillant. Plus loin les premiers intrépides mulots sortant timidement de leurs trous feraient le repas d'autres renards, belettes ou même de quelques sangliers ne se contentant pas de baies sauvages.
Si les petits habitants de la forêt émergeaient doucement d'une nuit de sommeil, la panique les prirent vite au dépourvu : de terribles tremblements secouèrent la terre. Les animaux de proies se précipitèrent de nouveau dans leurs trous sous l'œil agacé et frustré des prédateurs ne tardant pas beaucoup plus longtemps avant de se retirer pour se dissimuler eux aussi.
Foulant la terre brute d'un chemin à peine tracé, les sabots de quelques chevaux battaient le sol d'un trot décidé. Levés en même temps que le soleil, un petit groupe de personnes venaient de sortir du village de L'ours-Qui-Court. Seuls remparts contre le froid encore mordant de la saison, les cavaliers chérissaient leurs cape et manteaux de laines, ne cessant de les resserrer contre eux. Tous attendaient que le soleil encore trop timide se lève plus haut et brille plus fort.
Jubilant intérieurement mais le visage ne trahissant pas ses émotions, Calypso chevauchait en retrait de la petite délégation. Depuis longtemps elle savait de par sa sœur, qu'afficher une mine renfrognée éloignait les bavards et leurs discussions futiles.
Elle n'a pas gagné cette fois la vielle chouette ! J'en connais un qui a dû passer une mauvaise soirée hier !
La jeune fille retint un petit sourire en coin quand elle visualisa la tête d'Esra lorsque son mari lui avait rabattu le caquet : la vielle n'avait pu retenir ni sa surprise ni sa contenance : ses yeux froids et dures soudain changés en incompréhension totale devenues au moins aussi pathétiques que ceux de la jeune fille alors au bord des larmes. (Du moins l'espérait-elle.)
Calypso huma l'air frais, l'odeur de la terre mouillée lui emplit les narines, exaltée de se sentir soulager d'un fardeau écrasant. Elle se redressa immédiatement le sérieux revenu : si Hestia ne les accompagnait pas jusqu'à Fort-Renard, elle n'en demeurait pas moins prisonnière dans leur maison.
Je n'ai gagné que du temps.
Serrant les dents, Calypso sonda tout autour d'elle.
Réfléchis, réfléchis, que faire maintenant ?
Ouvrant la marche sur deux lourds chevaux de traits, Lihanne et Paulin Perrisey gardaient le dos bien droit contrairement à leur habitude. Tout dans leurs gestes nerveux et leurs regards indiqués la profonde angoisse qui les habitaient. Ensuite venaient Kean chevauchant avec Eric, suivit de près par la monture solitaire de Victor, le seul bénéficiant d'un cheval plus propice au voyage que ses congénères destinés au travail dans les champs. Le chef de village marmonnant sans cesse dans sa barbe portait son regard fixé vers l'avant. Bríncen, l'ancien gardien d'Hestia les accompagner aussi, tenant les brides du cheval de bât tirant la charrette des provisions. Suivaient alors Kromède et Aldo, puis enfin, Calypso, ayant déserté sa place auprès de son père.
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Le frémissement des feuilles
FantasyLe vent souffle sur Hyria et ses différents pays comme il a toujours soufflé, pourtant pour quiconque sait écouter, le bruissement des arbres semble chuchoté une sinistre mélodie. Deux sœurs se trouvent prises au piège dans un pays intolérant et ré...