Chapitre 8:

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Partit dès l'aube dans le petit matin, le groupe de l'Ours-qui-Court avalait le plus de distance possible pour s'éloigner du village de Pont-aux-Saumons. Soucieux, personne n'avait pris la parole depuis les remerciements très polis formulés à leurs hôtes pour les vivres promis. Seul le bruit des chevaux trottant nerveusement sur la terre mouillée au rythme forcé de leur cavalier ne ménageant plus leurs efforts retentissait sur la route. Ils croisèrent les villageois les plus matinaux l'air surprit de voir autant de cavaliers si tôt dans leur village mais ne s'arrêtèrent sous aucun prétexte. Aussitôt sortit des cultures de Pont-aux-Sommons, les collines et les terrains plus ou moins plats s'enchaînèrent. Comme prévu initialement par Hestia, le chemin suivit par Victor et ses compagnons longeait la longue rivière coulant sous le pont donnant son nom au village construit par Leif. Ce n'est que lorsque le soleil fut bien monté dans le ciel que les braves chevaux eurent droit à un peu de repos, enfin tout est relatif car Victor ordonna qu'on ne les descelle pas. Ils purent à peine boire qu'ils furent de nouveau montés et forcés au trot le plus rapide possible afin de ne pas renverser les provisions. De temps en temps Victor se retournait fixant le chariot afin de déterminer s'ils ne pouvaient quand même pas, ne serait-ce qu'un peu augmenter la vitesse. Le bon sens le ramenant vite à la réalité, il se retournait à chaque fois maugréant dans sa barbe, les tresses au vent.

Calypso l'air hagard le teint pâle et les yeux cernés tenait à peine sur son cheval. La fatigue couvrait même la douleur liée au chevauchement permanent de Vent-du-Nord. Les cousines Leiffson partageant leur chambre avec la jeune voyageuse s'étaient montrés très curieuses la harcelant sans arrêt de questions en tous genres : comment était l'Ours-qui-Court, où allait-elle, et d'autres questions futiles pouvant poser des jeunes enfants. Alors qu'elle crut s'en sortir en allant se coucher, des garçons venus d'une autre chambre entrèrent en parlant du dragon. Visiblement un de leurs oncles leur aurait raconté la chasse et la mort de l'immonde bête poussant les villageois de l'Ours-qui-Court sur les routes. Vif regain d'intérêt chez les jeunes filles, Calypso se retrouva assise au milieu d'une dizaine d'enfants de très jeunes à presque adultes. Tous très excités, elle crut que la nuit serait interminable et qu'elle ne pourrait dormir, ce ne fut que lorsqu'elle répondit à toutes leurs questions et que les plus jeunes tombèrent de sommeil qu'elle put enfin aller se coucher. Hestia n'aurait pas hésité à user d'autorité pour envoyer tout ce petit monde au lit elle ! Beaucoup plus réservée, jamais Calypso n'aurait osé formuler ne serait-ce qu'une demande polie afin d'être tranquille. Enfin libérée, Calypso s'étendit sur le matelas partagé avec une des grandes Leiffson et ressentit toutes les douleurs musculaires l'envahirent. Son dos et ses jambes la faisaient énormément souffrir chaque fois qu'elle remontait le maigre drap sur elle, de vives douleurs aux bras la rappelaient à l'ordre et comme si ce n'était pas assez son bas ventre commençait à montrer des signes annonciateurs que ses souffrances ne faisaient que commencer. Son esprit n'était pas en reste, préoccupé par ce qui venait de se passer et de se dire, Calypso se retenait de fondre en larme. La première tentative avait échoué, Brigit s'était vite questionnée sur la véracité de leur histoire.

Si une simple paysanne timide comme elle peut le deviner, quand est-il de seigneurs ?

Thomas Leiffson d'un ton catégorique refusait tout débat. Dès que la question de vivre avec une personne du Don fut mise sur la table, la conversation était perdue. Comment pouvaient-ils seulement espérer qu'il en serait autrement plus loin ? Pourtant il le fallait, espérer. Il fallait s'y accrocher coûte que coûte pour ne pas sombrer dans la folie. Car c'était bien la folie guettant la jeune fille en proie avec ses doutes et ses inquiétudes qui ne parvenait à trouver sommeil mais lui fallait-il pour ne pas y succomber s'endormir et se laisser faire, ou bien lutter jusqu'à la première lueur ? A demis-consciente, Calypso lutta bravement jusqu'au petit matin mais peut-être s'était-elle laissée emporter par le sommeil quelques-fois avant.

Le frémissement des feuillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant