Chapitre 4 :

6 0 0
                                    

Juchée sur son trône de racines sculptées, la déesse Inory regardait paisiblement les feuilles de l'arbre au-dessus d'elle. Elle plissait en vain les yeux depuis des centaines et des milliers d'années mais jamais elle n'en n'avait vu le sommet. Aussi grand qu'âgé, tout au bout de son énorme tronc sa cime grignotait les nuages. Installée sur des ornements sculptés à même la base du frêne, siégeait Inory. Les racines tels des doigts gigantesques rampaient sur le sol avant de s'y enfouir pour réapparaître plus loin, des ronces; des rosiers ainsi que plusieurs espèces de buissons emmêlées ensemble semblaient danser autour du trône boisé et du tronc de l'arbre. La déesse semblait ne pas les craindre, si on observait bien, l'inverse se révélait surprenant : les ronces se rétractaient sur son passage et les roses rivalisaient en se colorant de couleurs plus vives et plus profondes les unes que les autres. Sur son trône, la déesse se reposait dans sa forme primitive, l'essence même d'Inory : celle d'un grand chat de taille à peu-prêt humaine, pouvant se tenir debout sur ses pattes arrières. Sous une étrange tunique composées de lierres et de diverses fleurs rouges ainsi que de feuilles de vignes, apparaissait son pelage gris clair. Les poils entourant sa tête et son cou lui dessinaient une soyeuse crinière blanche dissimulant presque ses yeux verts profond. Ornée d'une orchidée à la blancheur irréelle, un bâton de lianes et de chanvres tissées très serrés reposait contre le trône sur le quel Inory attendait.

Fermant les yeux pour profiter d'un sentiment d'envol grâce au vent soufflant dans les feuilles, la déesse eu une moue réprobatrice lorsque le dieu Hatsuyo envoya un éclair éblouissant se divisant en deux filants en direction de l'occupant d'un autre trône. Alors que les véritables couteaux électriques allaient frapper Thar en pleine poitrine, il esquissa un sourire dont lui seul connaissait la signification et deux monticules de terre surgirent du sol absorbant les projectiles survoltés. Un instant figé en l'air dans un signe de défit provocateur, la terre finit par retomber doucement sur le sol dans un contrôle exagérément lent. Hatsuyo laissa échapper un léger grondement d'agacement ou de plaisir, les pics qu'il lançait à Thar n'atteignait pas souvent son rival, pourtant cette fois il pensait y arriver. Tapotant énergiquement la terre sèche sur laquelle il siégeait, il attendait passif tel une accalmie. Occupant un trône beaucoup trop grand pour lui, Hatsuyo semblait pour ainsi dire : minuscule. Il ne pouvait atteindre les accoudoirs qui semblaient être des montagnes pour lui, mais toutes cette terre qui l'entourait servait à canaliser son pouvoir lorsqu'il tonnait, ou qu'il s'emportait un peu trop. Humain avant d'accéder à la très exceptionnelle ascension, le dieu de la foudre apparaissait donc ici sous sa véritable nature : un homme d'une quarantaine de cernes, les yeux pétillants. Ses cheveux tirant sur le blond coupé très court contrastaient avec sa barbe fournit mais entretenue. Occupant sa place depuis la déchéance du précédent occupant défait pendant le "Grand Schisme" Hatsuyo n'avait pas voulue remodeler le trône, symbole de puissance et fermeté. Si au début son apparence humaine lui valut les rires de ses nouveaux semblables et ses pouvoirs ainsi que sa légitimité contestée, sa détermination et son acharnement à vouloir effectuer le même travail sinon mieux que son prédécesseur, fit taire les moqueries et naître l'admiration.

Lévitant au-dessus du sol, Thar fixait Hatsuyo de deux de ses yeux de grenats, le troisième œil semblait surveiller Inory, une crevasse rappelant les craquements de la terre sèche lui dessinait une sordide bouche Formé d'une multitude de plaques de terre ou de roches en légers mouvements, a priori aléatoire, son corps évoluait constamment. Sa "peau" fluctuante empêchait toute observation prolongée du phénomène. Des volutes de fumées chaudes s'échappaient des fissures limitant les démarcations des différents éléments. Celles passant sur sa poitrine se teignaient d'une couleur vive et lorsqu'elles bougeaient, elles laissaient entrevoir le feu brûlant enfermé tant bien que mal dans sa prison de pierre. En guise de jambes, une sorte de tornade de poussière le reliait au sol, tout autour de lui l'herbe et la terre formaient une grande zone circulaire dégagée de toutes pierres ou plantes précédemment arrachées violemment comme après une tempête.

Le frémissement des feuillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant