Au premier regard, on se saurait dire qui du cheval ou du cavalier semblait le plus recourir à la mauvaise foi pour avancer. La monture ne cessait de renâcler sous les parures royales excessivement chargées, alors même que le capitaine Lombange ne faisait rien pour la presser. Néanmoins coincés dans une vague luxueuse de soieries de tissus en toutes sortes et d'extravagantes dentelles mouvante tout autour d'eux, les deux pauvres âmes perdues n'avaient d'autres choix que de continuer à suivre le rythme marqué d'un pas inexorablement déjà lent.
A ce rythme-là on assistera non au mariage du prince mais à son enterrement...
Pourtant on l'avait prévenue : il devait accompagner le prince, oui, mais le prince serait accompagnée de sa suite et d'une garde rapprochée. Pourtant jamais le capitaine n'aurait imaginé se retrouver submergé par autant d'armures dorées à la fois. Et lorsqu'il regardait derrière, le nombre de gens suivant le prince Chavaron semblait au moins deux voir trois plus grands.
De la folie, pensa-t-il en grinçant des dents. Mais au moins personne n'est choqué de ne pas me reconnaître. Tous pensent juste que je viens d'une autre promotion qu'eux.
Le capitaine se redressa sur sa scelle pour tenter d'apercevoir le début de la colonne, celle-ci débutant bien trop en avant, il ne put observer que bien plus de chevaux et de casques dorés qu'il aurait bien voulu en voir.
Quel cauchemar, se retrouver coincé aux milieux de ces orgueilleux gardes alors qu'ils sont en pleine mission...
Ryda avait bien tenté à quelques occasions de lancer une discussion ou de sortir deux ou trois blagues de bon goût, du moins du sien, mais il ne réussit à se récolter que des regards noirs. Ces grands hommes bien trop occupés à réaliser leur tâche : escorter le prince jusqu'a Ormécume, il était de toute évidence qu'ils ne pouvaient se permettent de lâcher leur attention sur....la route.
Levant les yeux au ciel, l'intrus parmi les gardes dorés ne tentait plus de dialoguer avec ses lumineux bien que sinistres compagnons de route. Il ne fallait surtout pas se faire repérer ni attirer les soupçons. Tout ce qu'il avait à faire c'était ressembler à un Garde Royal en regardant d'un air sérieux et concentré l'horizon se profilant au loin. D'un geste automatique marqué par l'habitude, le capitaine tenta de lisser son éternelle cape violette tombant sur le devant de son torse mais sa main percuta le métal doré le recouvrant. Soupirant, l'homme regrettait de devoir porter en plus de la traditionnelle armure excessivement voyante des gardes royaux leur cape blanche finement brodée avec un fil rappelant sans équivoque la couleur des gardes du symbole de leur ordre.
Risquant un rapide coup d'œil vers l'arrière ( Ryda fut surpris de voir qu'apparemment les gardes royaux ne regardaient jamais derrière-eux en selle), le capitaine se désola de ne pas se trouver parmi la foule hétéroclite formant le reste du cortège royal. Si les fiers nobliaux accompagnants le prince se détachaient des autres montés sur leurs destriers aussi ostensiblement parés qu'eux, en termes de nombre ils se faisaient largement écraser par ceux les suivants à pieds. Le capitaine ne pouvait s'empêcher de penser que le voyage n'était ralenti que par cette masse de serviteur lente et encombrante. Était-elle seulement utile ? Ryda en doutait fortement. Avait-on vraiment besoin de toute cette logistique pour établir les camps et préparer les repas ? Évidement on allait passer un nombre signifiant de soirées à monter et démonter des bivouacs avant d'atteindre Ormécume puisqu'on devait justement se traîner tous ces gens...
"Conquérir par la force, régner par l'amour", la couronne voulait visiblement souligner sa sempiternelle devise en impressionnant par sa démonstration de sa maîtrise militaire en alignant les flambants gardes royaux, et l'unicité du pays représenté par son troupeau de noble aussi raffinés qu'élégants. Il en a toujours été ainsi, Ségation étant connue pour être un pays neutre et pacifique, ses différents souverains successifs n'avaient jamais perdu ne serait-ce qu'une occasion de rappeler qu'elle bénéficie elle aussi de soldats formés et prêts à défendre leur pays pour refroidir les ardeurs susceptibles de naître dans certains esprits trop ambitieux.
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Le frémissement des feuilles
FantasyLe vent souffle sur Hyria et ses différents pays comme il a toujours soufflé, pourtant pour quiconque sait écouter, le bruissement des arbres semble chuchoté une sinistre mélodie. Deux sœurs se trouvent prises au piège dans un pays intolérant et ré...