"Au départ il n'y avait rien. Seule était Sochianna recroquevillée sur elle-même. Le vide, l 'ennuie et la mort était son infini quotidien. Un jour lassée de son sort elle libéra ce qu'elle ressentait et qu'elle ne pouvait plus contenir. Les larmes coulèrent sur ses joues alors qu'elle pleurait. Ainsi elle créa le son et la vie. Ainsi tout commença. ~(Le livre des dieux, Chapitre 1-La création des mondes)"
Fièrement monté sur son cheval, Victor Nahor dominait la place du village de "L'Ours-Qui-Court". Malgré les rides courant sur son visage, ses vifs yeux noisette transcendaient les habitants regroupés devant lui. Sa barbe brune et drue avalait ses joues ainsi que son menton, ses cheveux tout juste grisonnant tombant dans son cou et sur ses épaules sous forme de deux tresses. Il bomba son torse et releva la tête pour parler, sa voix grave portant sur toute la place chacun l'écoutait avec la fièvre de l'excitation. Si d'habitude c'était le chef patient prenant notes de leurs revendications et organisant la vie du village, c'était aujourd'hui l'homme qui allait les mener dans une chasse prometteuse et honorifique. Captivés par son discours, les villageois n'osaient ni bouger ni parler, attendant patiemment la fin de son allocution pour réagir.
L'homme reprit une dernière fois son souffle pour insuffler à sa voix le moyen de galvaniser la foule :
"- Allez ! Nous allons abattre ce foutu dragon avant les autres et revenir en héros avec de quoi rassasier nos familles !" acclama Victor.
Le regard pétillant à l'idée de mener ses hommes et d'être enfin de nouveau dans l'action après tant d'années de tranquillité, Victor semblait vibrer d'excitation une nouvelle jeunesse retrouvée. À ses paroles, une cinquantaine d'hommes et de femmes hurla son enthousiasme à l'idée d'aller chasser le bête aperçu au loin au-dessus des cimes par un messager revenu la veille. Les autres les applaudissant avec joie, admiration et une pointe de jalousie pour tous ces chasseurs allant risquer leur vie pour combattre le mal incarné en l'immonde bête.
D'après leurs estimations la créature devrait bientôt survoler la forêt du Corbeau-Gelé, où se trouvait en son centre l'Ours-Qui-Court. S'ils partaient assez vite, ils pourraient l'abattre avant les autres villages beaucoup plus reculés qui ne l'avait d'ailleurs peut-être pas repéré. Tuer un dragon pour l'exploit héroïque et prendre sa viande était un énorme événement. La gloire que le village s'accaparerait alors en combattant une vile abomination du Don, protégeant ainsi la sérénité et la paix au sein des Grandes-Rocheuses. Le seigneur local, Ullrick, ne pourrait que louer leurs prouesses et le petit village rentrerait dans ses bonnes grâces.
Victor serra dans ses bras ses deux filles, Hestia et Calypso, puis grimpa sur son cheval pour mener ses hommes à la clairière où les chasseurs tenteraient d'appâter le dragon. Les villageois qui le suivirent crièrent et brandirent leurs armes, des arcs des lances et des fourches pour la plupart. Tous avaient dans leurs yeux, la lueur de la rage de mettre à terre un ennemi éveillant en eux une haine des plus profonde et féroce. La plus jeune des sœurs se réfugia dans les bras de l'aîné et ensemble fixèrent le dos de leur père bientôt dissimulé derrière ses guerriers et les quelques cavaliers qui s'éloignaient en direction de la forêt.
Les villageois de l'Ours-qui-Court restèrent vigilants: ils avaient les tâches primordiales de le surveiller et de protéger les enfants contre toutes créatures sauvages, ou d'éventuel rôdeurs cherchant à piller leur peu de richesse. Avec la récente apparition du dragon, serait-ce vraiment idiot de craindre l'apparition d'autres bêtes dans ce genre ? Ou même pire : des hommes maudit dans leur chair et dans leur âme par le Don. Ancrée dans tous les esprits, personne n'osait pourtant en parler, sauf peut-être les quelques rares enfants imprudents pensant se trouver loin des oreilles des adultes. En effet même si le calme régnait dans les Grandes Rocheuses et qu'aucune guerre depuis le "Grand-Schisme" n'avait éclatée un climat apaisant et soporifique s'était peu à peu installé. Il était arrivé par le passé que quelques hommes du Don soient venues troubler l'ordre établi fouettant mentalement ainsi les pauvres hommes se pensant à l'abri du mal insidieux. Même L'Ours-qui-Court, village pourtant profondément isolé au fin fond des Grandes-Rocheuses, fut lui-même meurtrit il y a à peine vingt cernes par un de ces drames touchant la région à plusieurs endroits. Les villageois presque terrorisés par l'idée que cela puisse se reproduire se révélait extrêmement prudent faisant monter d'un cran la psychose générale lorsque quoi que ce soit arrivait au village. L'éducation des enfants a par la suite de ces terribles faits accentué la haine et la peur de l'utilisation du Don, considéré comme facilité et paresse, les encouragent à développer leur force physique, au contraire saine et honorable. Les parents inculquaient aux jeunes que seuls la vigueur et la détermination avaient réussi à repousser les êtres malfaisants hors de leurs frontières et même, par le passé, écarté l'influence néfaste des entités maléfiques s'appelant eux-mêmes des « dieux » au-delà des chaînes de montagnes.
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Le frémissement des feuilles
FantasiaLe vent souffle sur Hyria et ses différents pays comme il a toujours soufflé, pourtant pour quiconque sait écouter, le bruissement des arbres semble chuchoté une sinistre mélodie. Deux sœurs se trouvent prises au piège dans un pays intolérant et ré...