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Busan - Appartement, 04h32

Je me réveille en sursaut, essoufflée.
Je regarde rapidement autour de moi et il me faut une bonne dizaine de secondes avant de me rappeler où je suis. C'est encore une fois que je me réveille couverte de sueur.

Une fois mes esprits revenus, je passe une main tremblante sur mon visage et me frotte péniblement les yeux. Comme chaque nuit, je me penche pour attraper mon téléphone posé sur la table de chevet et souffle en y constatant l'heure qu'il est. Je le repose un peu trop violemment et me rallonge, mais je sais pertinemment que je ne retrouverais jamais le sommeil.

« Putain. », dis-je avant de me lever de la marre de transpiration dans laquelle j'étais allongée.

Il fait une chaleur étouffante, alors je décide de me rendre dans ma salle de bain pour me barbouiller d'eau fraîche. Les mains chacune sur un rebord du lavabo, je me fixe dans le miroir qui se trouve en face de moi. Je suis couverte de cernes. Je pense que ça fait une éternité que je n'ai pas fais une nuit complète. A chaque fois c'est le même cauchemar qui revient. Il est en train de me tuer à petit feu, mais je ne peux tout simplement pas retirer l'image de ma soeur de mon esprit. Pourtant, si je ne rêvais pas d'elle, je m'en serais voulu d'espérer pouvoir penser à autre chose. C'est insensé, comment pourrais-je penser à autre chose ?

Je ferme la porte de la salle de bain derrière moi. Je fais un détour par ma chambre pour récupérer mon téléphone et file dans la cuisine. L'avantage de me retrouver seule c'est que je n'ai pas besoin d'être discrète par peur de la réveiller. Même si, maintenant, ses râles pour me dire de faire moins de bruit me manquent.

Je ne vis pas dans un palace, alors je me retrouve vite dans ma cuisine. J'allume une faible lumière et sors une tasse de mon placard pour mon petit rituel du matin, à savoir : C.C.L.
Café, clope, lever du soleil. Avant, je mettais un réveil tous les matins pour pouvoir observer tout ce rose et cet orange avec des yeux d'enfant. Mais disons que, depuis un certain temps, j'ai mon propre réveil naturel.
Il n'est que 5h00 donc j'ai encore de la marge avant que mon vieil ami sorte de derrière sa montagne.

J'aime regarder le soleil. Il m'apaise et me remplit tant bien que mal de couleur pour la journée. Si je devais me réincarner en quelque chose, je voudrais être un soleil comme celui qui veille sur cette planète. Il fait mal à regarder, mais il nous réchauffe et nous remplit d'énergie. Et surtout, il n'aime pas qu'on le regarde de trop près.

Je m'assoie confortablement dans mon canapé qui est tout sauf confortable, mon téléphone à la main. J'ai un second rituel tout aussi sympa : vérifier si l'hôpital m'aurait par miracle contacté pendant la nuit.

« Toujours pas. », dis-je à haute voix, comme si quelqu'un attendait cette réponse avec moi.

Pour la deuxième fois ce matin, je pousse un souffle devant mon écran. Je ne cesse de me répéter qu'il faut que je sois patiente, mais ce n'est honnêtement pas dans mes cordes. C'est comme si, chaque matin, l'absence de réponse tirait un peu plus sur un fil qui ne va pas tarder à casser. Et j'ai peur de ce qu'il va se passer lorsque celui-ci va se décider à céder.

Je sens que mon pouls s'accélère et que mes mains se mettent légèrement à trembler. C'est exactement la même sensation qu'à mon réveil. J'ai l'habitude de ce genre de situation et, pour mon plus grand plaisir, je sais quoi faire.

Je lève mes fesses du béton sur lequel j'étais assise et me précipite sur mon paquet de cigarette, en évidence sur ma table. J'en sors une, que je glisse d'une main fébrile entre mes lèvres. J'ai l'impression que le temps s'est arrêter, que je vais exploser et que je manque terriblement d'oxygène.

C'est moi ou il fait vraiment chaud ici ?

Attrapant mon briquet sur la même table, je fais de grands pas jusqu'à ma fenêtre. Je l'ouvre et souris presque au contact de l'air frais sur ma peau bouillante tellement c'en est jouissif. Et pourtant, je ne perd pas de temps à allumer une nouvelle source de chaleur. Et c'est en tirant ma première taffe que je peux à nouveau respirer à pleins poumons. J'ai l'impression de flotter et d'avoir repris le contrôle de mon corps. A ce moment précis, je ne pense plus à rien. Je prend juste le temps de fumer la seule chose qui me permet de me calmer. C'est simple, à chaque montée de stresse, je ressens le besoin d'expirer cette bouffée de fumé. Je ne suis pas particulièrement fière de dépendre de ce genre de chose futile, mais je ne suis pas à la rechercher d'une autre solution pour autant.

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Busan - Centre-ville, 11h08

Une fois ma matinée passée et ma douche prise, j'ai sauté sur mon vélo pour me rendre sur mon lieu de travail.
Je suis serveuse dans un restaurant pas mal chic en plein centre-ville. L'ironie de la chose c'est qu'une pauvre travaille dans un restaurant de riches. Bien heureusement, j'ai évité de mentionner ma situation financière. Ils avaient simplement besoin de quelqu'un avec un minimum de compétence dans le métier après tout.
Le restaurant est à une vingtaine de minutes de chez moi et puisque je n'ai pas de voiture, opter pour un vélo était parfait.

Il fait une chaleur à en crever dehors. Heureusement, la vitesse de mon vélo me permet de recevoir de l'air moyennement frais.

C'est à ce moment précis que ça m'a frappé.

Cette sensation si familière et pourtant si inconnue.

Je m'arrête net.

Cette impression de vide absolu, être dans un état second.

Ça ne me fait pas mal, c'est plutôt comme si on aspirait mon corps et mon âme en même temps. Puis tu ne sens plus le sol sous tes pieds et, pendant quelques secondes, tu as l'impression de ne plus exister, de ne plus être là.

Parce que c'est ce qui va bientôt se passer.

C'est comme si cette violente réalité me rappelait qu'elle était toujours là et me narguait d'où elle était.

Je sais que c'est pour bientôt.

Je me donne 2 jours, à tout casser.

Je reviens d'un coup à moi.
Décidément, je ne m'habituerais donc jamais à ça.
Je prend une grande inspiration et remonte sur mon vélo.

Ce n'est pas une situation à laquelle je suis étrangère et je sais que je ne peux pas fuir cette réalité-là.

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Busan - Centre-ville, 14h56

C'est fou le monde qu'il y avait aujourd'hui. Je dirais même que c'était mon plus gros service. Mais c'est franchement cool de se dire qu'on a finit notre journée à 15h. En fait, je ne travaille le soir qu'un jour sur deux. Plutôt sympa venant d'un resto à cheval sur les bonnes manières.

J'ai beau être quelqu'un de singulier, une fois que je passe le seuil de la porte d'entrée du restaurant, je deviens une tout autre personne : une femme souriante, polie, voire même gentille. Je dois absolument garder ce job alors je m'en fou si je dois prétendre être quelqu'un d'autre.

Je profite généralement des après-midis où je ne travaille pas pour rendre visite et tenir compagnie à ma deuxième source de chaleur. C'est donc un après-midi sur deux que je me rend hôpital St.Mary, 4e étage, chambre 302.

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Busan - Hôpital St.Mary, 15h32

Je pourrais citer tous les prénoms des infirmières et infirmiers de cet hôpital vu le temps que j'y ai passé. Et même avec les heures incalculables que j'ai passé dans cette chambre, je ne peux toujours pas me résoudre à y entrer tout de suite. J'ai belle et bien ma main sur la poignet de la porte mais je ne rentre pas. Je me pose milles et une questions et, même si je sais que je réfléchis beaucoup trop, c'est plus fort que moi.

Et si c'était la dernière fois que je la voyais ?
Et si c'était la dernière fois que je voyais ma soeur ?

A suivre...

𝗖𝝝𝗡𝗧𝗥𝝝𝗟 || j.jkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant