Toziette (Henry Bowers)

Chapitre 14

Chapitre 14

Plus les jours passaient, plus Jane était à l'aise avec Henry. Elle le voyait trois fois par semaine le lundi, le mardi et le jeudi, et plus les cours avançaient, plus elle arrivait à s'entendre avec lui. Il y avait toujours une distance entre les deux adolescents, mais Jane comprenait un peu mieux le garçon et avait de moins en moins peur de lui.
Plus aucun membre de la bande ne l'avait approché, et mis à part les regards mauvais que lui lançait Patrick elle n'avait eu aucun problèmes aux lycée. Henry lui avait affirmé qu'il s'était arrangé pour qu'il ne soit jamais seul au lycée, ce qui était rassurant.
Une routine s'était instaurée dans leurs cours, ils ne parlaient pas beaucoup, elle s'installait au bureau, expliquait les leçons de maths et se mettait à faire ses devoirs pendant que Henry faisait ses exercices. Ils faisaient une pause dans le jardin, ou Henry fumait en buvant une bière, alors que Jane le regardait faire. Parfois ils faisaient de l'humour, mais c'était plus souvent en silence.

Ce mardi soir, Jane partit plus tôt, parce que son père ne pouvait pas venir la chercher. Il avait une convention de dentistes, pour tester les nouveautés en matière d'outils et de médicaments. Elle ne savait pas réellement en quoi ça consistait, mais elle savait qu'il détestait les représentants pharmaceutiques, et qu'il n'aimait pas laisser son assistant seul au cabinet pendant trop longtemps.
Jane aimait bien marcher dans Derry, elle pouvait profiter de l'air extérieur et se servir des cours d'ornithologie de Stan pour reconnaître les oiseaux. Mais ce soir, Jane se sentait observée. Les bruits de la nature semblaient différents de d'habitude, les craquements des branches, le bruissement des feuilles dans le vent, tout. Tout semblait différent.
Elle n'avait pas l'habitude de marcher sur cette route, ce qui expliquait sûrement toutes les différences qu'elle remarquait.
Après avoir marché un moment, elle fut rejoint par un chat, qui se laissa caresser avant de sursauter en entendant une branche craquer et de partir en courant. Jane le regarda s'éloigner, rapidement, comme s'il fuyait quelque chose. Elle fixa le point où il avait disparu jusqu'à ce que les craquements de branches se fassent plus nombreux et rapprochés. Elle sursauta à son tour quand quelqu'un sortit des buissons par lesquels le chat était arrivé.

Patrick Putain de Hockstetter.

"Tiens ! Ne serait-ce pas ma loser préférée ?"

Elle n'avait pas rêvé plus tôt. Le garçon était devant elle, lui bloquant le passage, un grand sourire collé sur son visage.
Il commença à s'avancer vers elle.

"Ca fait un moment qu'on ne s'est pas vu dis moi." Son rythme était lent, mais l'écart entre eux se réduisait considérablement à chaque pas. "En même temps, les gars ne me laissent pas une seconde à moi." Il s'arrêta à une distance raisonnable, Jane n'avait pas osé bouger. Fuir était inutile et risquait juste d'énerver Patrick. "A cause d'eux je n'ai même pas pu venir te dire bonjour depuis la dernière fois." Son sourire s'agrandit, c'était terrifiant.

Jane était tétanisée et regrettait de ne pas avoir fuis en même temps que le chat.

"Tu viens de chez Henry ?" Il plaça ses mains dans ses poches avec désinvolture, et se pencha pour que leur regard soit au même niveau.

Jane se tendit encore plus.

"Non. Je ne sais même pas où il habite."

Elle mentait, mal.
Très mal.

Le garçon rit. Le rire dénué d'émotions, dont il avait le secret.

"C'est marrant. Parce qu'il vit vraiment très près d'ici, et toi pas."

Il recommença à s'approcher. Jane avait envie de pleurer, et c'est en essayant au maximum de cacher sa peur - elle ne voulait pas lui donner cette satisfaction-, qu'elle lui dit.