Chapitre 15

366 14 6
                                    

Chapitre 15

Jane hésita un instant, elle était devant la maison de Bowers depuis maintenant cinq minutes, réfléchissant si elle devait, ou non, entrer. Le garçon ne lui avait pas réellement parlé depuis qu'il l'avait attaquée dans la rue.

La fin de semaine après l'agression avait été la pire pour la jeune fille. Même si Henry n'était pas entré en contact avec elle, le reste de la bande avait pris le relais, comprenant sûrement la menace de leur chef comme une carte blanche pour reprendre le harcèlement.
Plus violemment.
Plus intensément.
En seulement deux jours de classe, elle s'était retrouvée balancée contre des casiers pas moins de quatre fois. Ils attendaient que les couloirs du lycée soient bien pleins, pour la pousser violemment contre les murs, sans être vus par les enseignants. Elle n'avait pas compté le nombre de croches pieds qu'elle avait subi, ni le nombre de fois où elle était tombée. Elle ne pouvait plus faire un pas dans le lycée, sans se faire insulter, ou menacer et elle s'était fait voler certaines de ses affaires qu'elle avait retrouvées dispersées dans les poubelles du lycée.
Comme si elle avait subi en deux jours, les presque deux mois de harcèlement qu'elle avait évité grâce au marché conclu avec Henry.
C'était sans parler des cauchemars.
Ses cauchemars ne s'étaient pas calmés, elle continuait de voir Patrick dans sa chambre, mais depuis mercredi, il était parfois accompagné de Henry, son couteau à la main, prêt à lui aracher les ongles au moindre mouvement suspect. Elle ne pouvait pas fermer les yeux sans en voir un des deux la menacer.
Donc elle ne dormait pas.

Elle en avait parlé avec Stan et Beverly, désormais au courant d'autant de détails que Stan, et tous les deux lui avaient vivement conseillés de ne jamais retourner chez Henry et d'en parler à Wentworth dès qu'il serait de retour de son séminaire de dentistes.
Jane aurait été d'accord avec eux. Elle aurait même demandé à aller dans un internat loin de Derry, si elle avait pu éviter la présence, quasi constante, de la bande dans son dos.

Mais il y a un mais. Il y a toujours un putain de mais.

Le vendredi, Jane avait été rassurée par la fin des cours. Le Bowers gang avait décidé de louper la dernière heure de cours, ils n'étaient donc pas à la sortie du lycée pour régler des comptes, ou s'en prendre à des plus faibles, comme à leur habitude, et la jeune fille avait alors pu passer par son casier sans se faire bousculer.
Henry ne lui avait pas parlé depuis leur rencontre, ce mercredi, mais il lui avait quand même laissé un message.
Quand elle avait ouvert son casier un bout de papier, un coin de feuille déchiré d'un cahier, avait volé à ses pieds. Avant même de le lire, elle avait reconnu l'écriture tremblante du garçon, elle avait suffisamment corrigé ses devoirs pour la reconnaître au premier coup d'œil.
Le message était court. Une ligne.

Je t'attends quand même lundi.
H.

Il n'y avait pas besoin de plus de mots. Le message était clair, ce n'était pas une demande, ni un ordre. C'était un fait. Il l'attendrai.

C'est comme ça qu'elle se retrouva devant chez lui, à ne pas savoir si elle devait y aller, ou juste rentrer chez elle et espérer que tout le harcèlement s'arrête, et que les harceleurs se lassent.
Elle ricana.
Ils s'en prenaient à Richie et ses amis depuis près de cinq ans sans s'en être lassé.

Elle ne voulait pas être seule avec Henry pendant près de deux heures, elle ne voulait pas être seule avec Henry tout court.
Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour pour rentrer chez elle, la porte s'ouvrit. Henry voulait apparemment sortir fumer devant la maison. Il avait sa cigarette entre les lèvres, un briquet dans une main, la poignée dans l'autre, et à en juger par la tête qu'il faisait, il était surpris de la voir.

"Hey Toziette ! T'es en retard, j'avais perdu espoir de te voir."

Il ne semblait pas en colère, mais sincèrement surpris. Jane n'osait pas vraiment bouger, elle s'était déjà préparée à partir, mais maintenant qu'il était en face de lui, elle ne pouvait pas fuir comme ça.
Voyant qu'elle ne bougeait pas, Henry plaça sa cigarette derrière son oreille et rangea son briquet avant d'attraper Jane par le poignet pour l'amener dans sa chambre.
Dans la pièce, elle s'assit à la même chaise que d'habitude. Henry la fixa, la jeune fille avait la tête baissée et elle n'avait pas dit un seul mot depuis qu'elle était arrivée, et il savait pourquoi.

Toziette (Henry Bowers)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant