Chapitre 2

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La voiture se fraye un chemin entre les arbres sur les sentiers anciennement boueux en temps de pluie. Aujourd'hui le temps est chaud, je regarde la végétation s'en aller derrière moi laissant apparaître les petites maisons aux couleurs estivales, chaudes du village dans lequel j'ai grandi. 

Un petit pincement se fait dans mon cœur dès lors que je vois disparaître le panneau d'entrée dans le petit patelin. J'ai peur, peur de me retrouver entouré de cette noirceur et pourtant j'ai en partie grandi avec. 

-Alors, prête à pénétrer dans l'antre des ours miss ? Me provoque Karl avec son ton moqueur comme il a l'habitude d'utiliser en s'adressant à moi.

-Elle est déjà effrayée Karl, laisse la tranquille ! Rétorque de manière virulente Elias qui n'aime pas beaucoup que d'autres personnes mise à part lui et mes autres frères, s'amusent à me faire peur. 

De mon côté, je décide de l'ignorer. Je le fais toujours lorsque ce fichu chauffeur ouvre sa bouche un petit peu trop. Je pourrais lui cracher ce que je pense mais ce serait en vain. Une fois, j'ai essayé, je lui ai dit mais il m'a rit au nez tout en continuant de m'embêter. À cet âge un peu bête qui est de dix ans, je l'avais dénoncé à ma mère qui lui a fait la leçon puis j'ai fini par le dire à mon père. Malheureusement, Karl est une personne que mon père affectionne tout particulièrement, il a en lui une parfaite confiance, c'est pour cela que c'est lui qui est chargé de nous emmener où l'on veut ainsi que d'assurer ma sécurité. Je dis bien ma puisque d'après mon cher papa, mes frères n'en ont pas le moindre besoin contrairement à ma personne. 

Le trajet est beaucoup trop court, j'aperçois déjà le bâtiment blanc. Il me fait sourire, l'architecture est tellement épurée, simple, lumineuse mais elle accueille tout son contraire. La boule qui s'était formée dans mon bas ventre depuis le début de matinée, s'agrandit, je stresse. Mon regard accusateur se porte vers le chauffeur, je parie qu'il l'a fait exprès ! Il a accéléré, ce n'est pas possible autrement. C'est comme si la trentaine de minutes s'était écoulée en seulement deux. 

On approche, trop rapidement, trop près. Mon bourreau de toujours se gare juste devant le gigantesque bâtiment. Je souffle bruyamment ce qui a le don de me faire remarquer par le châtain qui se tourne immédiatement vers moi. 

-Alli reste près de nous, les personnes ne t'ont encore jamais vu, ils vont vouloir te tester alors ne t'éloigne pas de trop et reste méfiante, m'averti Elias, qui dépose sa main sur mon genou afin d'y exercer de grands cercles à l'aide de son pouce. 

Je pose alors ma main sur la sienne, elle est si petite comparée à la sienne. Je le regarde un instant avant de prendre la parole.

-Ne t'en fais pas pour moi Eli, je vais m'en sortir 

Je le supplie du regard afin qu'il comprenne le double sens de ma réplique. Je me sens en sécurité avec mes frères c'est vrai mais c'est étouffant d'être constamment sous surveillance et ça je ne le supporte pas. 

-Alli.., grogne-t-il sûrement mécontent de ma réponse mais je ne lui laisse aucune chance d'en dire plus. Je ne veux pas me quereller avec lui, cette journée me paraît déjà assez épuisante comme ça.

Karl s'étant déjà extirpé du véhicule m'ouvre la portière, je descend alors en le regardant, sûrement pour ne pas voir les regards tous braqués vers ma personne. 

-Merci..murmurai-je à l'intention de mon chauffeur et bourreau. 

Il se contente de me faire un signe de tête poli et referme la porte directement derrière moi, m'empêchant de retourner me calfeutrer dans ce véhicule qui me sert de barrière protectrice entre ce monde et moi. Je tourne la tête afin de trouver mes deux colosses, j'aperçois Travis entrain d'aider la jeune femme à descendre de la moto ce qui me fait sourire. 

Allison Grayson Scott : Entre quatre mains  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant