~ CHAPITRE 3 ~

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Sur le chemin du retour, un frisson amer me traverse, et je me remémore l'impression brève et confuse qui m'a accompagnée en début de soirée. Cette sensation d'être épiée et observée. Ma bête est aux aguets. Depuis quelques jours, mon instinct animal me signale une menace dont j'ignore la provenance, un danger rôde. J'accélère le pas tout en développant au maximum mes sens. Olfactivement, je ne détecte rien ; visuellement, non plus et auditivement rien d'anormal. Il y a quelques passants autour de moi mais aucun n'a l'air suspect. Je tente d'apaiser ma bête, mais elle pousse subitement un grognement menaçant. Je me retourne d'un bond, mais une seconde trop tard.

- Trop lente.

Au détour d'une rue, je suis aspirée dans une ruelle. Un individu, au vu de sa force, sûrement un homme, me bâillonne et me tire vers lui. Ma bête rugit dans mon thorax. Eh merde, pas bon ça. Lorsque je reprends enfin mes esprits, je gronde et ma tête part directement en arrière et vient percuter son visage. Au son du craquement et de son gémissement pitoyable, je lui ai sans doute fracturé le nez. Bien fait pour toi. Par réflexe, en voulant vérifier l'état de son nez, il relâche la pression qu'il avait mise sur ma bouche, j'en profite pour lui mordre la main, mes dents ayant fait place à des crocs bien aiguisés. On est capable de se transformer partiellement: mes ongles s'étirent en griffes affûtées et mes dents s'allongent en crocs acérés. Déstabilisé par mes coups, il se laisse surprendre lorsque je me baisse brusquement en effectuant une torsion du buste, j'entraîne son bras droit dans mon mouvement et me retrouve dans son dos, son membre coincé, formant un angle particulièrement douloureux. Je le plaque fermement contre le mur crasseux de la ruelle.

- Qu'est-ce que tu me veux ?
- Je sais qui tu es, sale monstre. Tu n'aurais jamais dû exister.

Crétin. Je sens sa peau trembler sous ma poigne alors qu'il tente une transformation. Je le lâche pour éviter de me retrouver broyé, et recule de plusieurs pas, toujours sur mes gardes, ma bête guettant la moindre faiblesse de son adversaire. Des poils poussent sur sa peau pendant que ses membres se changent en pattes. L'homme a fait place à un serval, avec sa petite taille, ses longues pattes minces, sa queue épaisse et ses grandes oreilles: il devait mesurer à vue de nez soixante centimètres au garrot, et peut-être un mètre quarante de longueur. Sa robe beige tacheté de noir, typique des fauves de la savane, ressortait dans ce décor citadin. Nous, les félidés, même sous notre apparence animale, nous conservons notre raison et le contrôle de nos actes. Alors, dès que sa transformation fut totale, il se replia sur ses pattes arrière et se jeta sur moi.

- Allez viens, je t'attends !

Je me plaque au sol pour l'éviter, ramassant quelques égratignures au passage. Aïe, ça pique. Je ne quitte pas mon adversaire des yeux en me relevant, et grâce à cela je remarque qu'il s'apprête à bondir de nouveau. Je patiente... Encore un peu... Et lorsque ses pattes se fléchissent, prêt à effectuer, de nouveau, un saut, je me rue sur lui et essaie de l'immobiliser. Vif, il se retourne dans mes bras et me griffe le buste et l'avant-bras. Des taches de mon sang assombrissent les pavés. Le feulement de rage de mon fauve ébranla la ruelle. Utilisant sa force, je fonce sur le serval, il voulut esquiver mais, étant plus rapide, je pris sa nuque entre mes crocs et le bloquais au sol. Reposant sa gueule à terre, Il se soumit: ma bête bomba son poitrail. Vaincu. Je relâchai sa nuque, et il reprit alors la forme d'un homme blanc, grand, blond et surtout complètement nue. Le désagrément de la transformation.

- Ah, petit fauve, petits attributs ! Je ne suis pas une cible facile lui dis-je avec hargne.

Pauvre type. Étant considérée comme la paria de mon espèce, je me suis entraînée à devenir la plus redoutable des combattantes à mains nues, à développer ma puissance musculaire et mon agilité, plus que quiconque. Seule ma force et ma rapidité m'ont sauvé de multiples raclées. Une félidé albinos, ça ne passe pas très bien: je suis devenue la cible des moqueries et des attaques, ils me considèrent comme quelqu'un de faible. Je vous passe le calvaire que j'ai subi et que je subis encore à l'occasion. Dans vos rêves.

Lasse de ce spectacle, je laisse l'homme-serval, humilié, dans la ruelle et rentre chez moi mettre un terme à cette soirée épouvantable. Je fonce sous la douche puis me désinfecte les plaies et les bandent, si je peux éviter de salir mes draps. Je n'ai pas à me plaindre, je ne sens pratiquement rien. J'ai subi bien pire que ces quelques éraflures.
D'autant que ma guérison est déjà bien entamée grâce à ma condition féline.Toutes les plaies superficielles cicatriseront d'ici quelques heures.

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Serval en multimédia.
J'espère que ce début d'histoire vous plaît bien. N'hésitez pas à me faire savoir vos ressentis.

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