~ CHAPITRE 4 ~

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Quelle heure est-il ?

14h30

Merde. Pourquoi mon réveil n'a pas sonné ? Je me lève d'un bond et pousse un soupir résigné. Il me reste tout juste une heure pour me préparer. Victor est très pointilleux sur la ponctualité; si je peux éviter son éternelle remontrance sur mes retards, ça m'arrangerait. Retirant mes bandages, il ne me reste que de légères boursouflures rouges. D'ici demain, je n'aurai plus rien. Enfilant mon bikini sous une petite robe d'été rouge avec une paire de sandales plates, me voilà prête. Mes lentilles au placard, je ne veux pas les perdre dans le lac. Je ne sors que très rarement sans, mais là, les conditions m'y obligent. Dommage pour le déjeuner, manque de temps, je trouverai bien quelque chose à grignoter au lac. Je pousse la porte d'entrée et une vague de chaleur me saisit aussitôt, fâcheux que l'été se termine bientôt. Le temps est encore très lourd pour une fin de mois d'août. Marchant vers ma voiture, je me sens exposée, sans protection vis à vis des autres, mise à nue, je remarque le jugement dans le regard des passants et des bouches tordues en grimaces. Gardant la tête haute, ignorant leurs œillades, je me presse pour combler mon retard. Après un trajet d'une vingtaine de minutes, je retrouve Victor, somnolant, allongé sur une parcelle de sable. Il est à croquer. J'arrive discrètement derrière lui et je vide ma petite bouteille d'eau sur sa tête en riant. Il se redresse d'un bon, prêt à contre-attaquer. Lorsqu'il me reconnait: son regard noir me transmet tout ce qu'il pense de moi à ce moment précis. Pas bon pour moi ça. Rapide, il me croche une jambe, m'embarque en courant puis me jette dans le lac. Woh, elle est fraîche. C'est à lui de se tordre de rire, je le rejoins de mauvaise grâce. Suite à ma baignade imprévue, mes vêtements sont complètement trempés. Par chance, j'ai lâché mon sac à main sur le sable, au moins un d'indemne. Je retire mes chaussures et ma robe. Le bruit de gorge de Victor et son expression interloquée m'interpellent.

- Bon sang mais qu'est-ce-qu'il t'est arrivée ? S'inquiète-t-il.

Longue histoire mon chou. Je lui raconte en détail ma soirée. Voilà, tu sais tout lui dis-je. Un petit silence s'impose puis il explose; il maudit les hommes, les servals et les ruelles: ça en devient presque comique. Étouffant un rire, je le calme. L'eau bleu cobalt du lac scintillait, le soleil y reflétant son éclat, me donne envie d'aller nager. Parée de mon maillot de bain, je me dirige vers le lac, mes mouvements naturellement empreints d'une grâce féline, attirent quelques regards aguicheurs, regards qui me font très plaisir. Peut-être que j'en choisirai un pour me tenir compagnie ce soir. Mes formes féminines attirent les humains, malgré mes muscles développés par des heures interminables d'entraînement physique: ceux de mon espèce se rebutent rien qu'à ma condition d'albinos.

Nageant au large, ma bête, joueuse, voudrait pouvoir plonger et sauter dans l'eau: élément qu'elle affectionne tout particulièrement. Frustrée de ne pas pouvoir émerger, je lui partage toutes mes sensations. Notre maladie a forgé une solide alchimie entre la bête et la personne. L'endroit plein à craqué nous bride, plus tard lui fis-je comprendre.

Où est passé Victor ? Mais, j'aperçois au loin, bien caché, un léopard, se détendre très très haut dans un arbre, à l'abri des regards. Bon grimpeur, son corps long et musclé posé sur une large branche, il laissait pendre une de ces pattes arrière dans le vide. Sa tête reposait sur ses larges pattes antérieures, tel un chien. Sa longue queue recourbée vers le haut battant l'air. En soi, une bonne boule de poils de cinquante kilogrammes mesurant un mètre: sa fourrure tacheté de rosette lui permet de se fondre dans un environnement forestier, de couleur dorée. La disposition et la forme des taches sont très variables d'un individu à l'autre. Comme pour les pelages, celui du léopard varie tant en forme, en longueur du poil, qu'en couleur. De loin, sa fourrure me paraissait plus terne qu'habituellement. Étrange. Son ronronnement faisait frémir ses moustaches et son nez rose, ma bête ronronnant avec lui. Pas étonnée pour un sous de le retrouver perchée en haut d'un arbre. Étant d'excellent grimpeur et sauteur, c'est un prédateur furtif qui surprend sa proie en lui sautant dessus du haut d'un arbre et de la tuer d'une morsure. Cette race a la particularité de hisser ses proies dans un arbre pour les mettre hors de portée des autres prédateurs. Je souris et retourne nager vers les profondeurs du lac.

Un mardi après-midi riche en émotion, entre baignades, détente et sieste. Je rentre, lessivée, mon lit m'appelle désespérément. Ce soir, je travaille au Ragnar, de l'ouverture, dix-huit heures, jusqu'à la fermeture, deux heures. Victor étant en congé le mardi, il est resté au lac. Le service se passa très bien, aucune difficulté insurmontable, moins de monde était présent ce soir. La fin de mon service arriva plutôt rapidement, le retour jusqu'à mon appartement se fit sans encombre: malgré mon tressaillement en passant devant la ruelle où le serval m'avait attaqué la veille. Restant sur mes gardes tout du long, ma bête guette et analyse minutieusement chaque mouvement suspect. Elle me préviendrait si le moindre danger est présent.

Malheureusement pour moi et ma fatigue, sur le palier, devant ma porte d'entrée, une odeur suspecte me parvient. Ma bête gronde contre cette intrusion. Comme beaucoup de fauves, nous sommes très territoriaux. J'insère mes clés, et pousse doucement l'abattant, sur le qui-vive, prête à me défendre si besoin. C'est quoi ce bordel ? Abasourdis par ce que je vois, je laisse à ma bête quelques secondes de contrôle. Son grognement terrifiant fit écho à mon désarroi. Un inconnu est venu, chez moi, lorsque je n'y étais pas. Il a détruit mon mobilier. C'est un bordel sans nom, tout a été déchiré. Putain ! Cet enfoiré a même tagué tous mes murs; avec du sang, vu l'odeur !

Crève ! sale monstre !

Je ne me souviens pas avoir sorti mon téléphone pour appeler Victor, ni de son arrivé chez moi, ni de quel façon je me suis retrouvée chez lui, sur lui, dans ses bras, sur son canapé. Il me murmure des paroles réconfortantes à l'oreille, tentant d'apaiser mes tremblements. Une fois calmée, il me demande si je sais qui aurait pu faire ça.

- Bordel, mais je ne sais pas ! Il va payer. M'époumone-je.

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Léopard en multimédia.
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