Prologue

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Les Dieux ont déserté ce monde.

Ce monde parfait qu'ils avaient créé. Ce monde à la surface duquel ils avaient erré, des millénaires durant. Ils s'en étaient lassés.

Les Douze avaient décidé de se retirer dans l'Immatériel d'où ils pourraient observer leurs créations évoluer sans leur bienveillante influence. Mais une trace de leur séjour subsista. Une trace qui allait faire voler en éclat la paix et la tranquillité qui régnaient entre les Hommes, un résidu de leur puissance divine : le moän.

Cette énergie stagnante finit par s'insinuer dans les êtres vivants, dans la Terre elle-même et dans les éléments. Elle propagea la magie des Dieux, attisant convoitises et folles ambitions.

Advint alors une ère pendant laquelle, expérimentant les immenses pouvoirs qu'ils avaient acquis, les êtres investis de cette énergie divine se livrèrent des guerres sans merci. Les mages, des humains que le moän avait rendus immortels, et les nymphes, des hybrides issues de la fusion entre l'essence des Dieux et les éléments, s'affrontèrent sans relâche pour tenter d'affirmer leur suprématie. Mais la planète et sa population furent fortement affectées par ces batailles incessantes, et les Douze eux-mêmes durent intervenir afin d'y mettre un terme.

 Mais la planète et sa population furent fortement affectées par ces batailles incessantes, et les Douze eux-mêmes durent intervenir afin d'y mettre un terme

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Ils instaurèrent entre les nymphes et les mages une hiérarchie fondée sur la passation de serments consacrés. Ces serments leur interdisaient notamment d'attenter à la vie les uns des autres. Avant de repartir, les Dieux dispersèrent les principales nappes de moän qui restaient sur Terre. Les combats devenus inutiles, certains Immortels rejoignirent les Douze dans l'Immatériel, tandis que d'autres s'établirent dans diverses parties du monde, jouant à leur tour le rôle d'observateurs. Du moins pour la plupart...

Ainsi prit fin ce que l'on appela l'Ère du Moän, marquant le début de l'Ère des Hommes. Les derniers résidus du pouvoir divin qui subsistaient ne permirent pas aux êtres d'alors de devenir immortels ni d'acquérir une puissance comparable à celle de leurs prédécesseurs. Néanmoins, ceux que l'on nommait en ces temps les élus du moän purent développer des habiletés physiques ou sensorielles au-dessus de la normale ou montrer des talents particuliers dans la maîtrise de la magie. Ceux qui avaient hérité de ces aptitudes s'en servirent pour conquérir des territoires et asservir leurs pairs.

La transmission du moän se révélant héréditaire, des lignées de dirigeants s'établirent. Au fil des siècles, ils constituèrent l'ordre de la noblesse. Mais il arrivait parfois que des personnes dotées de capacités supérieures apparaissent parmi le peuple. Les garçons qui montraient des prédispositions étaient souvent envoyés auprès d'un seigneur afin d'être formés aux arts de la chevalerie. Les fillettes, quant à elles, pouvaient être vendues à des nobles ou des aristocrates qui souhaitaient s'assurer une puissante descendance.

À cette époque, une terre où le moän était encore très présent se distinguait de la plupart des autres contrées de ce monde. Elle avait vu naître les plus puissants des mages, et nombre de nymphes y avaient élu domicile. Les êtres doués de magie proliféraient et prospéraient en ce lieu.

Ce royaume avait pour nom Argon. C'était une grande île située dans les Hautes Mers et l'une des plus importantes nations du nord. Issu d'une longue lignée de souverains, le roi Felken, monarque sévère et belliqueux, faisait régner la justice d'une poigne de fer. Il avait conquis bien des territoires par-delà les mers et inspirait la crainte parmi les dirigeants des contrées voisines.

 Sur le tard, las de ses expéditions guerrières, il donna à sa reine deux fils légitimes : le prince Uried, héritier du trône, et son frère Voghern

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Sur le tard, las de ses expéditions guerrières, il donna à sa reine deux fils légitimes : le prince Uried, héritier du trône, et son frère Voghern. Tout jeune, le cadet s'illustra par ses impressionnantes aptitudes martiales. À seulement seize ans, il avait réussi l'exploit de battre son maître d'armes, pourtant invaincu jusqu'alors. Un prodige qui serait à l'origine de sa légende. Le prince héritier, loin d'être un piètre bretteur, n'y parvint jamais. Entre les deux frères régnait une jalousie assumée. Uried enviait à Voghern sa puissance et son habileté, et ce dernier enviait la position de son aîné.

Néanmoins, au fil du temps, leur rivalité s'estompa. Avide de combats et de conquêtes, le jeune Voghern ne se rêvait plus en simple monarque assis sur un trône. Il se constitua un groupe de chevaliers d'élite et passait avec eux de longues journées à explorer les Terres Brumeuses : une dimension oubliée, où, depuis plusieurs siècles, une fois par an, on envoyait les prétendants à l'adoubement afin d'y prouver leur valeur.

Le vieux roi Felken délaissa petit à petit ses colonies, déplorant cependant que son héritier n'eût pas, à son image ou à celle de Voghern, la fibre belliqueuse. Nombre de disputes éclataient entre eux, faisant trembler les couloirs du château. Uried souhaitait préparer son règne futur en s'alliant aux mages et aux nymphes. Il songeait qu'il devait y avoir beaucoup de choses à apprendre de ces êtres immortels. Alors que son père affirmait que ces espèces auraient dû disparaître à l'issue de l'Ère du Moän, le prince estimait qu'il fallait considérer ces êtres comme part entière du peuple et de son histoire. Voghern partageait cet avis et s'était mis en quête d'alliances avec des Immortels.

Mais lors d'un solstice d'hiver, en l'absence de Voghern et de nombre de chevaliers, la cité royale fut la cible d'une attaque. Le descendant d'un ancien seigneur d'une île des Bohordes, jadis conquise par Felken, fit déferler ses troupes sur la capitale d'Argon et sur la résidence du souverain. Aidés de puissants sorciers, des centaines d'hommes envahirent la forteresse et décimèrent des milliers de soldats et de civils.

 Lorsque Voghern revint enfin, accompagné de l'Immortel mage Æthred et de ses chevaliers, les têtes de Felken et d'Uried se balançaient au bout de cordes accrochées aux remparts

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Lorsque Voghern revint enfin, accompagné de l'Immortel mage Æthred et de ses chevaliers, les têtes de Felken et d'Uried se balançaient au bout de cordes accrochées aux remparts. Galvanisés par la rage, le prince et son armée forcèrent l'entrée de la cité puis infiltrèrent le château dont ils connaissaient chaque recoin et passage. À l'intérieur, ils découvrirent avec horreur un charnier où les membres arrachés d'hommes, de femmes et d'enfants jonchaient les places et ruelles. Mus par leur soif de vengeance, ils atteignirent la grand-salle où les envahisseurs arrosaient leur victoire. En y pénétrant, ils virent l'usurpateur installé sur le trône royal. Ses pieds reposaient sur les corps sans vie et ensanglantés de la reine et de la jeune promise d'Uried. En proie à une furie incontrôlable, Voghern se précipita vers le trône, massacrant au passage tous ceux qui se jetaient sur lui. Le Bohordien n'eut pas le temps de se saisir d'une arme. L'épée de Voghern se planta dans son abdomen avant même qu'il n'ait pu le réaliser. Le prince le regarda alors se vider de son sang, lentement, pendant que ses chevaliers, aidés d'Æthred, annihilaient le reste des troupes ennemies, ne laissant aucun survivant.

Plus tard, on baptisa ce jour le Solstice Macabre.

Les Élus du Moän - t1. L'Héritage des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant