Le manque - Tate Langdon (3/3)

101 3 0
                                    

Tate se trouve maintenant devant moi, me tournant le dos alors que je peine à tenir sur mes pauvres jambes tremblotantes, comme tout le reste de mon corps d'ailleurs. Je me suis sentie passer si proche de la mort que j'en frissonne encore.

Je vois les épaules de mon sauveur se lever puis s'abaisser rapidement et devine vite la colère qui doit actuellement être peinte sur ses traits d'habitude si doux, si angéliques. J'hésite à intervenir, mais c'est finalement lui qui reprends la parole avant que je ne me décide.

-Si je vois encore une fois l'un de vous lui faire du mal, je n'hésiterai pas à vous faire revivre votre putain de mort autant de fois que nécessaire pour que vous rentriez bien cette information dans votre crâne. C'est compris ?

Nora, que le blond vient de pousser par terre, se retourne vers lui, perdue. Un élan de pitié pour cette femme me prend lorsque j'aperçois toute la détresse enfouie dans ses yeux. Une seule larme déborde, et coule, silencieuse, le long de sa joue piquetée de rouge. Et comme le reflet dans le miroir, je sens le même filet d'eau me frayer un passage le long de mon visage.

Nos regards se croisent, et c'est comme si un fil invisible nous reliait, m'empêchant de détourner mes yeux des siens. La souffrance d'une vie vide de sens, la perte d'un être cher, sa raison de vivre, la tristesse, les regrets... J'ai l'impression d'être à sa place, d'être soudainement rentrée dans sa peau froide et inexistante de fantôme.

Je ne remarque même pas la disparition des autres esprits, tous intimidés par l'adolescent devant moi. Je ne vois pas non plus le regard brûlant d'Hayden posé sur moi, ses lèvres pincées dans l'absence de son habituel sourire mesquin, jusqu'à ce qu'enfin elle se décide à suivre le reste du groupe.

Nora est finalement la dernière à disparaître, et en moins d'une seconde, notre étrange liaison est rompue.

Je dois me forcer à ne pas m'écrouler au sol moi aussi tellement ce moment m'a bouleversé.

Ne reste autour de moi que les autres occupants de la cave, ceux que j'ai rencontré avant l'arrivée de mes agresseurs. Gladys, Maria, Moïra, les Harmon, Lorraine, Chad, Patrick, les jumeaux... J'aperçois même près de l'escalier Rose et Beauregard, ce dernier serrant d'une main sa balle rouge, de l'autre la petite menotte de sa sœur aveugle.

Tate ne se retourne toujours pas vers moi, et je sens qu'il lui coûte de ne pas m'accorder ce regard que je cherche tant depuis maintenant presque 3 semaine. Sans lâcher un mot à mon encontre, je le vois partir d'un pas rapide vers les escaliers, et comme par réflexe, je sens mes jambes se mettre d'elles même en marche pour commencer à courir à sa suite.

-Tate !

Je vis l'action sans vraiment m'en rendre compte. C'est comme si lui parler, le retenir un peu plus longtemps était devenu un besoin vitale pour moi. Comme si mon corps répondait seul à l'attraction du jeune homme sur mon âme. Chaque sensation me paraît lointaine, dénuée de sens, car la seule pensée qui occupe l'entièreté de ma tête, de mon être, se résume à ne pas le laisser partir. Je ne peux pas me résoudre à le perdre une seconde fois. Cette fois-ci, j'ai l'intime conviction que je ne pourrai pas survivre à son absence sans me droguer à nouveau. Je vais perdre le contrôle, encore.

Alors comme dans un rêve, je le suis, sentant à peine l'effleurement de la petite main de Rose sur mon bras alors que je passe près d'elle. Je saute des marches, puise dans chaque réserve d'énergie que j'ai, et fonce tête baissée à sa suite, l'appelant, criant son nom, le souffle rauque et la sueur dégoulinant le long de mon front.

Le monde autour de moi est flou, le mien se résumant au grand blond courant devant moi.

Je le perds de vue un instant, mais je ne sais comment, je sais où il se cache, où il est parti. C'est comme si je l'avais toujours su, et c'est sûrement un peu le cas.

Imagines en tous genresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant