Âpres représailles

Bonus : Cohabitation pimentée

L'insomnie était principalement caractérisée par une activité du cerveau empêchant la sérénité du corps, ce qui repoussait le sommeil. He Xuan en faisait l'expérience de temps en temps. Son appétit insatiable la réveillait au beau milieu de la nuit et ne la laissait en paix qu'après avoir ingéré quelques victuailles. Le plus souvent, elle chauffait un Cup Noddles, sa marque de nouilles instantanées de prédilection, ou dévorait un paquet de biscuits.

La jeune femme souffrait de troubles de l'alimentation. Ces problèmes de nutrition avait commencé dès son enfance à l'époque où sa famille, au fond de la misère, avait à peine les moyens de s'offrir un repas par jour. Quand, elle reçut ses propres revenus, son estomac réclamait sans cesse d'être plein, son corps fut toujours en manque sommant de combler ce vide traumatique. Au fil des années, elle avait réussi à limiter ses envies alimentaires par la cigarette et le café. Toutefois, en pleine nuit, il lui était déconseillé de prendre ces habitudes compensatoires.

Depuis l'arrivée de Shi Qingxuan dans son studio, He Xuan devait faire preuve de plus de discrétion pour se diriger vers la cuisine. Sa chambre n'était séparée de la cuisine-salle à manger que par une fine cloison de bois et d'une verrière pour offrir plus de lumière. Le moindre bruit pouvait sortir sa colocataire de son sommeil léger. Une nuit, sa petite amie l'avait surprise et avait caché toutes ses gourmandises le lendemain en lui sermonnant de ne plus grignoter. Heureusement, elle était du genre patiente et n'avait eu aucun mal à retrouver ses vivres.

La première étape était de libérer le bras que Shi Qingxuan serrait sans la réveiller. He Xuan observa le visage paisiblement endormi de sa petite amie. Cette dernière portait un masque rose de mauvais goût sur les yeux et un ensemble bleu givré et paré de dentelle blanche. Sa tenue nocturne possédait la particularité de faire transparaître sa poitrine, ce à quoi Shi Qingxuan en profitait pour la séduire. He Xuan faisait mine de ne rien remarquer mais jetait quelques coups d'œil discrets et prenait en douce des photos quand elle restait scotchée sur son portable.

Le plus silencieusement possible, elle glissa doucement son bras hors de sa prise. Elle ne fit pas attention à ses arrières et se cogna contre la verrière. Un bruit sourd retentit sur le verre. Shi Qingxuan marmonna dans son sommeil et se tourna vers le mur, étreignant le duvet. He Xuan se frotta le bas du dos, grommela des insultes, remit en place les bretelles de son débardeur en satin et prit son téléphone qui chargeait.

La seconde étape était de se diriger vers le placard de l'entrée – ou plus communément appelé la caverne d'Ali Baba-. Derrière les manteaux et un immense miroir entreposé, d'innombrables paquets de gâteaux, de gaufres et de viennoiseries s'amoncelaient tels des lingots d'or dans une grotte souterraine. Aucun d'entre eux n'étaient ouverts car ceux qui en sortaient finissaient à la poubelle, vidés de leur précieux contenu.

La salive au coin des lèvres, He Xuan sortit deux boîtes de madeleine, afin que ses mastications puissent être assez silencieuse, et s'installa sur son canapé en tissu. Assise en tailleur, Elle recouvrit ses jambes nue par un plaid vert d'eau. Elle reposa son coude sur l'accoudoir et contempla la fenêtre à sa droite. Pour accompagner son repas de minuit, elle mit ses écouteurs à ses oreilles et lança sa playlist « Skillet ». Les accords de basses et le rythme régulier de la batterie firent vibrer sa poitrine et remuer à intervalle régulier ses épaules.

De légères gouttes de pluie s'échouèrent sur la vitre. Les lumières de la ville éclairaient les rues et l'intérieur de la pièce d'une clarté tamisée. Dès l'arrivée de Shi Qingxuan, son appartement s'était personnalisé davantage. Sa petite amie avait ramené de nombreuses décorations telles que des tableaux et des guirlandes colorées afin de créer « un chez soi à deux » selon ses dires. Sa longue table en bois, derrière son canapé, n'avait jamais été aussi en désordre. De la lingerie, des bijoux et accessoires trônaient jusque dans la cuisine et la salle de bain, la présence de la nouvelle colocataire ne passait pas inaperçue. Elle avait été même contraint de déplacer son grand aquarium.