Partie 6 - La discussion.

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« Il m'a parlé d'un labo sous l'hôpital.

— Un labo ?

— Ouais. »

Il vit ses amis lui jeter un regard confus quand il leur dit cela le soir-même au bar avant qu'Ablaye ne se passe une main sur le visage :

« Ok... Et un labo... de quoi ? Il nous en a jamais parlé auparavant de ça.

— J'sais pas, il a parlé d'expériences avant de dériver, comme s'il se rendait soudain compte qu'il n'était pas censé m'en parler, répondit-il en haussant les épaules.

— Et... il a dit autre chose ? lui demanda d'un air inquiet Matthieu et il plongea dans ses pensées afin d'essayer de se rappeler des mots d'Aurélien.

— Il a dit... Il m'a expliqué ce qu'il s'était passé avant qu'il ne soit interné de nouveau ici. L'accident... Enfin, le meurtre de son copain. Arthur.

— Quoi ? s'exclama Claude à ses côtés en faisant les yeux ronds et il se tourna vers lui en se rappelant qu'il n'était pas encore au courant. Qu'est-ce que t'as dit ?

— Oui, le drame... C'est ça, Claude. Il se baladait en forêt avec son copain quand il a déconnecté de la réalité. Et quand il s'est rendu compte qu'Arthur ne le suivait plus en revenant à lui, il a fait marche arrière pour le retrouver. Et c'est là qu'il l'a trouvé, mort, par terre. Alors il pense que c'est lui qui lui a fait ça. Qui l'a tué. C'est bien ça qu'il vous a dit aussi, non ? demanda-t-il à Matthieu et Ablaye et ceux-ci hochèrent la tête.

— Il ne m'en a jamais parlé à moi, répondit Ablaye en se passant une main dans les cheveux. Je l'ai lu dans son dossier seulement. Il y avait écrit qu'il était revenu à l'hospice après le décès de son copain. Je n'en savais pas plus avant que Matthieu me dise ce qu'il lui avait raconté.

— Ouais... Il a bien voulu me raconter un jour, lors d'une de nos cessions... À moi aussi, il m'a dit la même chose. Qu'il pensait que c'était lui et je lui ai dit que c'était faux, sûrement. Il a l'air de tellement croire en sa culpabilité. Apparemment son ancien médecin est allé dans son sens aussi...

— Il m'a dit qu'il était arrivé à l'hôpital avec les vêtements en sang et qu'il pensait que c'était celui d'Arthur. Pourquoi tu penses que c'est faux, Matthieu ? Je lui ai dit la même chose mais... j'en sais rien en réalité.

— Je sais pas trop... balbutia Matthieu en baissant la tête en direction de sa bière. J'ai essayé de creuser un peu lors de nos cessions mais... j'arrive pas à comprendre. À le comprendre. Il fait que me dire qu'il sait qu'il est capable de faire une chose pareille, de tuer quelqu'un, mais dès que je lui demande pourquoi il dit ça, il se tait abruptement. Y a vraiment quelque chose qu'il veut pas que je sache.

— Attendez, vous pensez qu'il a pu le tuer pour de vrai ? demanda Claude à ses côtés et il se tourna vers lui pour lui lancer un regard inquiet.

— Je ne sais pas. Intérieurement, je suis pratiquement convaincu que c'est impossible, qu'il ne pourrait pas faire de mal à une mouche... tenta d'expliquer Matthieu et il hocha la tête. Mais en réalité... J'en sais rien. Je fais que lui dire que c'est faux parce qu'on a pas de preuves... On sait même pas est enterré son copain et aucune enquête ne semble avoir été menée après sa mort alors ça servirait à rien de relancer le sujet... Mais j'en sais rien, putain. J'en suis toujours au même point avec lui et... même si c'était vrai, qu'il avait raison au final... Qu'est-ce qu'on peut faire de plus que le garder ici ? On va pas l'amener à la police, non ? Un an après le drame, alors que personne n'attend rien de cette affaire, alors que même lui ne se souvient de rien... Il dit qu'il est dangereux, qu'il doit être enfermé à vie ici pour ne pas blesser d'autres gens mais... j'arrive pas à le croire. Vous, si ? »

Il resta silencieux, les mots de son ami résonnant dans son crâne. Non, lui non plus il n'arrivait pas à le croire. Aurélien ne se souvenait même pas d'avoir tué son copain, il avait déconnecté de la réalité à ce moment-là alors comment savoir la vérité ? Comment pourraient-ils avoir le cœur net de son innocence tant de temps après ?

« Je crois... aujourd'hui... qu'il a eu peur d'aller dans le jardin... À cause de la forêt qu'il y a à l'extérieur. À cause de ça, dit-il alors en réfléchissant, les sourcils froncés. Est-ce que... Est-ce qu'il y ait déjà allé ?

— Dans le jardin, oui. La forêt, pas à ma connaissance, répondit Matthieu et il hocha la tête à cette réponse.

— Donc ça varie. Sa peur de sortir ainsi. Ça dépend de sa panique. Et est-ce que vous pensez... qu'il pourrait se rappeler s'il allait dans la forêt ? Comme un... flash... de ce qu'il s'est passé ce jour-là ?

— Aucune idée mais je tenterais pas si j'étais toi, répondit Claude et il se tourna vers lui en l'entendant répondre ça. Si la crise qu'il a fait aujourd'hui était aussi grosse que ça, imagine ce que ce sera s'il se rend là-bas et commence à se rappeler du meurtre de son copain ? Qu'il l'ait tué lui ou pas. »

Il ne répondit rien et leurs amis restèrent silencieux de même à leur côté. Que penser à présent ? Il n'en avait aucune putain d'idée.

Fiction OrelxGringe - Asile. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant