Chapitre 6

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C'était une grande salle dont je ne voyais pas le fond remplie... d'adolescents. Ils avaient tous la tête rasée et portaient tous la même combinaison que moi. Dans le coin gauche, des hommes s'affairaient à transporter des cadavres je ne sais où. Dans le coin droit, il y avait des centaines de lits où reposaient des ados blessés ou qui dormaient. Au centre de la pièce, il y avait au moins cent enfants de mon âge qui s'entraînaient sur des mannequins. Au fond de la salle, on entendait des hurlements déchirants derrière une vitre teintée.

Jonathan m'a déposé sur un lit et est parti par la porte par laquelle on était arrivés. J'ai demandé à une fille qui regardait le plafond et qui était juste à côté de moi:

- Où est-ce qu'on est ?

Elle s'est tournée vers moi et j'ai pu mieux l'observer. Ses yeux étaient pétillants mais son regard semblait vague, lointain, éteint. Elle avait des cheveux noirs très courts, comme si elle s'était rasé la tête (ce qui était mon cas) et que ses cheveux avaient commencé à pousser. Ses yeux étaient d'un bleu-vert splendide. Elle portait la même combinaison que moi. La seule différence était que son numéro n'était pas le même. Elle, c'était "0699". C'était le genre de personne avec qui j'aimerais devenir amie. À son allure, je voyais que ça faisait un moment qu'elle était ici. Avec un sourire qui se veut accueillant mais qui est un peu forcé, elle me répond avec une fausse énergie:

- Ah t'es nouvelle toi!

- Oui.

Son ton était plutôt jovial pour quelqu'un qui est enfermé quelque part avec d'autres personnes mais en même temps, j'imagine qu'elle essaie de ne pas trop y penser.

- Je m'appelle Eva et toi ?

- Sophie.

- Pour répondre à ta question, personne ne le sait.

- Et derrière cette vitre c'est quoi ?

- Je ne sais pas. Je sais seulement que quand tu entres là, tu n'en ressors pas.

- Ça fait combien de temps que tu es ici ?

- Euh on perd pas mal la notion du temps ici mais je dirais... au moins 2 mois.

- Quoi?! Comment fais-tu pour avoir l'air d'aller bien?

J'avais percé sa barrière car son sourire s'était effacé. Son expression reflétait maintenant comment elle se sentait réellement. Son regard s'est aussi assombri.

- J'essaie de ne pas les laisser gagner. Peut-être qu'il me retiennent mais je ne les laisserai jamais me briser. Et crois-moi, il faut beaucoup de volonté et il faut être forte si tu ne veux pas que des idées noires commencent à s'immiscer dans ta tête. Tu n'as pas besoin de regarder bien loin pour en voir qui ont déjà perdu espoir.

Seulement en l'écoutant parler, mes chances de m'échapper de cet enfer chutaient gravement.

- Ce qu'il faut que tu saches, c'est que tu dois absolument leur obéir ou tu finiras dans la pièce derrière la vitre. Ils nous entraînent pour je ne sais quoi et des fois, ils viennent tester nos compétences.

- Et c'est quoi la pile de cadavres là-bas ?

- C'est ceux qui n'étaient pas assez forts lorsqu'ils sont passés. Et une fois par mois, on nous emmène voir Rebecca qui nous torture avec ses injections censées nous rendre plus forts et nous faire développer des capacités hors du commun. Mais personne n'en a encore développé. Tu devrais aller t'entraîner. Je peux t'aider si tu veux.

- Oui merci...

Je me suis entraînée avec Eva jusqu'à ce que mon corps tout entier soit couvert de bleus. Elle me dit:

- Si tu ne veux pas finir comme les autres, tu as encore du travail à faire.

Soudain, une alarme retentit dans la salle. Le son était agressant au point de m'en crever les tympans. Je me bouchai les oreilles et Eva m'expliqua que ça voulait dire que c'était l'heure du repas. Sur chaque lit était déposée une gamelle contenant un petit pain et une pomme. On avait également une bouteille de jus énergisant et certains avaient aussi une banane. Voyant mon regard interrogateur, Eva me dit que les meilleurs ont droit à un supplément de nourriture et que les moins bons ont encore moins que ce qu'on a donc il y en a qui meurent de faim.

Après avoir mangé notre repas, des dizaines d'infirmières vinrent avec des chariots de seringues. Je tremblais rien qu'à l'idée d'encore me faire encore injecter une substance dans le corps.

Un petit garçon demanda à une infirmière:«Est-ce que je pourrais avoir un peu plus de nourriture ?». Tous les autres lui jetèrent un regard désolé sachant ce qui allait lui arriver. L'infirmière lui répondit:«Oh mais bien sûr! Suis moi je vais t'en donner». Elle l'emmena dans la pièce derrière la vitre et on entendit ses hurlements déchirants jusqu'à ce que les cris fassent place à un silence inquiétant. Deux homme sortirent le corps sans vie du petit garçon et ils le jetèrent dans le coin où les autres cadavres se trouvaient et où d'autres hommes s'affairaient à sortir les corps de la pièce et les emmener on ne sait où.

Faisant comme s'il ne s'était rien passé, les infirmières injectèrent une substance dans le cou de chacun des adolescents et Eva me rassura en disant que la substance allaient nous faire dormir. Une infirmière approcha sa seringue de mon cou et me piqua d'un geste assuré. Je n'ai même pas eu le temps de dire «ouf» que je dormais déjà.

MutanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant