Chapitre 22

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Et voilà qu'elle se trouvait de nouveau au goûter hebdomadaire de la comtesse Bonneaud. Sa mère avait insisté et elle n'avait pas pu refuser.
Et même si, désormais, elle avait un meilleur titre que la plupart d'entre elles, elle craignait toujours leurs critiques. Ces vipères trouveraient toujours de quoi piquer. Leur venin était sans limite.
Il ne fallait pas faire de vague, se faire oublier, toute petite. 
C'est ce que Nicole se répétait comme un mantra depuis le début des festivités et pour le moment, elle avait réussi à éviter les remarques. Elles étaient, pour le moment, concentrées sur les pauvres jeunes femmes encore célibataires.
Assise entre sa mère et Camille, Nicole écoutait d'une oreille distraite ce qui se disait tout en sirotant son thé. Les gâteaux au sucre impossible à manger trônaient cette fois-ci encore sur la table. Comment diable en manger un proprement ?
Elle sentit un léger coup de coude de la part de sa mère et releva la tête.
Trois vieilles biques la fixaient et Nicole leur répondit d'un sourire mal assuré. L'une d'elle avait dû lui poser une question mais elle n'avait rien écouté.

-Pardonnez-moi...

L'une des dames leva les yeux au ciel et c'est la Comtesse Bonneaud qui reformula.

-Votre mari, Madame Norrington, comment se porte ce cher Monsieur le Duc ?

Ça y est, c'était son tour. La plupart des regards étaient maintenant braqués sur elle et elle déglutit.

-Il se porte à merveille, merci de vous en inquiéter.

-C'est tout à fait prodigieux d'avoir réussi à marier ce coureur, s'exclama Madame Ducan.

Nicole prit une longue inspiration.

-Nous en aurons entendu des histoires à son propos ! Mais aucune n'évoquant de près ou de loin le semblant d'un mariage.

Quelques dames gloussèrent.

-Il faut admettre que le Duc est riche et bel homme. Alors pourquoi diable se marierait t'il ?

Dieu merci elles n'avaient pas connaissance de cette histoire d'héritage. Elles n'auraient pas manqué de la tacler. Plus encore.

-Notre chère Nicole doit posséder un charme que nous ne soupçonnions pas.

Elles parlaient d'elle comme si elle n'était pas là et Nicole comptait bien les laisser faire jusqu'à ce qu'elles s'épuisent.

-En tout cas, cela à fonctionner. C'est la fin d'une ère pour le Duc Norrington. Que cela donne de l'espoir à toutes les jeunes femmes ici présentes. Les miracles existent.

-Oh, intervint madame Bonneaud, je vous en prie ! Vous savez ce qu'on dit, un coureur coura toujours.

Nicole se força à ne pas réagir mais la comtesse sembla se délecter de l'instant. Sa tasse à la main et un rictus mauvais au coin des lèvres, elle s'adressa le plus innocemment du monde à elle:

-Oh n'en prenez pas ombrage, les hommes sont ainsi fait. On ne peut changer leur nature.

Cette fois, la jeune femme répondit avec un sourire plus mauvais encore.

-Non évidemment, et je suppose que vous le savez mieux que quiconque.

Nicole entendit sa mère manquer de s'étrangler à côté d'elle tandis que deux vipères se lançaient un regard éberlué.

-Heureusement que vous êtes là Mesdames, enchaîna Nicole en saisissant résolument un berlingot. Partager votre expérience du mariage nous aide toutes grandement à ne pas se bercer d'illusion.

Personne ne semblait avoir quelque chose à répliquer et sous les yeux des vieilles biques, Nicole croqua à pleine dents dans le gâteau, projetant du sucre un peu partout autour d'elle.

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