Chapitre 18 : Maëlle

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Maëlle avait le cœur serré. Elle accompagnait sa maman à l'hôpital car elle allait à sa dernière séance de chimiothérapie. Cette dernière semaine, elle l'avait trouvé particulièrement affaiblie. Elle était terrifiée à l'idée de la perdre.

Elle ne savait pas ce qu'elle ferait, sans sa mère. Sa mère était la personne qu'elle aimait et admirait le plus au monde. Comme son père l'avait quitté lorsque Maëlle était jeune et avait déménagé à l'autre bout de la France, elle l'avait quasiment élevée seule, envers et contre tout. Elle avait connu les remarques acerbes, venant des personnes qui s'inquiétaient sur le devenir de sa fille qui ne connaîtrait pas « d'autorité masculine » pendant son développement. Elle avait essuyé les regards méprisants des autres parents quand elle venait chercher sa fille à l'école avec du retard car elle se tuait à l'usine pour pouvoir lui payer des jolis vêtements. Elle avait énormément donné à Maëlle. Tous les soirs, alors qu'elle rentrait épuisée, elle prenait quand même le temps de cuisiner de bons repas et de lire un livre avec sa fille pour l'aider à s'endormir. Maëlle n'aurait pas pu rêvé avoir une meilleure maman.

Elle n'avait jamais réalisé la chance qu'elle avait eue, jusqu'à aujourd'hui, alors qu'elle sentait qu'elle pouvait la perdre. Une partie d'elle refusait ce constat. C'était la nouvelle Maëlle, son nouveau personnage fort qu'elle s'était créée comme mécanisme de défense face aux coups de la vie. Une Maëlle qui voulait que sa mère soit fière d'elle afin qu'elle ait la force de se battre. Mais la vraie Maëlle, bien enfouie, était terrifiée. Alors que ces pensées lui traversaient l'esprit, elle sentit les larmes lui monter aux yeux.

Sa maman allait bientôt partir. Maëlle la prit dans ses bras et enfonça sa tête dans son épaule pour cacher ses sanglots. Bien que la mère et la fille aient toujours été mutuellement là l'une pour l'autre, elles étaient très pudiques sur leurs sentiments et ne s'étaient jamais dit « je t'aime ». Maëlle aurait voulu avoir la force de le dire, mais elle ne s'en sentait pas capable. Cela donnerait une tournure trop dramatique à la scène. Alors elle lui fit un câlin en tentant de dissimuler ses reniflements.

« Ça va aller, ma puce, murmura sa mère pour avoir l'air forte, comme toujours. Va donc sortir avec tes amis, va voir ce garçon que tu aimes bien. Profite de la vie autant que tu peux, d'accord ? »

Maëlle acquiesça, sans plus essayer de cacher ses larmes. C'était de sa mère qu'elle tirait ce besoin d'avoir l'air forte en toutes circonstances. Elle l'admirait tellement... Et elle voulait la rendre fière, plus que tout au monde.

La mort dans l'âme, elle sortit de l'hôpital. Elle n'avait envie de rien faire, et certainement pas « profiter de la vie ». Elle avait simplement envie de s'enfouir dans son canapé et de s'endormir vers un monde meilleur. Et puis que sa mère vienne la réveiller doucement et la remonte dans sa chambre, comme quand elle était petite et qu'elle s'endormait devant un film à la télévision le soir.

Oui, aujourd'hui, et c'était rare, elle n'avait pas la force de se battre. Elle n'avait pas la force de mettre son nouveau masque et de faire comme si tout allait bien, pour la première fois depuis longtemps. Et pourtant, elle allait se forcer. Elle ne devait pas rester seule à broyer du noir. Léo lui avait envoyé un message dans la matinée pour qu'ils se voient pour discuter. Maëlle n'en avait pas la moindre envie. Les souvenirs de la dernière soirée qu'elle avait passée avec lui étaient flous et loin d'être mémorables. Elle n'avait pas envie de le voir. Et pourtant, il le fallait. C'était son copain.

N'ayant pas la force de composer un message, elle décida de l'appeler.

« Allô ? fit Léo.
- Ouais. Je peux venir chez toi, dans genre vingt minutes. Ça te va ?
- Euh... Tu veux pas qu'on aille au bar, plutôt ?
- Non. J'ai besoin d'être dans un endroit calme. »

La vie est belleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant