Les derniers jours avaient été très difficiles pour Maëlle. La dernière chimiothérapie de sa mère l'avait beaucoup affaiblie, si bien qu'elle avait dû rester à l'hôpital. Maëlle était donc seule chez elle à broyer du noir.
Il y avait bien eu la soirée d'influenceurs à laquelle l'avait invitée Anastasia, mais elle avait pris une mauvaise tournure. Ce soir-là, Maëlle n'avait pensé qu'à sa petite personne et avait ignoré les appels à l'aide d'Anastasia. Le pire, c'était que sur le moment, elle s'en fichait. Elle s'était dit que c'était bien la moindre des choses qu'elle méritait, sachant ce qu'elle traversait. Mais elle savait qu'elle avait mal agi et cela contribuait à la faire se sentir plus bas que terre. Le pire, c'était qu'elle n'avait pas tant apprécié la soirée que ça. Les personnes qu'elle avait rencontrées étaient toutes superficielles et ne lui avaient pas porté d'attention lorsqu'elles avaient compris que Maëlle et Laurène n'étaient « personne ». Maëlle était rentrée chez elle déçue de ce monde qu'elle avait tant idolâtré. Et, surtout, avec cette question cruciale : est-ce que cela valait vraiment le coup ? Tous ses sacrifices, tous ses changements, pour tenter d'atteindre un piédestal qui n'en valait peut-être pas la peine.
Elle avait décidé d'aller en cours aujourd'hui. Si elle restait un moment de plus seule chez elle, elle n'était pas sûre de pouvoir tenir. Elle avait besoin de voir des amis. Elle enfila un jogging et un sweat et alla prendre le bus, des écouteurs vissés dans les oreilles. Elle n'était même pas sûre d'avoir pris sa trousse et ses cahiers.
Le trajet fut terriblement long. Maëlle regardait le paysage défiler par la fenêtre, avec l'atroce sensation d'être spectatrice de sa propre vie. Elle s'était créée un personnage pour garder le contrôle sur sa propre vie. Or, elle avait perdu le contrôle de ce personnage.
Et elle était prisonnière d'un cercle qui ne la rendait plus heureuse.En arrivant devant le lycée, elle sentit son cœur se serrer. Elle avait besoin d'un point de repère, et vite. Son cerveau pensa automatiquement à Kosta. Sa vie était si simple quand elle avait encore son meilleur ami. Elle la trouvait peut-être ennuyeuse, mais finalement, c'était parce qu'elle avait été incapable d'apprécier les petits bonheurs du quotidien. Kosta lui manquait cruellement. Elle n'était pas sûre de retrouver un jour une safe place, sa comfort person qui la ferait se sentir à la maison même à l'autre bout du monde.
« Maëlle ! »
Sa copine Laurène venait de l'interpeller. Elle était en train de fumer avec un grand groupe de personnes. Maëlle se sentit un peu mal à l'aise. Elle avait longtemps fait semblant avec ces gens, mais c'était plus simple en soirée quand elle était alcoolisée. Là, elle était pleinement consciente que ce groupe ne lui apportait rien de bien, et elle n'était pas sûre de pouvoir faire semblant.
Néanmoins, elle dut les rejoindre. Elle n'avait pas le choix. Elle n'avait plus qu'eux.
« T'as une sale mine, l'accueillit Léa.
- C'est clair, approuva Léonie.
- Hé, on a vécu une vie de star, ce week-end, la défendit Laurène. Je vous rappelle qu'on a été à un événement d'influenceurs ! Et c'était incroyable, il faut du temps pour s'en remettre. »Maëlle la toisa sans rien dire. Laurène mentait. Elle aussi avait été très déçue de la tournure de la soirée et de l'ignorance qu'on leur avait témoignée. Mais, évidemment, il fallait qu'elle mente pour rappeler son statut social et combler son besoin de domination. Cela ne manqua pas puisque Léa et Léonie recommencèrent à s'extasier sur leur « vie de star ». À aucun moment Anastasia ne fut mentionnée, alors que le mérite - si on pouvait parler de mérite, lui revenait. Maëlle se sentait comme une imposture.
« Tiens, Léo et Charlie. Je savais pas qu'ils étaient si proches, fit Léonie. »
Léo et Charlie ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Léo et elle s'étaient séparés il y a moins d'une semaine. Maëlle suivit le regard de Léonie et tomba sur un Léo qui avait son bras au-dessus des épaules d'une Charlie qui riait aux éclats.
Sous le choc, Maëlle ne sut comment réagir. Une vague d'émotions contradictoires se soulevaient en elle. Et la colère prédominait. Encore une histoire qui n'avait rimé à rien. Elle s'était investie corps et âme dans sa relation avec Léo pour qu'il la remplace par la première venue quelques jours après leur rupture.
« Maëlle, ça va ? »
Maëlle ne répondit pas. Elle n'entendait plus les chuchotements du groupe. Son regard brûlant fixait Léo et Charlie alors que sa colère se transformait en haine. Le binôme finit par la remarquer et aussitôt, Léo enleva ses bras de Charlie, qui se mit à regarder le sol, gênée. C'est ça, ayez honte. Ils filèrent à l'intérieur du lycée alors que la sonnerie retentissait. Maëlle se demanda comment elle pourrait supporter de les voir à côté en cours sans rien dire. Elle allait vite le découvrir.
Elle alla remplir seule sa bouteille d'eau, sentant qu'elle en aurait bien besoin. Les couloirs étaient vides, tous les élèves avaient déjà rejoint la classe. Et elle s'en fichait royalement. Être en retard était désormais le dernier de ses soucis.
Elle toqua pour entrer dans la classe de mathématiques. L'enseignant était aigri et ne l'aimait pas, mais il n'avait pas intérêt à la chercher.
« Entrez ! »
Maëlle ouvrit brutalement la porte, emportée par sa colère. Tous les regards se posèrent sur elle. Maëlle fonça tête baissée à sa place pour s'assoir, sans rien dire.
« Tu as un mot pour ton retard ? demanda le professeur avec agacement.
- Non.
- Va en chercher un. »Maëlle l'ignora et commença à sortir ses affaires. Bien sûr, elle n'avait pas fait attention et avait ramené son cahier d'histoire. Elle n'avait même pas de stylos. Mais peu importe.
Étonnamment, le professeur n'insista pas. Il soupira et se contenta de reprendre son cours. Maëlle n'essaya même pas de se concentrer et de suivre. La blonde ne savait plus pourquoi elle était venue. Au fond, elle bouillonnait de rage contre le monde entier et ne demandait qu'à l'extérioriser.
Elle entendait des petits chuchotements et rires derrière elle un peu trop familiers. Charlie et Léo n'avaient décidément pas envie de disparaître sous terre et c'était bien dommage. Maëlle n'était pas sûre de pouvoir tenir le coup.
« Léo, Charlie, on arrête les bavardages inutiles, leur intima le professeur. »
Maëlle ne put se retenir. Elle se retourna pour les fusiller du regard. Ils eurent à nouveau l'air gêné en croisant son regard. Les émotions de Leo étaient indéchiffrables mais Charlie avait la décence de baisser la tête. Ce n'était pas pour autant que la pilule allait passer pour Maëlle.
« Maëlle, répond à la question deux, lança l'enseignant pour capter son attention. »
Maëlle se retourna et baissa la tête vers son cahier d'histoire. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait dans ce cours de mathématiques.
« Alors ? insista t-il.
- J'ai pas mon cours, rétorqua t-elle brutalement. »L'enseignant s'avança vers elle et pesta :
« Tu arrives en retard, sans ton cahier et avec un pauvre stylo ! Tu te crois en vacances ? »
Maëlle tressaillit. L'ancienne Maëlle se serait confondue en excuses entre bégaiements et rougissements. Mais être faible ne lui avait jamais rien apporté. Assez de la Maëlle qui se pliait face aux autres. Dans la vie, c'était les plus forts qui survivaient. Alors elle lança :
« Je me casse. »
N'ayant aucune envie d'argumenter dans le vent, Maëlle attrapa ses affaires et se leva.
« Tu ne pars pas comme ça, lui ordonna t-il. »
Maëlle l'ignora royalement. Elle jeta un coup d'œil sur sa gauche, à la recherche de Kosta. Elle n'avait pas remarqué, mais il était absent. Elle n'avait définitivement plus aucune envie de rester dans cette pièce hostile. Elle sortit en claquant la porte avec force, sous le regard outré de l'enseignant et surpris des élèves. S'ils avaient tous assisté au changement de Maëlle, cette facette d'elle leur était inconnue. Mais la blonde n'accordait actuellement plus aucune attention à ce qu'ils pouvaient penser.
Elle erra un moment dans les couloirs en broyant du noir. Elle ne savait pas encore comment elle se vengerait contre le monde. Mais ce serait terrible, aussi fort que la souffrance qui lui transperçait le cœur depuis des semaines.
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La vie est belle
Novela JuvenilL'année scolaire au lycée Jeanne d'Arc a pris un autre tournant avec la mort de Farah. Si certains ont repris goût à la vie, d'autres naviguent toujours dans les ténèbres. Léo affronte le deuil de son premier amour en se réfugiant dans l'alcool pour...