Chapitre 17 : Charlie

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Aujourd'hui, Charlie se détestait.

Il y avait quelque chose qui clochait chez elle, elle en était certaine. Pourquoi ne pouvait-elle pas être comme tout le monde ?

Il y a quelques semaines, elle se sentait attirée par Anastasia et Léo. Elle en était presque sûre. Elle s'était posée, avait réfléchi à la question et était arrivée à la conclusion que oui, ce serait sympa de les embrasser. Alors, pourquoi lorsque ce moment s'était produit, avec les deux, elle avait fui ? Qu'est-ce qui ne tournait pas rond, chez elle ?

Elle ressassait en boucle ses pensées et commençait à angoisser, elle qui était une personne plutôt détendue de base. Heureusement, elle avait son rendez-vous mensuel chez sa psychologue. Lorsque ses parents avaient recommencé à vadrouiller dans le monde, à ses douze ans, ils l'avaient forcée à voir un psychologue tous les mois, histoire que quelqu'un « soit là pour encaisser ce que tu ne pourras pas encaisser seule ». Très rassurant pour une enfant de douze ans, qui ne demandait qu'à se lover dans les bras de sa maman au moindre problème.

Elle se rendit au cabinet avec de la musique dans les oreilles afin de faire taire son cerveau en ébullition constante. Elle préférait garder ses émotions non filtrées pour les déballer à sa psy telles qu'elles étaient. Peut-être qu'elle parviendrait à mieux la cerner. C'était la troisième psychologue que Charlie voyait. Elle n'avait trouvé « la bonne psy » qu'à ses treize ans, après un an passé à se morfondre dans le cabinet de deux psychologues qui ne comprenaient rien à ses problèmes. Mais la troisième avait su la mettre en confiance et l'écouter sans laisser son jugement interférer. Et depuis, elle ne l'avait pas quitté. Charlie la considérait presque comme un membre de sa famille - après tout, elle la voyait plus que ses parents.

Impatiente, elle attendit dans la salle d'attente. Sa psy avait l'habitude d'être en retard car elle privilégiait « la qualité à la quantité » - elle préférait faire attendre des patients pour être sûre de ne pas quitter son patient actuel dans une mauvaise posture. Son retard habituel était un point qu'elle avait mis à l'honneur dès sa première rencontre avec Charlie, et cette dernière avait été convaincue par sa démarche. Cela témoignait d'un réel désir de prendre soin de l'autre.

Une dizaine de minutes s'écoula avant que la porte ne s'ouvre. Le patient sortit et quelques minutes plus tard, sa psy, qu'elle appelait par son prénom Amina, sortit et sourit à Charlie. Charlie lui rendit son sourire.

« Comment tu vas, Charlie ?
- Un jour compliqué, j'ai hâte de te raconter ça ! »

Elles se tutoyaient naturellement et Charlie appréciait cette absence de barrières entre elles, cela la mettait à l'aise. Pour des raisons évidentes, elle avait du mal avec l'autorité et la hiérarchie. Elle s'assit dans le canapé et s'installa confortablement avec hâte.

« Dis-moi ! Que s'est-il passé depuis le mois dernier ? Tu étais alors en vacances, pleine de doutes quant à la rentrée...
- Il s'est passé tellement de trucs ! Déjà, mon stress pour la rentrée a décuplé - j'ai pas dormi la veille ! Mais quand je suis arrivée en classe, j'ai fait semblant d'être détendue et cool, et les gens m'ont plutôt trouvé cool, enfin, je crois. Je me suis faite une copine, Anastasia. Et le soir même, j'ai invité des gens de ma classe à une soirée chez moi.
- Dès le premier jour ? s'étonna Amina. C'est audacieux !
- Oui, admit Charlie. J'étais stressée, et en même temps, ils se connaissaient déjà tous, donc je ne voyais pas d'autres options pour m'intégrer. La soirée était pas incroyable, les gens restaient entre eux, mais c'était pas un total échec non plus.
- Tant mieux. Tu t'es fait de nouveaux amis, depuis ?
- Euh... Oui, Léo, mon voisin de classe en histoire. C'est un type compliqué, enfin, je te raconterai ça après. À part ça... J'étais souvent avec Anastasia.
- J'étais ? répéta Amina. Il s'est passé quelque chose ?
- Ouais. C'est là que les problèmes débutent. En fait, j'étais persuadée d'avoir un crush sur Anastasia. Je la trouvais jolie, j'avais envie qu'elle me trouve jolie, j'avais envie qu'elle soit attirée par moi. Bref, tous les symptômes ! Mais... En soirée, elle m'a embrassée, et là, j'ai paniqué. Je comprends pas pourquoi. Je me disais que c'était parce que j'étais probablement plus attirée par Léo. Amina fronça les sourcils face à ce changement de protagoniste. Sauf que... Hier, Léo s'est retrouvé chez moi, et rebelote, quand il a voulu m'embrasser, j'ai paniqué et j'avais juste envie de fuir ! S'il-te-plaît, j'ai besoin de comprendre pourquoi, je me déteste, j'ai l'impression de leur faire du mal et de me blesser aussi, dans un certain sens. »

La vie est belleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant