~ Ezilly ~
Mon corps se leva tout seul.
Je m'approchai avec une telle frénésie que je trébuchai devant lui.
— Sia ! s'écria Eck d'une voix inquiète.
Je ne sus si ce fut la fatigue de la journée, la douleur de ma peau fragile heurtant le sol, ou bien la culpabilité qui ressurgissait ; mais je fondis en larmes.
Mon petit frère se tenait debout devant moi.
Bel et bien vivant.
Il s'accroupit à ma hauteur et je l'enlaçai aussitôt. Je m'accrochai à ses boucles blondes avec ardeur. J'avais cru ne jamais le revoir. Un mois... Cela faisait un mois maintenant que je l'avais laissé tomber dans le feu.
— Je suis désolée, Havin, sanglotai-je. Je suis tellement... Tellement désolée.
Il ne répondit rien. Son corps était raide, comme s'il s'était statufié. Je levai lentement la tête vers lui ; et mon cœur se brisa.
Havin posait sur moi un regard vide.
— À quoi je ressemble ?
Sa voix semblait venir d'outre-tombe. Elle était dure, dénuée d'émotion. Le petit garçon sensible et bougon que j'avais autrefois connu avait disparu.
— Tu... Tu n'as pas beaucoup changé...
— Mensonge.
Il pointa son index vers les deux billes blafardes qu'étaient devenues ses yeux.
— Ils sont terribles, n'est-ce-pas ? La Duchesse ne veut rien me dire.
Le visage de mon frère n'était en réalité plus le même du tout. Autrefois, sa bouille ronde d'enfant était aussi lisse qu'une peau de bébé ; on aurait dit que cet enfant était une porcelaine fragile. Havin avait de magnifiques yeux noirs, qu'il aimait plonger en profondeur dans le regard des autres... À présent, la partie gauche de sa face arborait une longue déchirure rougeâtre, témoin des flammes qui lui avaient léché la peau. Quant à ses yeux... Ils étaient désormais semblables à du verre soufflé : on percevait encore la tache sombre de ses iris, mais un voile blanc les recouvrait maintenant.
— Tu ne pourrais jamais être horrible, Havin, soufflai-je en retenant mes larmes.
Un rictus étira son visage abimé.
— Ça ne sert à rien d'essayer, Ezi.
Ce n'était qu'un murmure, mais il résonna fort en moi. C'était vrai. Qu'étais-je en train de faire ?
Un long silence plana dans la grande pièce. Sho s'approcha de moi et m'aida à me relever. Je restai appuyée sur son épaule, trop faible pour soutenir mon propre poids.
— Heureux de te revoir vivant, gamin.
Havin émit un léger grognement, et je ne pus m'empêcher d'esquisser un mince sourire.
Ça, c'était bien quelque chose qui lui ressemblait.
La Duchesse guida Havin jusqu'à un canapé, où il s'assit lentement. Puis elle appela un domestique et lui demanda de lui apporter des pansements et de l'alcool. Sho s'avançait vers le salon pour les rejoindre quand mon regard se posa alors sur le grand mystère de ma journée. Je serrai ma poigne sur son bras, et mon frère factice s'arrêta. Eck n'avait pas bougé de l'entrée. La douleur s'amplifiait dans mes jambes, et je doutai soudain de ma capacité à rester debout plus longtemps. Prenant sur moi – et sur Sho -, je fis signe à mon ami de s'approcher.
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WE ~ Tome III
Historical FictionIl est prisonnier. Elle mène la rébellion. Dans un monde de sang et de trahison, sauront-ils résister ? Lorsque le jeune Havin se réveille du coma, il découvre un monde plongé dans le chaos. Sa soeur, la Reine Ezilly, a fuit le Palais en compagnie d...