5 - La Chute

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~ Wyer ~

Je poussai la grande porte de la salle de bal du Palais et fus aussitôt frappé par une odeur nauséabonde. Je couvris le bas de mon visage avec un pan de ma cape et fronçai les sourcils. Cet endroit qui fut pendant des décennies le centre de l'aristocratie du continent puait désormais la mort. Les gémissements et les pleurs résonnaient dans la grande salle, alourdissant l'atmosphère déjà pesante. Allongés sur des couches de fortunes, des hommes blessés jetaient des regards fiévreux sur les plafonds sculptés. Déjà, certains ne semblaient plus tout à fait vivants. Les quelques femmes et médecins qui s'employaient à leur venir en aide et soulager leurs souffrances n'étaient pas forcément en bon état non plus : leurs cernes étaient si profonds qu'on aurait sûrement pu s'y noyer. J'arrêtai une jeune femme brune, et le regard hagard qu'elle me renvoya me fit frissonner.

— Savez-vous combien de blessés se trouvent ici?

Elle haussa les épaules.

— Sûrement moins qu'il n'y a de morts, M'sieur.

Je grimaçai devant cette réponse trop franche, mais la remercia tout de même et la laissa poursuivre sa route.

Un hurlement me glaça soudain le sang.

— Non! Laissez-le-moi!

Plus loin, une femme en sanglot s'accrochait désespérément à un homme inconscient, ou plutôt à un cadavre, au vu de son aspect grisâtre. Deux autres hommes tenaient le corps par les membres, et échangeaient un regard embarrassé.

— Enfin, ma p'tite dame, vous voyez bien que vô't mari est mort...

— C'est faux! pleura-t-elle. Il n'a pas le droit, il n'a pas le droit de me quitter...

Je clignai des yeux, et le temps d'un instant, ce fut Ezilly qui se trouvait à la place de cet homme mort. J'écarquillai les yeux et une terrible douleur me brûla la poitrine. Son magnifique regard bleu me fixait, sans vie, figé pour l'éternité.

«Tu m'as tué, Wyer.»

— Votre Majesté?

Je sursautai violemment. Ezilly avait disparu.

Face à moi se tenait une petite femme aux cheveux poivre et sel et aux traits tirés, qui me dévisageait avec une étrange expression affligée. Je fronçai les sourcils, avant qu'un lointain souvenir n'émerge de ma mémoire.

Tavarez... Vous êtes la mère de Yasmine Tavarez.

Elle hocha la tête et me prit les mains.

Vous ne devriez pas être ici. Les infections commencent à se répondre... Vous pourriez tomber malade.

— Comme vous tous, répliquai-je en parcourant du regard les femmes qui s'attelaient au soin des blessés.

— Quand bien même, vous avez des responsabilités, vous ne devriez pas prendre de risques inutiles. Ces gens-là ont besoin de vous.

Besoin de moi pour se faire tuer?

— Pourquoi n'avez-vous pas fui? éludai-je. Votre fille n'est-elle pas venue vous chercher ?

— Elle est venue. Mais j'ai refusé de la suivre. J'ai beau avoir quitté la Cour, je reste une De Carminn. C'est... C'est ma famille, qui a plongé le royaume dans le chaos. C'est l'avidité de Radley, mon frère, qui a tué cet homme, fit-elle en désignant le cadavre qu'on emportait, et son épouse en sanglots. Alors j'ai voulu rester ici pour aider.

WE ~ Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant