9 - Prisonnier

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~ Wyer ~

          Le temps passe étrangement lorsqu'on se vide de son sang.

Plus rien ne semble avoir de limites. La douleur se mue en lente agonie. L'espace se rétrécit, et nous comprime, jusqu'à ce que respirer même devienne une épreuve. Quant aux pensées, elles perdent leur sens, et l'on devient aussi rationnel et vif qu'un légume en état de décomposition. Le monde se met à s'effacer, et nous restons seuls, immobiles, dans cet univers qui tourne à l'envers. Et dans cette étrange transe, comme chaque fois que la mort vient frapper à ma porte, je ne vois qu'elle.

Je ne vois que ses yeux bleus.

— Que fais-tu, mon amour ?

Je tentai de sourire, malgré mon visage douloureux.

— J'expie mes péchés.

— À ce que je vois, tu es en train de te laisser mourir. Est-ce ainsi que tu tiens ta promesse de me retrouver ?

De grosses larmes se mirent à couler de mes yeux épuisés.

Pardonne-moi, Ezilly. Je n'avais plus la force de me battre.

Mon ventre grogna sourdement, me faisant sursauter. Même dans mon état, la faim parvenait à se faire entendre. J'eus presque envie de rire. Ma vision se rétablit un instant, et je clignai des yeux, surpris. Qu'était ce décor ? Une tente ?

Une ultime phrase résonna dans ma tête, à la fois souvenir et délire.

— Je t'interdis de mourir.

Je baissai le regard, incapable de répondre à ma conscience. Comment survivre quand même moi, je ne croyais plus à la vie ?

Lentement, je tentai de comprendre où je me trouvais. Mes bras étaient attachés, sûrement depuis longtemps, puisque je les sentais à peine ; j'étais plus ou moins pendu à une poutre, les fers aux poignets. On m'avait également arraché ma chemise, et je n'arrivais pas à déterminer ce qui était le plus douloureux entre le froid qui me mordait la peau et ma peau qui se déversaient de mon sang. Au vu de l'état de mon corps, il semblait que j'avais été l'objet d'une séance de torture dont je n'avais de souvenir que la souffrance.

Avec un long gémissement de douleur, je tentai de poser mes pieds au sol et de me mettre debout pour soulager mes poignets ensanglantés. Activer les muscles ankylosés de mes jambes fut sans doute plus douloureux encore. Je crachai un glaviot de sang sur la terre battue, et redressai la tête. C'était en effet une tente de voyage qui semblait former ma prison. Voyons. Mon geôlier m'emmenait-il en lune de miel ?

Le seul mobilier consistait en un coffre de voyage, qui, à moitié ouvert, laissait apercevoir quelques magnifiques armes à feu de dernier cri. On entendait le bruit du pas des cheveux et des voix d'hommes, à l'extérieur. Je poussai un soupir, et fermai les yeux.

Je n'étais définitivement pas mort.

Quelque chose brisa alors la transe de douleur dans laquelle je baignais : une masse se précipita soudain contre mon ventre. J'ouvris péniblement les yeux, découvrant une tête de boucles blondes qui me parut désagréablement familière.

— Mélodie ? parvins-je à articuler.

Elle m'enlaçait en sanglotant, avec un tel désespoir que je crus que quelque chose de terrible était arrivé.

— Oh, Wyer, je suis tellement désolé !

Je lâchai échapper un gémissement de douleur lorsqu'elle appuya contre une de mes nombreuses ecchymoses.

WE ~ Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant