~ Wyer ~
Je fus réveillé par un jet d'eau glacé. Une toux terrible s'empara de ma gorge, et me secoua tant que je crus que j'allais en cracher mes poumons. On me tapota dans le dos, avant de passer un tissu sec sur mon visage pour m'essuyer.
— Allons bon, mon garçon, respirez.
J'attrapai au vol la main inconnue qui touchait mon visage, et lui arracha son mouchoir en dentelle, avant de me sécher le visage moi-même. Bordel. J'avais tellement soif ; et il avait fallu que cette eau atterrisse sur mon corps au lieu de ma bouche.
J'ouvris douloureusement les yeux, et mis plusieurs secondes avant de pouvoir adapter ma vision à la luminosité basse. Bizarrement, aucun lien ne me retenait ; j'étais assis, ou plutôt affalé sur un fauteuil en velours. Tiens. Il semblait que nous étions arrivés à notre port.
— Me reconnaissez-vous, Wyer ? questionna une voix à l'accent qui m'était familier.
Un pourpoint d'un blanc immaculé, étiré sur un ventre généreux ; un visage aussi rond que rouge, des traits mous et des petits yeux perfides : je hochai la tête. Je reconnaitrais mon oncle même au milieu d'une foule dense. Incapable de parler, je me contentai de détailler du regard son front dégarni, son double menton pendouillant et les anglaises blanches de sa perruque ; je plissai le nez pour tenter de résister à son parfum entêtant tandis que j'essayais de me remémorer à quand remontait la dernière fois que j'avais croisé ce vautour.
Oui, je me souviens de toi, enfoiré. Tu avais insulté mon père sous mes yeux.
Je découvris alors le visage de Mélodie, dont le doux regard inquiet me détaillait avec une certaine tendresse. Elle avait repris son apparence distinguée de Princesse. Ses cheveux blonds étaient bien coiffés, et sa robe, quoique pour une fois simple, provenait des plus belles soies de l'Empire. Elle s'assit élégamment devant moi, et posa sa main sur mon genou.
— Je craignais que vous ne reveniez jamais à vous, murmura-t-elle.
— Sommes-nous à Hoslward ? parvins-je articuler, ignorant son inquiétude.
— C'est exact, répliqua mon oncle, l'Imperator, avec un sourire.
Un rire sec s'échappa de ma bouche, et je passai les mains sur mon visage d'un geste fatigué.
— Alors je suis votre prisonnier.
Les yeux de vipère de mon oncle s'arrondirent d'un air faussement offusqué.
— Voyons, cher neveu, vous êtes avant tout ici pour être protégé. Je redoutais que vous ne vous blessiez, sur le front.
— De vous à moi, Votre Excellence, il n'y a plus lieu de sauver les apparences. C'est votre armée qui nous a attaqués, soutenant ces traîtres de De Carminn, en pénétrant sur notre territoire. Ne faites donc pas semblant de me soutenir, encore moins de me sauver. Vous n'êtes qu'un traître avide de pouvoir, prêt à profaner la tombe de mon père pour assouvir vos désirs.
Un éclair mauvais passa dans son regard, mais il ne se départit pas de son sourire.
— Je me désole de constater que vous avez une bien mauvaise image de moi. Puisque vous vous êtes assis sur le trône, vous l'avez compris : le pouvoir ne se joue pas avec les sentiments. Mes actions ne sont en aucun cas liées à votre personne, comprenez-le... Cela m'a fait de la peine de devoir m'attaquer à ma propre famille.
Pour toute réponse, je lui crachai sur les chaussures. Cette fois, son sourire tomba.
Ainsi, Hew m'avait bel et bien livré à son partenaire militaire. Je retroussai les lèvres, grimaçant un rictus. À sa place, j'aurais plutôt choisi de me venger. Il semblait plus discipliné que prévu. Ou bien était-ce les ordres de son père, le grand Radley De Carminn ?
VOUS LISEZ
WE ~ Tome III
Historical FictionIl est prisonnier. Elle mène la rébellion. Dans un monde de sang et de trahison, sauront-ils résister ? Lorsque le jeune Havin se réveille du coma, il découvre un monde plongé dans le chaos. Sa soeur, la Reine Ezilly, a fuit le Palais en compagnie d...