Les routes du Nord

Chapitre 2

Le matin de l'arrivée du prince Kirrogstag, je me réveillai la boule au ventre. Habituellement, les couloirs étaient encore silencieux à cette heure-ci. Dans les ailes du palais où résidaient des membres de la famille royale, les domestiques ne s'activaient qu'une fois que nous étions tous levés. Aujourd'hui, leurs pas résonnaient, leurs voix sélevaient. J'eus un mauvais pressentiment. Cette agitation était inhabituelle. Le prince de Gortthorn attisait, certes, la curiosité et l'excitation. Cependant si un tel vacarme était toléré pour chaque invité de marque, les résidents du palais n'auraient que peu de nuits tranquilles. Je me hâtai d'enfiler mes vêtements et sortis. Je me retrouvai nez à nez avec ma nourrice.

—Mademoiselle Adria ! Je vous en supplie, dites-moi que la princesse Péline est avec vous !

Je secouai la tête. Voilà donc la raison de cette agitation. Désespérée, la femme me demanda si je savais où ma cousine pouvait se trouver, si elle m'avait parlé de quelque chose, si elle s'était comportée de manière étrange. Ma nourrice était avide de la moindre information. Je ne pus rien lui révéler. Péline ne m'avait rien dit. J'étais persuadée qu'elle assurerait sagement la tâche qui lui avait été confiée, comme elle avait répété ces derniers jours. Ne pouvant croire ce qui se passait sous mes yeux, je rejoignis le salon des jardins - celui dans lequel ma famille et celle de Péline avaient l'habitude de se réunir. À l'intérieur, une tout autre ambiance que celle des corridors régnait. Personne n'osait parler. Je voyais mes frères se lancer des regards inquiets. Mes plus jeunes cousins attendaient que leur père s'adresse à eux alors que leur aîné, l'héritier de ce royaume s'entretenait dans un coin avec les souverains. Je m'approchai de ma mère pour obtenir les détails de la situation.

—Ta cousine a disparu. Les soldats en service hier soir affirment l'avoir vue se coucher. Ce matin, sa chambre était vide et personne ne sait rien. Si nous ne la retrouvons pas avant l'arrivée du prince, nous risquons d'avoir de gros ennuis ! Les Neulkahn seraient légitimes de se sentir outragés. Qui sait alors ce qu'ils seraient capables de faire pour rétablir leur honneur. Ma fille, si Péline ta confié quoi que ce soit, tu dois nous le dire. Nessaie pas de la couvrir ou tu mettras tout le royaume en danger.

Dans un sens, j'étais soulagée que Péline ne m'ait rien dit. Ainsi, je n'avais pas à choisir entre la trahir elle, ou le pays. Au début, j'étais blessée, maintenant je réalisai qu'elle l'avait peut-être fait pour me protéger.

Remarquant ma présence, ma tante vint me poser la même question que ma mère. Je jurai alors devant tous que je ne savais strictement rien. Les heures passaient et il n'y avait toujours aucune trace de Péline. Je m'étais rendu à nos lieux habituels. À chaque tournant, je craignais de la voir. Car alors il me faudrait la ramener au palais, sachant qu'elle ne désirait pas ce mariage. En revenant du puits abandonné où nous aimions nous rendre quand le palais était en ébullition, toute la salle se tourna vers moi. Pensant qu'ils espéraient me revoir en compagnie de Péline, je m'excusai et leur avouai que je n'avais plus d'idée où la chercher. On me répondit à demi-mot, comme si je leur répétais ce qu'ils savaient déjà. Leurs regards avaient changé. J'avais l'impression que ce que je venais de leur dire était secondaire. Ma tante, la reine, m'invita à masseoir. Elle me proposa un verre d'eau que j'acceptai. Je sentais ma gorge se dessécher au fur et à mesure que mon angoisse augmentait.

—Adria chérie, commença-t-elle doucement, posant ses mains sur les miennes, nous avons besoin que tu nous rendes un grand service.

—Je ne sais vraiment pas où est ma cousine, répondis-je précipitamment, devinant la suite des événements.

Je levai le regard vers mes parents, ils m'adressèrent un faible sourire. Ma tentative fut vaine. Ce n'était pas comme si j'avais le moindre espoir en eux, je devais l'avouer. Ils avaient juré de consacrer leur vie, quelle soit longue ou courte, au royaume.