Une semaine s'était écoulée depuis notre mariage. Kirrogstag et moi n'avions quasiment pas de temps privé. Il était invité à des soupers ou des fêtes officielles. Certains étaient tenus ici même au palais. Mon mari tenait à ce que je l'accompagne partout. Il prétexta que je lui étais indispensable dans ce pays qu'il disait mal connaître. Je n'eus pourtant que rarement l'occasion de lui expliquer l'histoire, les traditions ou les pratiques d'Asaçbjörn.
Une semaine que nous partagions nos journées et il m'était encore étranger. Il était toutefois temps de partir. Ses obligations dans notre pays avaient été remplies, plus rien ne le retenait. Sa famille, ses amis et son royaume devaient lui manquer. Une partie de son escorte était déjà en route. Le soleil n'apparaissait pas encore au-dessus des maisons que la cour était en effervescence. Je regardai mes valises être embarquées. Voilà tout ce que j'emmenais avec moi. Ma famille était présente. Mes cousins furent les premiers à me saluer une dernière fois. L'aîné était le plus détaché. Une rapide accolade lui suffit. Je me demandai s'il était soulagé de me voir partir plutôt que sa petite sur. Sûrement, même s'il ne l'avouerait jamais par courtoisie. Les souverains vinrent ensuite. Ils répétèrent leurs excuses et remerciements, me souhaitèrent un bon voyage. Mes parents quant à eux me firent promettre de prendre soin de moi, de ne pas hésiter à revenir, même si pour cela ils devaient eux-mêmes faire le trajet, ils le feraient. Puis, mon père, oubliant ses craintes de la semaine dernière, menaça Kirrogstag.
—Prenez soin de notre fille, prince Kirrogstag. Je me fiche que votre père soit un roi puissant, je ne laisserai pas Adria souffrir.
Ces mots mirent Kirrogstag en colère, elle transperçait son visage. Je m'empressai de faire taire mon père avant qu'il n'aggrave la situation.
—Nous avons un long chemin, Adria. S'il vous plaît, abrégez vos adieux larmoyants et mettons-nous en route, dit mon époux en se dirigeant vers son cheval.
Je pris mes frères dans mes bras et montai dans le carrosse. Par la fenêtre, je regardai le château où j'avais passé mon enfance s'éloigner.
Pendant les semaines qui suivirent, nous évoluions dans le paysage lentement. Des nobles nous accueillaient pour passer les nuits jusqu'à la troisième semaine. À partir de là, nous nous enfoncions dans les montagnes de Gortthorn. Nous ne croisions plus que des fermiers. Rares étaient devenus les villages. Au début, je m'émerveillais devant les magnifiques vues qui soffraient à moi. Je m'en lassai, elles étaient monotones. Je m'ennuyais, assise, seule dans cette voiture. Je regrettai de ne pas avoir engagé l'une de ces femmes de chambre pour me tenir compagnie. J'eus honte de cette pensée égoïste. Pas totalement, juste un peu. Kirrogstag ne me parlait presque pas. J'étais persuadée que les mots de mon père y jouaient un rôle. Même venant de cet inconnu, les attentions dont il m'avait gratifiée m'avaient apporté du confort et fait naître l'espoir d'une vie heureuse à ses côtés.
À la moitié du voyage, je remarquai la fraîcheur des nuits. Plus les jours passaient, plus les températures descendaient malgré les rayons de soleil. Une couverture supplémentaire était installée dans notre tente chaque soir, elle ne suffirait bientôt plus.
Une nuit, Kirrogstag me réveilla. Je peinai à ouvrir les yeux. Le voyage était épuisant et l'approche de l'hiver réduisait mes heures de sommeil. Ce fut donc encore groggy que je m'extirpai de notre tente. J'étais emmitouflée dans un gros manteau, je ressentais encore le vent froid. Mon mari me fit monter au sommet de la crête que nous parcourions par des petits chemins caillouteux. Je lui en voulais. J'étais gelée, fatiguée et il me faisait faire une balade nocturne et refusait de me donner les motifs d'une telle excursion.
—Vous avez marché plus vite que je ne l'avais prévu, me dit-il, il va falloir patienter.
Je resserrai mes bras autour de moi pour retenir la chaleur. Kirrogstag se plaça derrière moi et me colla à son buste. Je lâchai malgré moi un cri de surprise. La tête sur mon épaule, il nous fit pivoter. Plus de mots, plus de mouvements, la situation me gênait. Je lui posai donc la première question qui me traversa l'esprit :
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Les routes du Nord
RomanceSuite à la fuite de sa cousine, Adria se retrouve obligée d'épouser le prince Kirrogstag Neulkahn dont elle n'a entendu que des histoires peu rassurantes. Alors qu'Adria s'efforce de faire sa place dans son nouveau pays, son beau-père ordonne au je...