Chapitre 9 : Je sais que vous avez adoré ça. Avouez que c'était drôle...

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Contre toute attente, le goûter improvisé se révéla des plus plaisants et chacun se surprit à passer un agréable moment aux allures sucrées. Bob, après avoir frôlé la crise cardiaque en se rongeant les ongles, avait été rassuré de voir Magda sortir indemne du bureau. Il lui avait d'ailleurs passé un sacré savon, lui rappelant qu'il lui était formellement interdit de pénétrer dans ce bureau sans autorisation.

- J'étais déjà en train de chercher une nouvelle gouvernante ! Et pourquoi la gosse veut savoir ce qu'est une fille de joie !? lui avait-il chuchoté à l'oreille, ce à quoi Magda avait ri et répondu qu'il fallait impérativement qu'il se détende et que ce n'était pas ainsi qu'il allait se débarrasser d'elle, en éludant totalement la question.

L'élégant majordome était resté renfrogné mais avait tout de même bien vite affiché un sourire de dents blanches lorsque la gouvernante avait tendu un éclair au café devant lui. Cela avait touché le jeune homme bien plus qu'il ne l'aurait pensé. Bien sûr, il savait depuis longtemps qu'il n'était pas qu'un majordome au regard de la famille Del Vecchio, encore moins à celui de Magda d'ailleurs, qui n'avait jamais rencontré de majordome, mais il fut tout de même heureux que quelqu'un ait pensé à lui. Lui, pauvre majordome qui était payé pour toujours penser à la place de tout le monde.

Ainsi, pour la première fois, Magda avait réussi à faire mentir Giulia Del Vecchio. La brune, elle aussi, quelque part, touchée par l'attention de sa fille et de sa gouvernante, n'avait pas partagé quelques minutes en leur compagnie mais bien une heure délicieuse. Une heure durant laquelle Alessandra raconta le fantôme du rez-de-chaussée, les gargouilles, le métro.

- Je croyais t'avoir dit ne pas aimer que tu prennes les transports en commun, avait grogné Del Vecchio en tendant une serviette à l'enfant dont la bouche était recouverte de crème.

- Offrez-moi une voiture et j'éviterai les transports en commun, avait contré Magda en haussant les épaules, toujours désespérément assise sur le bureau, comme sur le comptoir d'un bar à strip-tease.

- Vous seriez surprise, Miss Volkov.

- De savoir ce que vous pourriez m'offrir ? Non, j'en ai une idée très précise au contraire, avait souri Magda en plissant les yeux, et Bob avait manqué de peu de s'étouffer avec son éclair.

Del Vecchio, comme à chaque fois que sa gouvernante se plaisait à la provoquer, n'avait pas relevé et s'était contenté de lever les yeux au ciel. Bob était resté silencieux une bonne partie de l'heure en les observant pourtant attentivement. C'était amusant cette dynamique, ce jeu, parce qu'on parlait bien ici d'un jeu, peut-être un peu dangereux, qui s'était installé entre elles. Après dix ans de bons et loyaux services, Bob pouvait se vanter de connaître sa patronne mieux que personne. Et si on lui avait dit qu'une jeune femme aux airs de mannequin russe parlerait ainsi à la jolie brune sans se faire virer, il n'y aurait sans doute même pas cru.

Pourtant, il fallait se rendre à l'évidence. Le jeu était venu naturellement, même plus rapidement que prévu, et c'est par celui-ci qu'elles communiquaient, qu'elles fonctionnaient. Cela laisserait-il place à autre chose ? Parfois, et sans doute quand il osait croire à une douce folie, il se plaisait à y croire. Après tout, le fait que Magda soit sortie vivante de ce bureau après avoir interrompu un rendez-vous d'affaires était peut-être déjà une preuve en soi. Il avait demandé à la jeune femme ce qui s'était passé, celle-ci ne lui avait offert qu'un sourire. Del Vecchio ne lui avait pas répondu non plus. Les deux femmes avaient partagé un regard. Ce n'était pas grand chose, un instant d'une fraction de seconde à peine. Et pourtant, c'était déjà plus que ce que Del Vecchio partageait habituellement. Alessandra avait peut-être raison. Dans le fond, cette gouvernante avait peut-être un super-pouvoir.

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