Les Règles

12✓ La prise de conscience

Sur la route de l'hôtel le soir du mariage, Rich fit une nouvelle liste. La liste de ce qui avait mal tourné depuis Lousta et ce stupide événement. Il n'avait pas de quoi écrire, mais rien qu'en y pensant il sut qu'elle était longue, bien plus longue que les trois règles qu'il avait imposées dans le plan théorique la semaine passée.

Premièrement, il n'avait plus sa chemise. Conséquence minime mais tout de même à prendre en compte.

Deuxièmement, il était sur les nerfs. Rien n'avait réussi à faire redescendre sa colère et sa frustration depuis le départ de Lousta.

Troisièmement, il avait dû monter une excuse à la va-vite pour expliquer l'absence de sa supposée copine lors du gâteau de mariage. Il s'en voulait de n'avoir pas trouvé mieux qu'un mal de tête à prétexter. On l'avait regardé comme si la simple idée que Lousta puisse avoir mal au crâne était absurde.

Et tout bien réfléchi, ça l'était certainement.

Quatrièmement, il voyait maintenant tous les efforts de Lula pour qu'il passe une bonne soirée. Aucun ballon de baudruche n'avait été recensé, aucun aliment ne contenait de kiwi et elle lui souriait à chaque fois que leur regard se croisaient. Elle était même venue s'assurer que tout allait bien avec Lousta en le voyant revenir seul de leur balade nocturne. Il avait menti, évidemment, mais il appréciait le geste que ses propres parents n'avaient pas pris la peine de faire. C'était à se demander s'ils avaient simplement remarqué l'absence de la jeune fille au bras de leur fils...

Cinquièmement, il pensait à elle.

Rich s'était imaginé qu'après l'accomplissement du plan, il aurait tout bonnement oublié la fille qui lui aurait servi de complice. Après tout, pourquoi en aurait-il été autrement ?

Justement. Dans sa théorie, il avait négligé un détail capital : Lousta.

A l'évidence, cette fille ne pouvait pas être oubliée du jour au lendemain, même avec toute la volonté du monde. Rich, malgré ses prières, ne faisait pas exception.

Il ne cessait de la voir de nouveau sortir du taxi devant la mairie, sa longue robe glissant sur sa silhouette élancée et ses talons claquant aussi fort que la pluie sur le sol goudronné. Il revoyait ses lèvres se retrousser en ce sourire dont elle seule avait le secret. Puis, quand il fermait les yeux, il pouvait sentir à nouveau les frissons que chaque contact avec elle lui avait procuré, de la perfection qu'était d'avoir ses lèvres sur les siennes, de l'intensité de son regard... Seul le souvenir de sa voix le ramenait à la réalité. Il l'entendait répéter la même phrase, encore et encore, tel un disque rayé.

"Il suffisait de te pousser un peu."

Au matin, lorsqu'il fallut retourner à la salle de réception pour le petit déjeuner avec liste d'invités réduite, les pensées de Rich n'avaient toujours pas changées. Pearlin et Tyson furent déçus d'apprendre que Lousta ne se sentait pas mieux et ne pouvait donc pas venir. A les voir ainsi, Rich sentit son coeur se serrer. Son frère et sa sœur ne méritaient pas tous ces mensonges. Ses mensonges. Et en réalité, qui les méritait ? Mais Rich ne pouvait pas admettre avoir choisi une fille au hasard dans la rue pour qu'elle joue sa petite amie le temps d'un mariage. Non, ce n'était pas envisageable.

Alors il se retint de tout avouer et prit place à une table encore vide. Il avait besoin d'être seul.

Sa solitude ne dura qu'un infime moment car l'oncle Sam vint s'assoir face à lui, les yeux pétillants de malice.

-Bien le bonjour, bonhomme. La folle n'est pas avec toi à ce que je vois.

Rich fronça les sourcils. Il savait que l'oncle Sam n'était pas du genre commun mais là il faisait fort.