Les Règles

6✓ La copine parfaite

La foule attendait. Gimon, debout devant l'autel, semblait à la fois serein et préoccupé. Rich était assis au premier rang de gauche avec le reste de sa famille à l'exception de son père. Lousta était là aussi.

Contrairement à Madame Hervis, Lousta était presque immobile. La tête haute et un sourire satisfait sur le visage, elle attirait les regards curieux des invités. Rich, qui avait espéré passer inaperçu, dû admettre que le contraire l'aurait étonné.

Le ciel n'était pas de son côté aujourd'hui.

Il entendit la porte s'ouvrir. Tous se levèrent d'un seul mouvement et une douce musique débuta. Deux personnes s'avancèrent dans l'allée : la fille des essayages et le blondinet du parking.
Rich se maudit intérieurement de ne toujours pas se souvenir du nom de la première.

Ils se souriaient amoureusement, lui dans son costume bleu marine et sa chemise blanche, elle dans sa longue robe blanche à volants bleu marine. Rich fut frappé par l'harmonie qui émanait d'eux.

Ils rejoignirent Gimon qui les accueillit en les prenant dans ses bras, comme de vieux amis.

-Pourquoi ils me paraissent familiers ? chuchota Lousta.

Rich lui jeta un coup d'œil, sourcils froncés, mais secoua vite la tête. Ce n'était pas le moment d'écouter la diva bavarder.

Il se tourna à nouveau vers la porte au moment où son père et sa sœur apparaissaient.

Son cœur rata un battement.

Lula était resplendissante. Pour être honnête, Rich reconnaissait à peine la sœur aînée timide et retranchée qu'il avait toujours connu. Elle iradiait de bonheur et, même si Rich aurait préféré se couper une main que de l'avouer, d'assurance. Son regard était rivé sur son futur époux qui l'observait en retour avec milles étoiles dans les yeux.

Rich se surprit à leur souhaiter tout le bonheur du monde.

Avant qu'il ne puisse se reprendre, il perçut le léger changement dans la respiration de Lousta. Elle avait les yeux grands ouverts, tels des planètes cherchant à s'échapper de leur orbite.

-C'est... C'est...

-C'est quoi ? s'impatienta Rich.

Elle détacha son regard de Lula pour le regarder lui.

-La fille du bar, souffla-t-elle. C'est la fille timide du bar. Et eux, les gens qu'elle évitait à tout prix.

Elle désigna d'un signe de tête Gimon et les deux témoins.

Hein ?

-Tu connais ma sœur ? s'exclama-t-il tout bas.

-Je l'ai déjà vu en ville, corrigea Lousta. Elle travaillait dans le bar de- Pourquoi tu t'intéresses à ma vie tout à coup ?

Rich eu un mouvement de recul. Il n'allait décidément jamais s'habituer à ces sauts d'humeur.

-J'ai rien demandé moi ! C'est toi qui parle trop.

Elle se renfrogna et reporta son attention sur la cérémonie. Monsieur Harvis venait de passer la main de Lula à son gendre et s'avançait vers le premier rang pour s'assoir à côté de sa femme.

Ne restait plus qu'à survivre à l'ennuie de la récitation.

✓× ✓

Rich vivait un cauchemar éveillé.

La cérémonie avait duré une plombe. Les félicitations avaient duré une plombe. Les photos avaient duré une plombe. Et la pluie tombait encore.

-Alors Lousta, vous êtes encore au lycée vous aussi ? s'enquit Monsieur Harvis en observant la jeune fille dans son rétroviseur intérieur.

Elle était assise au milieu de la banquette arrière, coincée entre Rich et Pearlin. Tyson avait trouvé une place dans la voiture d'un cousin.

-Oui. Je suis en dernière année.

Son sourire semblait charmer les parents de Rich à merveille.

-Et tu habites Londres, c'est ça ?

-C'est bien cela. Que faites-vous dans la vie Monsieur Hervis ?

La question ravie l'intéressé. Il répondit avec gaieté de cœur et ne se fit pas prier pour donner les détails. Rich nota que Lousta simulait un immense intérêt pour cette réponse. Elle enchaîna avec d'autres questions, fouinant un peu plus à chacune d'elles dans la vie personnelle des Hervis.

Rich n'appréciait guère mais il savait que c'était ce que ferait n'importe quelle petite amie pour se faire accepter des parents. Après tout, le but de ce plan était que Lousta soit appréciée par la famille et, par la même occasion, que Rich retrouve son spotlight. Alors il tint sa langue et se contenta de quelques commentaires par-ci par-là.

Leur arrivée à la salle de réception fut presque un soulagement.